Année politique Suisse 1986 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Principes directeurs
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Droits de l'homme
L'aggravation de la situation de la communauté noire en Afrique du Sud a posé une nouvelle fois le problème de savoir quelle attitude devait prendre la Suisse face au principe du respect des Droits de l'homme, bafoués dans cette partie du monde. Si les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Communauté européenne et l'ensemble des Etats occidentaux ont tous décrété durant l'automne diverses sanctions économiques contre l'Afrique du Sud, la position du Conseil fédéral, elle, par contre, n'a pas changé d'un iota. Si l'exécutif a condamné une fois de plus clairement «la ségrégation et la discrimination raciales, ainsi que les violations des droits de l'homme les plus fondamentaux partout où elles surviennent», il s'est contenté de réaffirmer que pour lui «l'application de sanctions économiques et autres ne constituait pas une mesure appropriée pour corriger une situation politique donnée». Le Conseil fédéral s'est toutefois engagé à prendre des mesures pour éviter que le territoire suisse ne soit utilisé pour contourner celles prises par des Etats tiers. Face à cette attitude gouvernementale pour le moins prudente et l'isolement de la Suisse dans ce conflit, le groupe socialiste et l'extrême-gauche, lors de la session d'hiver du Conseil national, ont tous deux exigé du Conseil fédéral des mesures concrètes bien plus fermes. Ils ont été soutenus en cela par la fraction indépendante-évangélique. Le socialiste saint-gallois P. Rechsteiner a ainsi tenté de faire adopter sous forme de motion une pétition du «Mouvement antiapartheid» demandant la prise de sanctions économiques. Par 84 voix contre 41, celle-ci a été classée, le camp bourgeois ayant soutenu l'attitude du Conseil fédéral. P. Aubert a rappelé à cette occasion que, pour le collège gouvernemental, la solution à l'apartheid passait par une entente entre tous les partenaires concernés et que la Suisse pourrait jouer là, en décidant de ne décréter aucune sanction, un rôle extrêmement utile. La gauche quant à elle a adressé de vives critiques aux banques et aux milieux économiques suisses, coupables, selon elle, de tirer profit des relations entretenues par notre pays avec l'Etat africain [13].
Le Conseil fédéral a soumis à l'approbation du parlement les protocoles additionnels no 5, 6, 7 et 8 à la Convention européenne des droits de l'homme. Ceux-ci, comme nous l'avons déjà évoqué dans le chapitre précédent, concernent l'abolition de la peine de mort en temps de paix, la liste des droits civils et politiques contenus dans la Convention, ainsi que des questions de procédure et d'organisation. Le Conseil national a d'ores et déjà approuvé ces trois protocoles lors de sa session d'automne, ceci sans grande opposition. La chambre du peuple, contrairement à l'avis exprimé par le Conseil fédéral, a cependant tenu, sous l'impulsion des libéraux et des nationalistes, à soumettre les protocoles n°s 6 et 7 au référendum facultatif. Si les derniers nommés ont soutenu le principe de la sanction populaire parce qu'ils étaient réticents à l'idée d'une ratification d'un protocole interdisant la peine de mort en temps de paix, les libéraux ont exprimé la même revendication pour des raisons totalement différentes. Leur porte-parole, J.-S. Eggly (GE), a en effet invoqué l'article 89 de la Constitution fédérale qui dit que les traités internationaux doivent être soumis au référendum facultatif lorsqu'ils entraînent une unification multilatérale du droit, ce qui, selon lui, était le cas en l'espèce. Un avis non partagé tant par E. Kopp, le chef du DFJP, que par le président de la Commission des affaires étrangères, le radical valaisan B. Dupont, pour qui les deux protocoles en cause ne modifieront pas notre droit. La conseillère fédérale a en outre tenu à rappeler qu'en ce qui concerne le protocole n° 6, la peine de mort avait déjà été abolie en Suisse par le Code pénal entré en vigueur en 1942 à la suite d'une votation populaire [14].
Une semaine plus tard, les socialistes, soutenus par une partie de l'UDC, ont également tenté de soumettre au référendum facultatif la ratification de la «Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU à fin 1984 et signée parla Suisse début 1985. La fraction socialiste a argumenté non pas que celle-ci entraînerait une modification du droit interne suisse, mais qu'elle méritait d'être considérée comme un objet de grande importance. Au vote, l'idée d'un éventuel référendum a été écartée par 75 voix contre 40 et la ratification adoptée à l'unanimité, à l'image du Conseil des Etats. Dans la foulée, les Chambres ont transmis au Conseil fédéral une pétition d'Amnesty International demandant à nos autorités d'intensifier leurs efforts dans la lutte contre la torture [15]. Afin de promouvoir la politique de la Suisse en faveur des droits de l'homme, un service spécial a été créé à cet effet en cours d'année au sein du DFAE [16].
 
[13] Sanctions des autres pays et attitude de la Suisse: NZZ, 20.8.86; 23.9.86; 24 Heures, 29.8.86; 23.9.86; 2.10.86; L'Hebdo, 41, 9.10.86. Débat au CN: BO CN, 1986, p. 2007 ss. Cf. également USS, 21, 25.6.86; 24, 27.8.86; APS, 1985, p. 42. Le ministre sud-africain des affaires étrangères, P. Botha, a été reçu à Berne par P. Aubert en février pour discuter du problème de l'apartheid (24 Heures, 13.2.86; 14.2.86), de même que le président du Congrès national africain (ANC), O. Tambo, au mois de juin (Rapp. gest., 1986, p. 23). Voir Aktion Finanzplatz Schweiz-Dritte Welt, Zusammenarbeit Schweiz-Südafrika, Bern 1986 et infra, part. I, 4d (Banken). P. Rechsteiner (ps, SG) a déposé une initiative parlementaire demandant un arrêté fédéral soumettant à la règle du courant normal toute exportation de capitaux vers l'Afrique du Sud ainsi que le commerce de l'or avec ce pays (Délib. Ass. féd., 1986, III/IV, p. 20). Pour le problème des citoyens suisses arrêtés en Afrique du Sud, cf. infra (Relations bilatérales).
[14] FF, 1986, II, p. 605 ss. ; BO CN, 1986, p. 1230 ss. ; NZZ, 20.2.86 ; 24 Heures, 1.10.86. Cf. APS, 1985, p. 42 s. Le CN a approuvé la proposition Eggly par 82 voix contre 67 (protocole no 6) et par 71 voix contre 40 (protocole no 7). Pour un aperçu plus détaillé des trois protocoles, cf. supra, part. I, 1b (Grundrechte). Voir également G. Malinverni, « La pratique suisse relative à la Convention européenne des droits de l'homme 1984 », in Annuaire suisse de droit international, 41/1985, p. 244 ss. et M. Krafft, «Politique en faveur des droits de l'homme, partie intégrante de la politique étrangère suisse: esquisse d'un premier bilan depuis la publication du rapport du Conseil fédéral du 2 juin 1982», in Völkerrecht im Dienste des Menschen: Festschrift Hans Haug, Bern 1986, p. 123 ss.
[15] BO CE, 1986, p. 11 s. ; BO CN, 1986, p. 1335 ss. ; BaZ, 5.3.86 ; JdG, 7.10.86. Cf. APS, 1985, p. 42. La Suisse était le 2.12.1986 le douzième pays à ratifier la Convention (NZZ, 3.12.86). Voir C. Dominicé, «Convention contre la torture: de l'ONU au Conseil de l'Europe», in Völkerrecht im Dienste des Menschen: Festschrift Hans Haug, Bern 1986, p. 57 ss.
[16] Rapp. gest., 1986, p. 34.