Année politique Suisse 1987 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit / Temps de travail
print
Initiative "Pour la réduction de la durée du travail"
Lancée par l'Union syndicale suisse (USS) et déposée en 1984, l'initiative "Pour la réduction de la durée du travail" vise à diminuer par étapes la durée hebdomadaire du travail à 40 heures, ceci sans diminution de salaire. Les initiants entendent ainsi faire bénéficier les travailleurs d'une part de l'accroissement de la productivité dû au progrès technique, tout en créant des conditions de plein emploi [5]. Dans son message, le Conseil fédéral a proposé aux Chambres fédérales le rejet de l'initiative sans lui opposer de contre-projet. Il a motivé son refus en estimant notamment que les négociations entre partenaires sociaux perdraient une grande part de leur substance si la durée du travail revendiquée par les syndicats était fixée par voie légale. Il a également invoqué le fait que la capacité d'adaptation de l'économie suisse s'en trouverait réduite, alors que les entreprises sont justement dans une phase de restructuration. Pour le gouvernement, les travailleurs et l'économie ont tout intérêt à ce que les questions touchant à la durée du travail et aux salaires continuent à être traitées entre partenaires sociaux de façon à tenir compte des disparités régionales et des différences entre branches de l'économie. Ce à quoi l'USS a rétorqué en soulignant que l'essentiel des négociations collectives ne se résumait pas à la détermination de la durée du travail [6].
Le Conseil des Etats a suivi la recommandation du Conseil fédéral et, par 29 voix contre 8, a rejeté ladite initiative. La majorite des députés a estimé qu'elle fixait des règles trop strictes. A ses yeux, la négociation reste la meilleure manière d'atteindre une amélioration des conditions de travail et une disposition constitutionnelle ferait intervenir le législateur dans un domaine traditionnellement réservé aux partenaires sociaux. Qui plus est, a-t-elle fait valoir, une réduction de la durée de la semaine de travail par voie légale restreindrait en outre le développement ultérieur d'autres formes d'aménagement du temps de travail en fonction de l'évolution de la productivité [7].
Du point de vue patronal, une acceptation de l'initiative entraînerait des changements en profondeur dans la politique du travail, compromettrait le système de la réglementation des conditions de travail par le biais des conventions collectives et réduirait l'importance et le rôle des syndicats. Et les associations économiques de poursuivre en indiquant que la réduction de la durée du travail ne contribuerait pas à une résorption du chômage mais, au contraire, accélérerait encore le remplacement par les entreprises de la main-d'oeuvre par des investissements techniques [8].
Du côté des syndicats, on a défendu l'initiative en faisant valoir que la courbe ascendante de la productivité permettrait de diminuer encore la durée du travail. A leurs yeux, elle remplit une importante fonction d'harmonisation, dans la mesure où elle permettrait d'adapter progressivement les durées excessives de 50, 60 voire même davantage d'heures hebdomadaires aux 40 heures pratiquement déjà obtenues ou prévues par voie contractuelle dans d'importants secteurs de production à forte implantation syndicale [9].
 
[5] Cf. APS, 1986, p. 151.
[6] FF, 1987, II, p. 1033 ss.
[7] BO CE, 1987, p. 562 ss.
[8] SAZ, 10.6., 16.9. et 14.10.87.
[9] USS, 27.5.87.