Année politique Suisse 1987 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Constructions militaires
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Programme des constructions
Le parlement a octroyé des crédits pour une somme totale de 414 millions de francs pour le programme des constructions militaires et des acquisitions de terrains (1986: 443,6 millions). 177 millions iront à des ouvrages d'entraînement au combat, dont 132 millions pour le renforcement des divers terrains. Par ailleurs, 20,4 millions seront utilisés pour des installations de transmission, 6,2 millions pour l'alarme sur les aérodromes et 10 millions pour la réfection des pistes. Un cinquième environ des crédits accordés se répartira entre sept projets logistiques, dont un hôpital militaire protégé devisé à 29 millions de francs et construit à Nottwil (LU) [14].
L'armée aura toujours davantage de peine à réaliser de nouvelles places d'armes, c'est ce qui ressort d'un rapport rédigé par le DMF. L'exiguïté du terrain contraindra l'armée suisse à renoncer à la construction de nouvelles places d'exercices et de tirs. Pour le chef de la division places d'armes et de tirs du DMF, l'accent devra être mis sur une exploitation plus rationnelle des possibilités existantes et l'armée devra trouver une meilleure harmonisation avec les intérêts du tourisme et de l'agriculture, sans pour autant négliger l'instruction [15].
Malgré les véhémentes protestations de la commune de Balzers, l'armée suisse a repris ses exercices de tir sur la place d'armes grisonne de Luzisteig, en face du Liechtenstein. En décembre 1985, des exercices qui s'étaient déroulés à ce même emplacement avaient déclenché un important incendie de forêt au-dessus de Balzers. Le DMF avait alors promis de réparer les dégâts et de prendre des mesures de sécurité. Le conseil communal de Balzers avait exigé de son gouvernement qu'il intervienne au-près de son homologue helvétique afin que les tirs sur le terrain d'Andwiesen soient suspendus aussi longtemps qu'aucun compromis n'ait pu être trouvé entre Berne et Vaduz. Du côté du DMF, on a indiqué ne pas pouvoir se passer de cette place d'armes et que, d'ailleurs, un certain nombre de mesures de sécurité avaient déjà été prises pour parer aux incendies. En effet, le programme des constructions 1987 a prévu un montant de 3,7 millions de francs pour des mesures anti-incendie à St. Luzisteig: construction de chemins d'accès, aménagement d'un réservoir et extension du réseau des hydrants [16].
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Initiative de Rothenthurm
Durant la session de printemps, le Conseil national s'est penché sur l'examen de l'initiative populaire "Pour la protection des marais – Initiative de Rothenthurm" qui vise à sauvegarder les marais et les marécages d'une beauté particulière et présentant un intérêt national ainsi qu'à interdire la construction d'une partie de la place d'armes de Rothenthurm (SZ). Une disposition transitoire de ce projet de texte constitutionnel prévoit en outre qu'il y aura lieu de démanteler toute installation ou construction et de remettre dans son état d'origine tout terrain modifié lorsque ces ouvrages ou modifications ont été entrepris après le ler juin 1983. Malgré une importante minorité, composée des socialistes, de l'extrême gauche, des écologistes et d'une majorité d'indépendants et d'évangéliques, le Conseil national s'est finalement rallié au Conseil des Etats et a recommandé, par 115 voix contre 56, le rejet de ladite initiative sans lui opposer de contre-projet. En revanche, il a souscrit à la révision de la Loi sur la protection de la nature et du paysage (LNP) conçue par le Conseil fédéral comme contre-projet indirect à l'initiative et destinée à réduire son impact. Aux termes de ce nouveau texte, la Confédération déterminera les biotopes d'importance nationale qui méritent d'être protégés [17].
Tout au long de la campagne qui a précédé le scrutin populaire, la sensibilité de l'opinion face aux atteintes de l'environnement n'a cessé de se renforcer. Mais les milieux hostiles à l'initiative ont ignoré ce courant écologique et ont délibérément militarisé la question en présentant l'initiative comme une dangereuse manoeuvre destinée à affaiblir la défense nationale. Pour D. Raymond, responsable de l'information de la Société suisse des officiers, les promoteurs de l'initiative auraient dissimulé leurs véritables intentions derrière des options à la mode. Et de poursuivre en indiquant qu'il est incontestable que les milieux qui ont lancé l'initiative vont se retrouver pour approuver l'introduction d'un service civil et pour certains, la suppression de l'armée. Avis d'ailleurs partagé par le conseiller national F. Jeanneret (pl, NE), membre du comité suisse contre l'initiative, pour qui ce nouvel article constitutionnel, sous le couvert de la protection des sites naturels, ne serait en fait qu'une attaque contre la présence de l'armée en Suisse centrale. D'autres arguments ont été évoqués par les opposants comme le réel besoin de disposer d'une place d'armes, le fait que les hauts-marais n'étaient guère menacés par les activités militaires et que l'initiative devenait superflue depuis l'acceptation par les Chambres de la nouvelle LPN.
