Année politique Suisse 1985 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Relations bilatérales
Au chapitre des relations bilatérales, des tensions entre notre pays et la France ont à nouveau été perceptibles. Suite à la décision prise en 1984 par le Conseil national de ne pas entrer en matière sur l'avenant à la convention de double imposition signé par les deux gouvernements l'année précédente, Paris a répliqué en annonçant qu'il considérait dorénavant comme caduc celui-ci, de même que l'accord sur l'imposition des travailleurs frontaliers qui lui était lié. Le gouvernement français a ainsi marqué son désir de reprendre les négociations sur des bases nouvelles. Les huit cantons frontaliers concernés ont toutefois vivement réagi en engageant la France à respecter l'accord signé en 1983 et à leur verser les 120 millions de francs suisses comme le prévoyait la clause dé rétroactivité. Les cantons ont finalement accepté de se contenter des 40 millions proposés par le ministère français de l'économie qui avait refusé de se plier à cette dernière. L'accord a été approuvé en fin d'année par le parlement français [25]. Malgré les assurances données à l'Elysée par le président F. Mitterrand au chef du DFAE quant à sa volonté de dissiper la crise provoquée par les tracasseries douanières et bancaires, un malaise nouveau est apparu dans le courant de l'été avec «l'affaire Greenpeace». Berne a protesté officiellement contre l'emploi fait par deux agents des services secrets français de faux passeports suisses dans leur opération de destruction d'un bateau de l'organisation écologiste dans le port d'Auckland en Nouvelle-Zélande [26]. L'inauguration à Paris du premier centre culturel suisse implanté à l'étranger, ainsi qu'un échange de territoires dans la région genevoise pour faciliter un raccordement autoroutier, ont toutefois été salués avec satisfaction des deux côtés [27]. Quant au refus du DFAE de participer à la préparation (le la première conférence au sommet des chefs d'Etats francophones, prévue en février 1986 à Paris, il a suscité nombre de réactions au sein des cantons romands [28].
En fin d'année, le président de la Confédération, K. Furgler, a reçu au Tessin son homologue italien F. Cossiga. Nos relations avec le Liechtenstein ont, quant à elles été légèrement troublées, des officiers de l'armée suisse ayant, lors d'un exercice de tir, bouté accidentellement le feu à une forêt de la commune liechtensteinoise de Balzers, occasionnant par là d'importants dégâts [29]. Fin avril, le Conseil fédéral a accueilli en visite officielle de trois jours le roi et la reine de Suède. Il s'agissait là de la première visite d'Etat de monarques suédois dans notre pays. P. Aubert a en outre été reçu officiellement à Budapest par le ministre des affaires étrangères hongrois. Les conversationsi, ont surtout porté sur le rôle essentiel de la CSCE et sur les difficultés actuelles de l'UNESCO [30]. Nos relations avec la Pologne et l'Union soviétique ont par contre été émaillées d'incidents. Dans le courant de l'été, le quotidien du ministère soviétique de la défense a accusé notre armée de se rapprocher de plus en plus de l'OTAN. Deux semaines auparavant; un diplomate en poste à Genève à la mission permanente d'URSS auprès de l'ONU avait été déclaré persona non grata par le Ministère public de la Confédération pour espionnage [31]. Du côté polonais, l'arrestation à Varsovie du professeur d'histoire nyonnais Clive Loertscher a suscité moult remous en Suisse. Accusé d'entretenir des relations avec les membres du syndicat dissous «Solidarité», celui-ci a finalement été relâché sous caution après trois mois de détention [32].
L'enlèvement opéré en début d'année à Beyrouth par un groupe chiite du chargé d'affaires suisse au Liban E. Wehrli a conduit le Conseil fédéral à mettre sur pied un état-major de crise. Quelques jours plus tard, le diplomate suisse était relâché par ses quatre ravisseurs grâce à l'intervention des services de sécurité du mouvement chiite Amal. D'aucuns ont rapproché cette libération du jugement clément prononcé par le tribunal de Bülach (ZH) à l'égard du Libanais H. Atat, arrêté l'année précédente à Kloten en possession d'un kilo d'explosif [33]. Parallèlement, l'attentat commis à Istanbul au mois de juin sur la personne du consul général de Suisse H. Freiburghaus par un ressortissant turc qui s'était vu refuser sa demande de visa, a lui aussi remis en cause les dispositifs de sécurité de nos représentations à l'étranger. Les deux journalistes suisses enlevés en 1984 par des rebelles de l'Armée populaire de libération du Soudan ont pour leur part été relâchés après une année de captivité [34].
