Année politique Suisse 1987 : Sozialpolitik / Bevölkerung und Arbeit
Conventions collectives de travail (CCT)
Après de laborieuses négociations, la Société suisse des entrepreneurs (SSE) et les syndicats concernés (Syndicat du bois et du bâtiment, Fédération chrétienne des travailleurs de la construction suisse, l'Union suisse des syndicats autonomes et l'Association suisse des salariés évangéliques) ont convenu d'une nouvelle CCT dans le domaine de la construction. Celle-ci a mis fin à une période de crise entre partenaires sociaux qui a connu son point culminant lors des manifestations de mécontentement qui se sont déroulées en Suisse romande. Parmi les améliorations fixées dans la convention collective figurent une compensation du renchérissement de 2%, une hausse générale des salaires réels de 2% et une adaptation individuelle du salaire en fonction de la performance de 1% pour 1988. En outre, la convention prévoit pour 1989 une réduction de la durée du temps de travail d'une demi-heure par semaine. Dès 1988, les entreprises auront la possibilité de fixer leur propre calendrier en tenant compte de la flexibilité du temps de travail et des besoins des entreprises qui diffèrent selon la saison
[20].
Une nouvelle CCT dans l'artisanat du métal, ratifiée par l'Union suisse du métal et les syndicats, entrera en vigueur le 1er janvier 1988 pour une durée de quatre ans. Principales innovations: la durée du travail passera de 43 à 42 heures par semaine dès le ler janvier 1988 et à 41 heures dès le ler janvier 1990, avec compensation intégrale du salaire; l'indemnité de fin d'année, équivalente à 60% d'un salaire mensuel dans l'ancienne convention, sera portée à 70% dès le lei janvier 1989, puis à 80% dès le ler janvier 1991; enfin, une augmentation de 1,5% des salaires réels entrera en vigueur le Zef janvier 1988
[21].
En 1987, la Suisse n'a pas connu une seule journée complète de grève et un seul conflit collectif de travail a éclaté. Il s'agissait en l'occurence de
l'action de protestation survenue dans le bâtiment. A l'appel des sections romandes de la FOBB, plus de 6000 ouvriers ont défilé à Genève durant les heures de travail pour protester contre le refus patronal d'accepter une augmentation générale des salaires de 3% et pour exiger une baisse de la durée du travail de 42,5 à 40 heures. Cette manifestation, à laquelle ni les sections alémaniques et tessinoises, ni les trois autres syndicats signataires de la convention ne s'étaient associés, a également permis au syndicat de démontrer son pouvoir de mobilisation en vue du prochain renouvellement de la CCT. Pour le patronat, en l'occurence la Société suisse des entrepreneurs, cette manifestation a constitué une violation de la paix du travail car la FOBB a, selon lui, décidé de ces grèves sans recourir à la procédure prévue dans la convention pour résoudre les différends relatifs aux salaires. Et la SSE de porter plainte contre le syndicat incriminé auprès du tribunal arbitral du secteur de la construction et de réclamer une amende de 100 000 francs. Du côté syndical, on a indiqué qu'il ne s'agissait pas de débrayage mais d'assemblées libres convoquées démocratiquement et ne remettant pas en cause la paix du travail
[22].
La commémoration du
cinquantième anniversaire de l'accord de paix dans l'industrie des machines a fourni l'occasion d'une discussion plus générale sur la paix du travail en Suisse. Même si la coopération et la concertation sont solidement implantées dans la vie économique, politique et sociale et que personne ne songe à remettre en cause le principe des conventions, certaines voix s'élèvent du côté syndical pour émettre des réserves. En effet, aux yeux de certains, les conventions collectives et, partant, la paix sociale, ont freiné l'amélioration des conditions sociales ou du moins en ont retardé l'avènement. Les opinions divergent quant à l'interprétation de l'obligation absolue de paix. Les uns visent l'amélioration des réglementations de paix absolue par le biais d'une procédure de règlements de conflits encore plus élaborée. Les autres, souhaitent remplacer l'obligation absolue de respecter la paix du travail par une paix relative, instaurant la légitimité de certaines grèves
[23].
Si dans leur grande majorité les partenaires sociaux s'accordent à reconnaître que la paix du travail a facilité l'adaptation de l'économie suisse aux changements de l'environnement économique, monétaire et technologique et assurent qu'elle a joué un rôle décisif dans le développement de l'industrie et permis d'accroître la prospérité commune, certains posent un regard plus critique et se refusent à la considérer comme intouchable. II en va ainsi pour G. Tissot, secrétaire général adjoint du syndicat interprofessionnel des travailleurs à Genève, qui considère que la paix du travail est devenue une sorte de mythe, comme la relation que l'on établit entre elle et la prospérité économique. A ses yeux, c'est grâce à la prospérité économique dont la Suisse a bénéficié au cours de ces cinquante dernières années que la paix du travail a pu se maintenir et non l'inverse. Et d'affirmer que la paix du travail a très fortement bénéficié des circonstances régnant en Europe: consensus dans l'Europe en guerre de la fin des années trente, boom économique de la reconstruction des années cinquante et période de haute conjoncture dans les années soixante
[24].
[20] Presse du 18.12.87. Cf. aussi Conflits collectifs de travail et infra, part. IIIb (Sozialpartner).
[21] Presse du 5.11.87; USS, 11.11.87.
[22] FOBB, 19.3., 31.3. et 7.4.87; VO, 26.3. et 2.4.87; presse du 26.3. et du 24.4.87. Cf. aussi APS, 1986, p. 154 et La Vie économique, 61/1988, no 4, p. 28.
[23] Paix du travail: cf. infra, part. lllb (Sozialpartner).
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