Quant aux défenseurs de l'initiative populaire, ils ont créé un groupe de travail chargé de définir la conception de la campagne. Principale ligne directrice de la tactique choisie, ne pas jeter l'anathème sur l'armée ni remettre en cause cette institution. Les initiants se sont d'ailleurs toujours défendus de vouloir porter atteinte à la défense nationale et ont dit ne rechercher que la préservation de certains terrains agricoles et surtout d'un milieu naturel unique. Le public-cible choisi se recrutait parmi les électeurs sans affiliation politique, les jeunes, les femmes et les citadins économiquement privilégiés. Pour obtenir le plus grand nombre de voix possible et pour dépasser le cercle traditionnel de la gauche et des écologistes, il a décidé d'éviter toute remise en cause globale de l'armée, mais n'a cependant pas manqué de contester le degré de ses droits sur la nature. Il a également recommandé de poursuivre dans la région de Rothenthurm l'agitation douce utilisée jusqu'ici. Il a jugé pertinent de donner des informations concrètes et positives et de jouer sur l'émotion et, paradoxalement, sur la prise de conscience patriotique, les adversaires n'ayant pas non plus manqué de faire observer que l'armée était elle aussi le garant d'une protection efficace de l'environnement [18].
A la surprise générale, le peuple et la majorité des cantons se sont prononcés en faveur de l'initiative qui a obtenu 1 153 448 de oui (58%) contre 843 555 de non (42%). Seuls trois cantons, Valais, Thurgovie et Schwyz ont rejeté l'initiative. L'acceptation a été particulièrement nette en Suisse romande puisque quatre cantons romands se situent parmi les sept les plus favorables [19]. Pour le DMF, le résultat du scrutin signifie qu'il devra abandonner le terrain d'exploration projeté dans la zone marécageuse. Comme A. Koller l'a souligné, il est très peu vraisemblable que l'armée renonce à l'aménagement d'une place d'armes à Rothenthurm, un projet redimensionné et conforme aux exigences écologiques devrait voir le jour.
L'analyse VOX réalisée à l'issue du scrutin a montré que l'acceptation de l'initiative de Rothenthurm ne saurait être interprétée comme un désaveu de l'armée car la protection de l'environnement a constitué le motif de décision le plus important. Celui-ci a joué un rôle décisif pour 63% des partisans de l'initiative, tandis que 20% ont déclaré que leur vote était dirigé en premier lieu contre l'installation d'une place d'armes à Rothenthurm. Seuls 5% ont reconnu avoir voté oui pour affirmer leur opposition à l'armée. Le succès de l'initiative pour la protection des marais peut être attribué au fait qu'elle ne comportait pas de matière à alimenter des conflits; l'armée n'ayant pas beaucoup d'intérêts en jeu, la question de la défense nationale n'a donc pas joué le rôle déterminant que souhaitaient lui conférer les opposants, a poursuivi l'analyse Vox. L'initiative a non seulement été acceptée par les milieux de gauche, mais également par des milieux bourgeois et traditionnellement conservateurs, ce qui permet d'étayer la thèse selon laquelle les partisans de l'initiative ont d'abord fait valoir un souci écologique et non un réflexe antimilitariste [20].
Initiative de Rothenthurm Votation du 6 décembre 1987
Participation : 47,7%
Oui: 1 153 448 (57,8%) / 20 cantons
Non : 843 555 (42,2%) / 3 cantons

Mots d'ordre:
— Oui: PSS, PES, AdI*, POCH, PST; USS; Ligue suisse pour la protection de la nature.
— Non: PRD, PDC*, UDC, PLS, PEP`, AN; UCAP, USAM, USP; Société des officiers.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
 
[14] FF, 1987, I, p. 1041 ss.; BO CE, 1987, p. 307 ss.; BO CN, 1987, p. 1385 ss.
[15] FF, 1987, II, p. 869 ss. Cf. aussi presse du 16.5.87.
[16] NZZ, 26.1., 28.1. et 31.1.87; SGT, 28.1. et 29.1.87.
[17] BO CN, 1987, p. 130 ss., 148 ss., 552, 819 et 1040; BO CE, 1987, p. 168, 240 ss. et 424; FF, 1987, I, p. 969 s. (AF concernant l'initiative de Rothenthurm); 1987, II, p. 962 ss. (Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage); RO, 1988, p. 254 ss. Cf. aussi motion Müller (adi, ZH): place d'arme de Rothenthurm: Délib. Ass. féd., 1987, I, p. 10 et infra part. I, 6d (Natur- und Heimatschutz).
[18] Militarisation de l'initiative: NZZ, 6.11.87; JdG, 20.11.87; Domaine public, 865, 26.11.87; FAN, 1.12.87; L'Hebdo, 50, 10.12.87. Stratégie des initiants: Lib., 20.11.87. Prise de position du DMF: Documenta, 1987, no 4, p. 35. Prise de position des milieux de l'armée: ASMZ, 153/1987, p. 398, 493 s., 577 s., 669 et 713. Armée et environnement: Bund, 10.1.87; NZZ, 9.4.87; SGT, 28.11.87 ; Friedenszeitung, 1987, Nr. 69; ASMZ, 153/1987, p. 397.
[19] Presse du 7.12.87. Vote romand: NZZ, 8.12.87.
[20] Vox, Analyse de la votation fédérale du 6 décembre 1987, Zurich 1988.