Le problème des prises d'otages s'est à nouveau posé dans le courant du mois d'août avec le détournement du paquebot italien «Achille Lauro» par un commando palestinien. Grâce aux négociations conduites par le gouvernement égyptien, les vingt-quatre Suisses retenus en otages parmi d'autres purent être libérés deux jours plus tard. La Suisse a pris part aux premières négociations par l'intermédiaire de P. Aubert qui se trouvait au Caire à ce moment-là; une intervention qui a par la suite été jugée inappropriée aux yeux d'un certain nombre de parlementaires et d'une partie de la presse suisse. Cette visite s'inscrivait dans le cadre de la tournée entreprise par le chef du DFAE en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Au cours de celle-ci, P. Aubert s'est rendu successivement en Tunisie, en Syrie et au Liban dans le courant du mois de mai, en Jordanie en septembre, et en Egypte et en Israël début octobre. Outre le fait qu'il a saisi l'occasion pour rappeler dans chacun de ces pays les principes de notre neutralité et de notre disponibilité, P. Aubert en a profité pour recueillir les positions, exigences et propositions des différentes parties au conflit dans le Proche-Orient. A cet égard, il a rappelé que pour le Conseil fédéral, tant le droit des Palestiniens à l'autodétermination que celui d'Israël à l'existence et à la sécurité dans des frontières internationalement reconnues devaient être assurés. Survenu neuf jours à peine après un raid meurtrier de l'aviation israëlienne contre le quartier général palestinien à Tunis, le voyage de P. Aubert en Israël a toutefois provoqué un débat de fond au parlement [35]. Les relations entretenues par notre pays avec l'Afrique du Sud ont déjà été évoquées précédemment. Celles portant sur l'entraide judiciaire avec les Etats-Unis seront traitées plus loin [36].
 
[25] 24 Heures, 28.3.85, 23.4.85; 20.9.85; LM, 31.5.85; Suisse, 8.6.85; 29.6.85; NZZ, 12.12.85. Cf. APS, 1984, p. 50. Voir également Domaine public, 757, 10.1.85 ; 772, 2.5.85. Selon la clause de rétroactivité, la France aurait dût octroyer aux cantons frontaliers (BL, BS, BE, JU, NE, SO, VD, VS) 40 millions par année depuis 1983 sur les impôts prélevés sur les travailleurs frontaliers. Genève a son propre système (cf. Suisse, 17.7.83)1
[26] Rencontre Mitterrand-Aubert: Suisse, 10.2.85. Cf. APS, 1984, p. 50. Affaire Greenpeace: BO CN, 1985, p. 1457; LM, 27.10.85. Voir également Suisse, 27.9.85 (visite de F. Mitterrand à Auvernier).
[27] Centre culturel: Suisse, 15.10.85. Raccordement autoroutier: FF, 1985, I, p. 937 ss.»et II, p. 1372; BO CE, 1985, p. 318 s. et 607; BO CN, 1985, p. 1316 et 1859.
[28] JdG et 24 Heures, 19.12.85; NZZ, 21.12.85.
[29] Italie: CdT, 16.12.85. Voir aussi motion F. Meier (an, ZH) qui demande la dénonciation de l'accord d'émigration avec l'Italie de 1965 (Délib. Ass. féd., 1985, V, p. 64). Liechtenstein: 24 Heures, 7.12.85; NZZ, 10.12.85.
[30] Roi et Reine de Suède: BZ, 23.-25.4.85; Ww, 17, 25.4.85. Hongrie: 24 Heures, 9.9.85.
[31] Suisse, 2.7.85; NZZ, 17.7.85. Voir question ordinaire Spälti (prd, ZH, BO CN, 1985, p. 2281).
[32] Suisse, 22.4.85; 24.4.85; 26.7.85; 24 Heures, 1.5.85; 13.5.85; 27.7.85; 31.7.85. Voiri interpellation urgente Pitteloud (ps, VD, BO CN, 1985, p. 933 ss.).
[33] NZZ, 4.-10.1.85; 24 Heures, 5.1.85; LM, 2.2.85; BaZ, 15.2.85.
[34] Attentat d'Istanbul: NZZ, 20.6.85; 5.8.85. Le consul a finalement eu la vie sauve (24 Heures, 11.7.85). Ambassades suisses face au terrorisme: voir interpellation urgente de la commission des affaires étrangères du CN (BO CN, 1985, p. 510 ss.). Journalistes suisses: LM, 8.2.85.
[35] «Achille Lauro»: Rapp. gest., 1985, p. 19; 24 Heures, 9.10.85. Tournée en Afrique du Nord et au Proche-Orient: JdG, 6.5.85; 14.5.85; 15.5.85; 18.5.85; 16.9.85; 4.10.85; 11.10.85; 24 Heures, 15.10.85; Suisse, 17.10.85. Cf. en outre supra, Principes directeurs.
[36] Afrique du Sud : voir supra, Droits de l'homme. Etats-Unis: voir infra (Relations économiques bilatérales).