Année politique Suisse 1985 : Sozialpolitik / Sozialversicherungen
 
Assurance-vieillesse
A l'étude depuis près de cinq ans, au stade préparlementaire, le contenu de la 10e révision de l'assurance-vieillesse et survivants reste au stade des suppositions. Le conseiller fédéral A. Egli a toutefois annoncé la publication d'un message à fin 1987, sans pour autant exclure la possibilité d'un retard. Invoquant le caractère aléatoire de la croissance économique actuelle, il semble d'ores et déjà écarter une réforme de grande envergure pour se rabattre sur une solution minimale et sélective qui s'en tiendrait au principe controversé de la neutralité des coûts [3].
La parution d'un nouveau rapport d'experts, lesquels procèdent entre autres à une analyse prospective de l'AVS, a stimulé un large débat sur les moyens susceptibles de maintenir à moyen et long terme l'assise financière du régime. Mandatés par le DFI, quatre professeurs zurichois ont tenté de répondre aux questions soulevées par un postulat du groupe indépendant et évangélique, accepté au Conseil national, concernant les perspectives de la sécurité sociale en Suisse. D'entrée, les résultats de leur recherche opposent un démenti à deux des affirmations entretenues par les milieux proches de l'économie en matière de politique sociale. Si l'on en croit leurs auteurs, le développement de l'AVS ne nuirait en aucune façon à la compétitivité internationale de nos entreprises. Indépendamment de l'influence, jugée déterminante, des mécanismes monétaires mondiaux sur la formation des coûts à l'exportation, il est démontré que les employeurs placés en situation de concurrence s'attacheraient à reporter sur les salaires chaque accroissement des charges de prévoyance. Mais la principale conclusion de ces investigations relève d'une mise en garde contre les méfaits du vieillissement progressif de la population sur la solvabilité future de l'AVS. La projection de tels déséquilibres, inéxorablement prévus pour le début des années nonante, selon le scénario le plus pessimiste, n'aurait jamais été esquisée avec autant. de précision, tempérant ainsi l'optimisme «de commande» qu'afficheraient à ce propos les milieux officiels. Pour remédier à la progression rampante des coûts de l'assurance et à la détérioration du rapport entre le nombre des rentiers et celui des cotisants, sans céder pour autant à un alarmisme jugé déplacé, les experts en appellent d'urgence à l'adoption de mesures correctives. De leur côté, ils avancent une série de combinaisons qui passent de la réduction du montant des rentes à une adaptation ralentie de celles-ci au renchérissement, d'une majoration des cotisations à une nouvelle définition de l'âge donnant droit à la retraite. Ils accordent par ailleurs leur préférence à l'élévation de l'âge de la retraite pour les femmes.
Au niveau des réactions d'ordre général, la plupart des intéressés ont émis l'espoir que les bases analytiques de ce rapport amènent les organes de décision à prendre concrètement conscience de la nécessité d'assainir l'AVS. Quant aux jalons à poser dans ce domaine, tous ont déploré le manque d'originalité des formules envisagées. Au-delà de cette appréciation commune, les prises de position des différents partenaires politiques ont une fois encore illustré leurs divergences en la matière. La gauche syndicale s'est toutefois singularisée par la virulence de ses critiques, principalement dirigées contre la proposition visant à faire assumer aux femmes les charges d'une restructuration des prélèvements AVS. Pour élargir le faisceau des solutions possibles, l'USS suggère l'application de mesures qui tiendraient compte des risques liés à l'évolution démographique mais également des effets de la diminution du nombre des emplois due à l'introduction des nouvelles technologies. A ses yeux, le chômage constituerait en effet une menace pour l'avenir financier de l'assurance trop souvent évacué. Partageant cette approche du problème, le conseiller national Carobbio (psa, TI) a déposé une motion qui réclame un réexamen des critères de financement de l'AVS à la lumière des restructurations intervenues sur le marché du travail. Il envisage notamment la possibilité d'améliorer les recettes de l'assurance par le biais d'une taxation sociale sur l'ensemble des appareils électroniques des entreprises. Suite à l'examen du rapport, le gouvernement, pour sa part, a demandé à la commission fédérale compétente d'évaluer la question des ressources de l'AVS de manière approfondie [4].
