Année politique Suisse 1985 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Après les rejets successifs en votation populaire des deux objets énergétiques de 1983 et 1984, les possibilités de l'Etat central de mener une véritable politique énergétique sont restées limitées. Encouragés par l'octroi de l'autorisation générale pour la centrale de Kaiseraugst, accordée à une époque où la discussion sur la protection de l'environnement et sur la mort des forêts ne cesse de s'amplifier, les milieux de l'électricité ont poursuivi leur assaut du marché dominé jusqu'à présent par les pétroliers, certains allant même jusqu'à exiger la suppression de la clause du besoin pour les nouvelles centrales nucléaires. La chute des prix de l'or noir, ainsi que celle du cours du dollar, ont toutefois freiné cette attaque, accroissant du même coup de façon sensible la consommation. Dans ce contexte, la volonté de procéder à des économies d'énergie, déjà bien faible, s'est encore amenuisée et peu de résultats concrets ont pu être enregistrés
[1]. Dans un examen de la politique énergétique suisse, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'est déclarée soucieuse de la forte dépendance de notre pays à l'égard du pétrole, supérieure à la moyenne d'Europe occidentale et qui risque de l'être encore davantage en l'an 2000
[2].
En 1985, la
consommation globale d'énergie a progressé de 1,6% (1984: + 4,3%). Les hydrocarbures occupaient toujours une place prépondérante dans le bilan énergétique final avec une part de 65,7% (1984: 66,4%), suivis de l'électricité (20,5% en 1985 contre 20% en 1984), du gaz (7,3% contre 7,1% en 1984) et du charbon (2,7% contre 2,8% en 1984). La hausse de consommation des produits pétroliers a atteint 0,5% (contre + 2,5% en 1984), celle du gaz 5,0% (+ 13,8% en 1984). Grâce à la mise en service de la centrale de Leibstadt (AG), le record de production de courant d'origine nucléaire enregistré en 1984 a été battu de 22%; la consommation totale d'électricité s'est accrue de 4,2% (1984: +4,5%)
[3].
Suite à l'échec en votation populaire de l'article énergétique proposé par le Gouvernement en 1983, le conseiller fédéral L. Schlumpf s'était vu contraint par la suite d'axer sa politique sur la collaboration entre Confédération et cantons, en tirant en outre parti de compétences fédérales dans des secteurs déjà réglementés, tel celui de la protection de l'environnement par exemple. Ce partage de compétences s'est clarifié au début du printemps à l'occasion de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie tenue à Berne et à laquelle le chef du DFTCE a pris part. Ce dernier a présenté un paquet de 21 mesures, toutes basées sur cinq points principaux: l'utilisation rationnelle de l'énergie, l'encouragement des énergies nouvelles et renouvelables, le soutien à la recherche, l'éducation et l'information.
Au terme de la conférence, une répartition des tâches claire et la
volonté marquée d'une collaboration plus étroite entre cantons et Confédération sont venus saluer les travaux des participants. C'est ainsi que les cantons ont gardé leurs compétences traditionnelles dans le secteur du bâtiment (isolation thermique, prescriptions sur les installations de chauffage, de ventilation et de climatisation), la Confédération se voyant quant à elle réserver le domaine des expertises-types et celui des transports (le transport urbain restant toutefois de la compétence des cantons). Pour le reste, cantons et Confédération ont choisi d'agir en commun en renforçant leur travail dans des domaines tels que le décompte individuel de chauffage, l'information, les installations pilotes, la formation ou les allégements fiscaux. Les parties ont convenu de tirer ensemble un premier bilan de ce programme lors du premier semestre 1986. Si les résultats ne devaient pas être satisfaisants, la Confédération se réserve le droit de remettre sur le métier un projet d'article constitutionnel
[4].
Autre exemple du pouvoir limité de la Confédération en matière de politique énergétique: l'opposition manifestée tant par la majorité des cantons que par celle de la Commission fédérale de l'énergie quant à
l'élaboration d'une loi sur l'énergie électrique annoncée par L. Schlumpf après le rejet par le peuple et les cantons des deux initiatives énergétique et antinucléaire de 1984. Dans son rapport, la Commission insiste sur les avantages de l'électricité dans l'optique de la sauvegarde de l'environnement et de la sécurité de notre approvisionnement. Par conséquent, des mesures modifiant le calcul des tarifs actuel (renonciation au barème dégressif qui a pour conséquence d'encourager le gaspillage) ou régissant l'accès au marché de petites centrales indépendantes ou encore les conditions de raccordement pour les pompes à chaleur et chauffe-eau électriques sont inopportunes. Par contre, la commission a admis la nécessité de l'étiquetage, de l'expertise-type et de normes de consommation pour les appareils, ustensiles et moyens d'éclairage, comme le prévoit le projet de loi sur la protection des consommateurs. Pour le reste, compétence devrait être laissée aux cantons. Parallèlement, le Conseil fédéral a décidé d'abandonner son projet sur l'utilisation de l'énergie dans les bâtiments, vu l'opposition de ceux-ci lors de la procédure de consultation. Deux tiers avaient en effet à l'époque déjà édicté leurs propres normes dans ce domaine
[5].
