Année politique Suisse 1987 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen / Réfugiés
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Révision du droit d'asile
Même si elle est jugée trop rigoureuse par certains, la politique d'asile menée par E. Kopp a bénéficié néanmoins d'un large soutien populaire lors du scrutin du 5 avril 1987. Dans un climat passionnel et après une campagne qui fut pour le moins animée, la révision du droit d'asile, à savoir la révision de la loi sur l'asile et son corollaire, la révision de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), ont été acceptées de façon assez nette par respectivement 67,3% (1 180 082) et 65,7% (1 122 027) de oui. Tous les cantons se sont prononcés en faveur des deux objets. Quant à la participation au scrutin, elle s'est élevée à respectivement 42,4% et 42,2% [6].
La loi fédérale sur l'asile de 1979 définit en particulier la notion de réfugié et prévoit à l'intention du candidat à l'asile une procédure réglée dans les moindres détails, assortie de voies de recours y compris jusqu'au Conseil fédéral. Approuvée par les Chambres en 1981, elle subit une première révision en 1983 qui tendait à accélérer la procédure. La suppression de la voie de recours auprès du Conseil fédéral et la prérogative donnée au DFJP de renoncer à entendre le requérant en personne lorsque sa demande d'asile est manifestement infondée avaient constitué les principales innovations. Aux craintes de l'arbitraire lancées par la gauche, le gouvernement avait répondu en fixant dans une ordonnance la liste exhaustive des cas où l'on pouvait considérer une demande d'asile comme manifestement infondée. Ce régime entra en vigueur en juin 1984.
Mais ces nouveaux instruments législatifs en matière d'asile se révélèrent rapidement lacunaires et imprécis, voire impropres à maîtriser l'ampleur et la complexité du phénomène d'afflux des réfugiés. En effet, en raison de la détérioration de la situation économique mondiale et de la multiplication de l'atteinte aux droits de l'homme, la Suisse, à l'instar des autres pays occidentaux, doit faire face à un fort accroissement de demandes d'asile allant de pair avec une modification de l'origine des demandeurs. La complexité de la procédure et la pénurie de fonctionnaires résultant du blocage du personnel fédéral décrété par les Chambres en 1972, avaient entraîné un amoncellement de dossiers en instance. Très vite, la première révision se révéla insuffisante. Pour faire face à cette montagne de dossiers en suspens, E. Kopp proposa la solution dite globale qui aurait permis, si elle avait été acceptée, d'admettre en bloc tous les requérants qui avaient déposé leur demande avant le 1er janvier 1984 ou 1983. Mais, face à l'hostilité manifestée par les cantons alémaniques, elle dut y renoncer. L'idée d'une solution globale fut définitivement écartée par le Conseil national en 1986.
En raison de la hausse ininterrompue des requêtes d'asile et de la pression des cantons et de la classe politique, le Conseil fédéral proposa en 1985 une deuxième révision du droit d'asile, révision qui touchait la loi sur l'asile et la LSEE. Le nouveau texte, approuvé par les Chambres en 1986, devait permettre de simplifier et d'accélérer la procédure, de dissuader un certain nombre de candidats potentiels à l'asile et d'élargir la marge de manoeuvre des autorités fédérales. Mais il répondait aussi à l'inquiétude, entretenue et amplifiée par l'extrême droite, suscitée au sein de la population par l'arrivée de nombreux réfugiés du tiers-monde. Et d'aucuns de prétendre que le parlement et le Conseil fédéral auraient cédé aux pressions de l'Action nationale et des Vigilants et auraient été impressionnés par leurs succès électoraux.
Ces modifications furent rapidement l'objet de critiques virulentes et un comité d'action, regroupant des partis politiques de gauche, des organisations syndicales, religieuses et tiers-mondistes, déposa une demande de référendum contre les deux révisions. Parmi les dispositions contestées figuraient les pouvoirs étendus conférés au Conseil fédéral en cas d'affluence extraordinaire de requérants d'asile, la désignation de postes frontière auxquels les requérants d'asile devront obligatoirement se présenter pour entrer en Suisse, la cantonalisation de la procédure qui permet à l'autorité fédérale de renoncer à entendre le requérant lorsqu'il ressort du dossier établi par le canton que la demande ne remplit pas les conditions de l'octroi du statut de réfugié politique et la détention jusqu'à trente jours à l'égard d'un étranger à la veille d'un refoulement et dont on a lieu de craindre qu'il va s'y soustraire. Certains points de la révision comme la répartition équilibrée des demandeurs entre les cantons, l'assignation d'un lieu de séjour au requérant, l'interdiction de travailler limitée à trois mois et l'aide au retour dans le pays d'origine, n'avaient pas été contestés. Dans leur réquisitoire, les opposants ont reproché au gouvernement de faire preuve d'une rigueur excessive et ont fustigé ce projet qui, à leurs yeux, rend notre politique d'asile inhumaine et contraire à notre tradition d'accueil. Autre grief invoqué, le fait que les modifications de la loi sur l'asile et de la LSEE ne sont guère susceptibles de résoudre de manière satisfaisante les problèmes actuels qui ne relèvent pas de la simple technique législative, mais découlent des situations politique et économique internationales.
Approuvées à l'unanimité par les démocrates du centre, à une forte majorité par les radicaux et les libéraux et timidement par les démocrates-chrétiens, les modifications de lois ont également bénéficié du soutien du Vorort de l'Union suisse du commerce et de l'industrie, de l'Union centrale des associations patronales, de l'Union suisse des arts et métiers et de l'Union suisse des paysans ainsi que des mouvements nationalistes. Aux adversaires de la révision, les partisans ont répliqué en soulignant avec insistance que celle-ci ne remettait aucunement en cause la conception suisse de l'asile, mais visait à simplifier la procédure dans le domaine de l'octroi de l'asile, permettant ainsi aux autorités compétentes d'apporter tout le temps nécessaire à l'examen des requêtes justifiées. Autres arguments avancés par les partisans de la révision, la possibilité de lutter contre les abus pratiqués à l'égard de notre politique d'asile et contre les passeurs professionnels, ainsi que la capacité de traiter les demandes plus rapidement de façon à ne pas donner de faux espoirs aux candidats qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir le statut de réfugié. Sans donner à proprement parler un mot d'ordre négatif, les principales communautés religieuses de Suisse, l'Eglise catholique romaine, l'Eglise catholique chrétienne et l'Eglise protestante se sont prononcées contre la révision du droit d'asile [7].
Le 5 avril 1987, le peuple et les cantons ont accepté par 67,3% de oui la révision du droit d'asile et par 65,7% celle inhérente à la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). L'analyse VOX réalisée à l'issue du scrutin a démontré que la révision du droit d'asile avait clairement partagé l'opinion publique en deux camps opposés. Le premier a perçu la nouvelle révision comme un simple aménagement technique permettant la continuité d'une politique cohérente visant à mieux résoudre les problèmes des réfugiés. Ce faisant, il a fait sienne l'argumentation officielle. Dans le. camp opposé, on a interprété cette modification de lois comme un durcissement de la politique d'asile et un frein à la politique humanitaire. Cette analyse a également fait apparaître une nette polarisation entre les générations. Si 76% des personnes âgées de plus de 60 ans ont accepté la révision, ce pourcentage est tombé à 46% pour la classe d'âge de 20 à 29 ans. Le dégré d'acceptation était non seulement lié à l'âge mais aussi fortement au niveau d'éducation. En effet, il est apparu que plus la formation professionnelle était poussée, plus le rejet était massif. Si les Suisses romands se sont montrés moins favorables à la révision du droit d'asile, on ne peut pas pour autant en conclure qu'il existe un fossé entre les deux régions linguistiques, a relevé l'analyse Vox. Et celle-ci de conclure en soulignant que le résultat de la votation s'interprète comme une approbation claire de la politique des autorités fédérales et une volonté de leur donner les moyens de la poursuivre [8].
Révision de la loi sur l'asile. Votation du 5 avril 1987
Participation: 42,4%
Oui: 1 180 082 (67,3%)
Non: 572 330 (32,7%)

