Année politique Suisse 1987 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Institutions européennes
Les discussions entre la Communauté Économique Européenne (CEE) et l'Association européenne de libre-échange (AELE), concernant la création d'une
zone économique européenne homogène, ont connu une nouvelle évolution lors des réunions ministérielles de l'AELE qui se sont tenues à Interlaken (BE) et Genève. Ses membres ont défini un espace économique européen (European Economic Space: EES) réunissant les dix-huit pays des deux organisations. Il engloberait non seulement les domaines traditionnels de collaboration mais aussi ceux de l'environnement et de la communauté technologique. Il pourrait ainsi conduire à une harmonisation des normes, une suppression des obstacles et des pratiques commerciales déloyales ainsi que des subventions publiques inconciliables avec le libre-échange et, enfin, à une simplification des expéditions douanières et des règles d'origine
[65].
A ce titre, les Chambres ont ratifié, à l'unanimité, deux
conventions établies entre l'AELE et la CEE. La première concerne l'harmonisation des formalités douanières et vise à simplifier les formes dans les échanges de biens. Elle prévoit le remplacement de tous les actes nationaux (36) par un document unique obligatoire pour l'importation, l'exportation et le transit entre les pays de la zone ainsi créée. La seconde prévoit l'harmonisation des procédures de transit afin de faciliter et d'accélérer le trafic des marchandises à travers l'Europe. Elle étend en fait aux pays nordiques de l'AELE l'application d'accords déjà existants entre la Suisse, l'Autriche et la CEE
[66].
Quatre voies sont susceptibles d'être empruntées par l'AELE afin de se rapprocher de la CEE: l'adhésion, exclue à ce stade pour la Suisse en raison de la sauvegarde des principes de neutralité, de fédéralisme et de démocratie directe, les accords multilatéraux, aujourd'hui en discussion au sein de l'AELE, les conventions bilatérales entre les pays membres de cette association et la CEE et, enfin, l'adaptation et la mise en oeuvre individuelle des décisions de la CEE par ces Etats. Mais cette dernière solution pose le problème du danger de satellisation des pays de l'AELE par la CEE. Non membres de la Communauté et, à ce titre, n'ayant aucun droit dans le processus de décision, ils sont néanmoins obligés de s'adapter à ses normes. Entre cette alternative et la marginalisation, quelle attitude adopter? La doctrine officielle du Conseil fédéral réside dans l'application d'une troisième voie permettant à la Suisse d'éviter à la fois l'adhésion et l'isolement. Il s'agit de conclure des traités et des accords, secteur par secteur, et d'atteindre ainsi un degré maximal d'intégration économique
[67]. Si cela n'était pas fait, quel en serait le prix? D'une part, celui déjà payé pour la non-adhésion: l'impossibilité de participer au processus de décision de la CEE dont sont issus des actes impliquant notre pays: D'autre part, des risques économiques non négligeables tenant à la création du marché intérieur de 1992: des procédures frontalières plus coûteuses pour les exportateurs suisses, une exclusion des soumissions publiques, une non-libéralisation des services, une discrimination de la place financière et une inégalité de traitement devant la loi, notamment dans les recours
[68].
Plus concrètement, citons le problème de la responsabilité des faits des produits. La CEE, en juillet 1988, introduira une réglementation dans laquelle les plaignants n'auront pas besoin de prouver la faute du producteur ou de l'importateur. Il leur suffira de démontrer le lien existant entre les dommages et l'objet incriminé. Un exportateur helvétique dans la zone communautaire sera donc soumis à cette juridiction et pourra être traduit devant les tribunaux de la CEE. En Suisse, une telle législation n'existe pas, bien que plusieurs interventions parlementaires l'aient proposée
[69].
Dans le domaine des assurances, la situation est autre. Depuis 1976, un accord octroyant aux assureurs suisses un droit d'établissement dans les pays membres de la CEE est en discussion mais n'a toujours pas été ratifié
[70].
Au parlement, plusieurs interventions ont mis en exergue l'inquiétude du monde politique suisse face aux futures relations qui s'établiront entre la Suisse et la CEE d'une part, avec l'AELE de l'autre. L'interpellation Schaffter (pdc, JU) et le postulat de la commission des affaires économiques du Conseil national demandant un rapport au gouvernement sur le sujet
[71] ainsi que l'interpellation Flückiger (prd, JU) posant la question de la cohésion de l'AELE, d'actualité si l'on se réfère aux rumeurs d'adhésion de la Norvège et de l'Autriche, ont matérialisé ces préoccupations
[72].
[66] FF, 1987, Il, p. 1459 ss.; BO CN, 1987, p. 1192 ss.; BO CE, 1987, p. 561 s.; FF, 1987, III, p. 274 (spécifiant que les arrêtés seront publiés ultérieurement).
[67] L'Hebdo, 28.1.88; Norbert Faustenhammer, "L'AELE change de visage", in Bulletin EFTA,1987, no 4, p. 3 ss.; La Vie économique, 1988, no 2, p. 9 ss.
[68] Etude du Vorort in BaZ, 25.11.87.
[72] BO CE, 1987, p. 465 ss. (Schaffter); BO CN, 1987, p. 74 ss. (Postulat); Délib. Ass. féd., 1987, IV, p. 102. (Flückiger).
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