Si certains de nos voisins ont réalisé de substantiels progrès en matière
d'économies d'énergie au cours de ces dernières années, notre pays par contre a éprouvé bien des difficultés à se mettre à la tâche. Les efforts des uns ont souvent été réduits à néant par la consommation toujours plus grande des autres et ceci spécialement dans les secteurs des transports, des services et des ménages. De plus, la chute des prix du pétrole n'a guère incité aux économies
[6]. Présenté par l'Office fédéral de l'énergie d la fin de l'été, le
décompte individuel des frais de chauffage (DIFC) offre tout de même des perspectives intéressantes. Elaboré par un groupe de travail locataires-propriétaires, le modèle a été mis à l'essai dès l'automne pour une période de deux ans. Celui-ci devrait permettre d'épargner dans le futur quelque 250 000 tonnes de mazout par année, soit 4,7% de la consommation annuelle d'huile de chauffage
[7]. Le projet
d'extension de l'impôt sur le chiffre d'affaires (ICHA) aux agents énergétiques visait quant à lui partiellement à encourager la recherche, mais surtout à renflouer les caisses de l'Etat. La décision du Conseil national de ne pas entrer en matière a définitivement enterré les espoirs du Conseil fédéral. Dans la foulée, la chambre du peuple a rejeté à une petite majorité (42 à 34) une motion du démocrate-chrétien de Bâle-Campagne H. Wick qui prévoyait une taxe à l'importation des énergies primaires et dont le produit aurait servi lui à «réduire les nuisances, utiliser rationnellement l'énergie et recourir à des agents renouvelables»
[8].
Après ceux de Zurich, Berne, des deux Bâles, Neuchâtel et Fribourg, le canton de Zoug dispose à présent lui aussi de sa propre loi sur l'énergie. Dans quelques autres cantons, des projets sont à l'étude ou en train d'être préparés. A la fin de l'année, 21 cantons possédaient des prescriptions sur l'isolation des bâtiments, ce qui représentait le 92% de la population helvétique (contre 81% en 1983)
[9].
[1] Vat., 7.6.85 ; 24 Heures, 4.9.85 ; Bund, 19.2.86. Pour les votations sur un article constitutionnel sur l'énergie, voir APS, 1983, p. 101 s. (proposition du gouvernement) et APS, 1984, p. 99 ss. (initiative populaire).
[2] NZZ, 4.10.85. Voir en outre RFS, 38, 24.9.85 et S. Kypreos / P. Kesselring, Kostenoptimierte Energieversorgungsszenarien für die Schweiz, Würenlingen 1985.
[3] Bilan: NZZ, 12.4.86 ; APS, 1984, p. 97. Cf. en outre Union des centrales suisses d'électricité, Electricité: des faits, 1985.
[4] DFTCE et Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie, Déclaration d'intention sur la collaboration de la Confédération et des cantons en matière de politique énergétique, Berne 28.3.1985 ; NZZ, 28.3.85 ; 30.3.85 ; Vat., 11.6.85; APS, 1984, p. 98 s. Voir aussi P. Richli, «Handels- und Gewerbefreiheit contra Energiepolitik?», in Schweiz. Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung, 86/1985, p. 1 ss. Les communes, elles aussi, ont un rôle à jouer dans la politique énergétique: cf à ce propos W. Bierter / H.-M. Binder / E. Rüegg, Energiepolitische Handlungsmöglichkeiten auf kommunaler und kantonaler Ebene, Liestal 1985.
[5] Rapport: Commission fédérale de l'énergie, Mesures en faveur de l'utilisation rationnelle de l'électricité, Berne 1985 ; presse du 6.7.85 ; L'Hebdo, 28,11.7.85 ; APS, 1984, p. 98 et 100. La commission s'est prononcée par 12 voix contre 9 en défaveur de l'élaboration d'une telle loi. La motion Wick (pdc, BS) et celle déposée par le groupe socialiste, toutes deux transformées en postulats, demandent au CF de légiférer sur l'utilisation rationnelle de l'énergie (BO CN, 1985, p. 1454 ss. et p. 2241 s.). Modification du calcul des tarifs: BaZ, 25.5.85; 26.6.85; 31.8.85. Loi sur la protection des consommateurs: voir APS, 1984, p. 69 s.
[6] M. Kohn, « Energiesparen und Umweltschutz in Industrie und Gewerbe», in NZZ, 1.2.85.
[7] Presse du 7.9.85. Le DIFC devait être rendu obligatoire à BL dès 1984. L'initiative populaire «Zur Aufhebung des Obligatoriums der individuellen Heizkostenabrechnung in Altbauten» a retardé l'échéance. Tant le Conseil d'Etat que la commission parlementaire ont recommandé le rejet de celle-ci (BaZ, 24.4.85; 12.10.85). Selon une étude faite sur 1200 immeubles de ce canton, les économies ont atteint 14% la première année, s'élevant jusqu'à 23% les années suivantes (BaZ, 3.9.85).
[8] ICHA sur l'énergie : BO CN, 1985, p. 1331 ss. ; presse du 18.9.85. Cf supra, part. I, 5 (Einnahmen). Motion Wick: BO CN, 1985, p. 1453 ss.; BaZ, 20.9.85; APS, 1984, p. 100.
[9] Vat., 31.5.85; SGT, 4.10.85, ainsi qu'informations de l'OF de l'énergie; APS, 1984, p. 101. Cf. infra, part. II, 4a.
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