Dans son message relatif à l'initiative populaire des POCH, laquelle vise à abaisser à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes l'âge donnant droit à la retraite, l'exécutif invoque avant tout des motivations de nature financière pour recommander le rejet de celle-ci sans lui opposer de contre-projet. En effet, la concrétisation de cette proposition entraînerait des charges supplémentaires, jugées inacceptables, pour les pouvoirs publics, les salariés et l'économie nationale, ainsi que des modifications dans d'autres branches de notre sécurité sociale, à la défaveur de certaines catégories d'assurés. De même, la prétendue rigidité de la formule des initiants accentuerait les effets négatifs de la structure des âges sur les comptes de l'AVS et les difficultés sur le front de l'emploi, principalement pour les jeunes. Quant à ses aspects humains, un système de retraite anticipée schématique et unilatéral ne correspondrait pas à un besoin général. Les associations patronales se sont estimées satisfaites de cet argumentaire. Elles ont toutefois regretté que le Conseil fédéral ait manqué l'occasion de tirer la 10e révision de son néant, en se soustrayant à la formulation d'une alternative. De leur côté, les syndicats ont condamné le caractère par trop partisan de ce message et le refus catégorique du gouvernement d'entrer en matière sur le terrain des auteurs de l'initiative. L'USS a notamment relevé que la position gouvernementale signifiait le rejet de toute forme d'abaissement de l'âge de la retraite et même de la retraite à la carte, si celles-ci entraînaient de nouvelles dépenses pour l'assurance [5].
L'exécutif a par ailleurs décidé d'adapter dès le 1 er janvier 1986 les rentes ainsi que les allocations pour impotents de l'AVS et de l'AI à l'évolution des prix et des salaires. Par assuré, ces indexations se situent dans une fourchette de 4 à 4,6%. Les propositions de la Commission fédérale de l'AVS ont également conduit le gouvernement à réviser certains plafonds de cotisations à l'endroit des indépendants et des personnes sans activité lucrative et à élever les limites de revenu régissant l'octroi des rentes extraordinaires [6].
 
[3] Travaux relatifs à la l0e révision de I'AVS: RFS, 12, 21.3.85; 49,10.12. 85; Bund, 18.4.85; TA, 1.6.85; 30.11.85; NZZ, 10.6.85; 10.12.85; SZ, 27.7.85; 12.12.85; Ww, 36, 5.9.85. Concernant la publication future du message voir BO CN, 1985, p. 922 s. et 1837.
[4] Rapport: presse du 13/14.7.85; 24 Heures, 15.7.85. Réactions: USS, 21, 17.7.85; VO, 28, 18.7.85; 46, 21.11.85 ; Ww, 29, 18.7.85 ; BZ, 20.7.85 ;NZZ, 20.7.85 ; 23.8.85 ; SAZ, 30/31, 25.7.85 ; 33, 15.8.85 ; 39, 26.9.85 ; TA, 27. 7.85 ; Vr, 30.7.85 ; 5.9.85 ; JdG, 29.11.85. Pour le financement de l'AVS cf. aussi postulat Landolt (pdc, ZH) (BO CN, 1985, p. 1244); motion Carrobbio (psa, TI) (Délib. Ass. féd., 1985, IV, p. 46); postulat Fankhauser (sp, BL) (Délib. Ass. féd, 1985, V, p. 50). Concernant la contribution de la Confédération au financement de l'AVS voir supra, part. I, 1d (Confédération et cantons).
[5] Message : FF, 1985, II, p. 597 ss. ; presse du 18.6.85. Commentaires : RFS, 25/26, 25.6.85 ; VO, 31, 8.8.85 ; SP, VPOD, 34/35, 22.8.85; SAZ, 41, 10.10.85; voir aussi APS, 1982, p. 130. Controverses et positions concernant la fixation de l'âge de la retraite (général): BaZ, 30.1.85; SZ, 24.4.85; NZZ, 28.5.85; USS, 17, 5.6.85; TA, 25.9.85. Réponse du CF quant à l'éventuelle introduction de la retraite à la carte (BO CN, 1985, p. 1870).
[6] Adaptation ordinaire des rentes AVS/AI: RO, 1985, p. 919 ss. et 924 ss.; NZZ, 5.9.85; 25.11.85; 30.12.85; TA, 24.12.85; RCC, 1985, p. 351 ss. et 556 ss. Le CF a également modifié la procédure des demandes d'obtention des prestations auxiliaires de vieillesse (RO, 1985, p. 2007 ss.) ainsi que le règlement sur l'AVS (RO, 1985, p. 913 ss. ; RCC, 1985, p. 436 ss.) Ces révisions entreront en vigueur au 1er janvier 1986.