Année politique Suisse 1985 : Sozialpolitik / Sozialversicherungen
 
Prévoyance professionnelle
L'introduction au 1er janvier de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), si elle conduit à parachever le système des trois piliers sur lequel repose l'ensemble de notre sécurité sociale, s'est opérée dans un climat de confusion et de résistance semblable à celui qui avait prévalu tout au long de la procédure d'élaboration parlementaire. Révélateur de ce mécontentement ambiant, la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie a fustigé les pratiques des employeurs à la tête de certaines firmes ou de branches entières d'activité, lesquels profitant du changement de régime ont révisé les règlements de leur caisse de pension pour réduire le salaire assuré au minimum légal, pénalisant ainsi les classes de revenus les plus défavorisées [12].
La politique de gestion des fonds du deuxième pilier a été placée sous le feu de la rampe. Son enjeu paraît bel et bien d'importance si l'on considère que l'épargne collective drainée par les institutions de prévoyance prend peu à peu le pas sur l'épargne individuelle et concentre une part croissante de la richesse nationale entre les mains d'un nombre relativement réduit d'investisseurs. Les controverses se sont à nouveau allumées autour des répercussions économiques de ce phénomène et de son influence sur le marché des capitaux ainsi que sur celui de l'immobilier. De nombreux observateurs ont notamment déploré qu'en matière de placement, les caisses de pension se détournent du capital risque et se contentent d'un comportement conservateur, par trop respectueux de la consigne légale de sécurité, aux dépens d'investissements plus diversifiés et économiquement plus rentables. Ils ont ainsi plaidé en faveur d'une affectation de la fortune du deuxième pilier davantage orientée vers le renouvellement du potentiel productif de nos industries. Allant au-devant de ces revendications, le Conseil fédéral, par voie d'ordonnance, a assoupli ses directives sur le placement des fonds des institutions de prévoyance. Dans ce sens, il a étendu leurs possibilités d'investir en ce qui concerne les actions, les bons de participation et les bons de jouissance étrangers, tout en rappelant que l'administration financière de la prévoyance professionnelle relevait avant tout de la compétence des partenaires sociaux [13].
Les premières négociations relatives à l'aménagement du régime fiscal de la nouvelle loi se sont avérées des plus laborieuses. Sur le plan des énoncés de principes, les Chambres ont adapté, sans opposition, l'arrêté gouvernemental sur la perception de l'impôt fédéral direct aux prescriptions d'ordre fiscal prévues par la LPP. Le point central de cette révision envisage l'exonération des contributions des employeurs et de la fortune des institutions affectée à des fins de prévoyance, ainsi que l'entière déductibilité des cotisations versées à ces dernières par les salariés et les indépendants. En contrepartie, la pleine imposition devrait progressivement s'appliquer à l'ensemble des prestations de prévoyance [14].
Fort de cet aval parlementaire, le Conseil fédéral a soumis en consultation deux projets d'ordonnance. Le premier s'attachait aux modalités d'application du traitement fiscal du deuxième pilier. Quant au second, il visait à fixer les déductions admises par le fisc pour les quote-parts versées à certaines formes de prévoyance individuelle. Leur contenu reflétait avant tout les préoccupations des directeurs cantonaux des finances. Dans le but de préserver leurs recettes fiscales et d'éviter la mise en place d'un nouveau mécanisme de fraude, ils ont tenté de réduire les possibilités de défalcation inscrites dans la loi. Ce cortège de propositions limitatives a été considéré par des milieux concernés comme une véritable provocation. Les protestations se sont principalement concentrées sur les restrictions apportées dans le premier projet d'ordonnance. Outre qu'elles auraient vidé de leur substance une partie des objectifs assignés au deuxième pilier, certaines des mesures envisagées auraient de surcroît porté atteinte aux droits et aux structures des institutions de prévoyance existantes. Sensible à ces arguments fondés sur le sens même de la loi, le gouvernement a renoncé à l'idée d'une réglementation uniforme de ce domaine au niveau fédéral, laissant ainsi à chacun des cantons le soin d'élaborer ses propres dispositions. En revanche, l'ordonnance concernant la déduction fiscale des contributions aux formes de prévoyance dite liée, composante du troisième pilier, a été promulguée. La version retenue est toutefois plus généreuse que celle prévue initialement, notamment à l'endroit des indépendants. Ces derniers n'étant pas tenus de s'affilier au système de prévoyance professionnelle, le Conseil fédéral entendait rétablir une certaine égalité de traitement en matière d'avantages fiscaux et encourager d'une manière générale le développement de l'épargne individuelle. Cette décision a toutefois suscité de vives critiques dans les rangs syndicaux. L'USS estime, en effet, que les limites d'exonérations proposées devraient être applicables à tous les contribuables, indépendants ou salariés [15].
 
[12] USS, 2, 16.1.85; Ww, 4, 24.1.85; 28, 11.6.85; SP, VPOD, 3/4, 24.1.85; BaZ, 8.3.85; 29.6.85; 29.9.85; Lib., 16/17.3.85 ; NZZ, 28.5.85 ; TA, 31.5.85 ; TW, 5.7.85 ; VO, 34, 29.8.85. Tentatives controversées visant à modifier la conception des caisses de pension du personnel de la Confédération pour l'adapter à la LPP: postulat Ammann (prd, BE) (BO CN, 1985, p. 402 ss.); postulat Kündig (pdc, ZG) (BO CE, 1985, p. 215 ss.) ; Journal des fonctionnaires fédéraux, 1, 17.1.85; 4, 28.2.85; 6, 28.3.85.
[13] LNN, 3.1.85; BaZ, 24.1.85; 8.2.85; 23.3.85; 6.4.85; SAZ, 4, 24.1.85; 13/14, 28.3.85; NZZ, 5.3.85; 25.3.85; 19.11.85; TA, 13.4.85; Vat., 13.6.85; JdG, 10.7.85; SGT, 19.9.85. Modification de l'ordonnance relative aux directives concernant le placement de la fortune des institutions de prévoyance (RO, 1985, p. 710); voir aussi «Placement du deuxième pilier dans le cadre de l'économie nationale», in Cahiers de conjoncture, 41/1985, p. 50 ss.
[14] BO CE, 1985, p. 187 ss., 246; BO CN, 1985, p.291 ss., 761.
[15] Controverses autour des projets d'ordonnances sur le traitement fiscal de la prévoyance professionnelle (OPP4) et sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP3): NZZ, 22.2.85; 29.3.85; 3.4.85; 20.5.85; 7.6.85; 10.6.85; 6.9.85; 27.9.85; USS, 11, 27.3.85; JdG, 3.4.85; SAZ, 15, 11.4.85 ; 24 Heures, 3.5.85 ; L'Hebdo, 22, 30.5.85 ; Bund, 8.10.85. Résultats des négociations (OPP3) : RO, 1985, p.1778 ss. Réactions: presse du 14.11.85; RFS, 46, 19.11.85; USS, 34, 20.11.85; SAZ, 48, 28.11.85.