Mots d'ordre:
Oui: PRD, PDC*, UDC, PLS, AN; Vorort, UCAP, USAM USP.
Non: PSS, PES, AdI , PEP, POCH, PST; USS, CSCS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Révision de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. Votation du 5 avril 1987
Participation: 42,2%
Oui: 1 122 027 (65,7%)
Non: 585 460 (34,3%)

Mots d'ordre:
Oui: PRD, PDC*, UDC, PLS, PEP, AN; Vorort, UCAP, USAM, USP.
Non: PSS, PES, AdI*, POCH, PST; USS, CSCS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
 
[6] FF, 1987, II, p. 829 ss.; presse du 6.4.87.
[7] Loi sur l'asile: RO, 1987, p. 1674 ss. LSEE: RO, 1987, p. 1665 ss. Historique: APS, 1986, p. 169. Prise de position et réactions: Syndicats: USS, 6, 11.2.; 7, 18.2. et 14, 15.4.87. Patronat: SAZ, 5, 29.1. et 15, 9.4.87. PRD: Revue politique, 66/1987, no 1. PSS: SP Pressedienst, 223, 10.3.; 224, 23.3. et 225, 6.4.. Extrême droite: Volk+Heimat, 1987, Nr. 4 et 5.
[8] Vox, Analyse de la votation fédérale du 5 avril 1987, Genève.