Année politique Suisse 1987 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
Condition de la femme
Les Chambres fédérales ont pris connaissance du
rapport du Conseil fédéral consacré à l'égalité des droits entre hommes et femmes et du programme législatif qui lui est assorti. Ce rapport gouvernemental, publié en février 1986 et faisant suite à une motion, dresse une liste de toutes les inégalités qui existent encore dans le droit fédéral et dans les différentes législations cantonales dans des domaines aussi divers que ceux des services publics, du droit du travail, du droit de vote, du service militaire et des assurances sociales. Si la majorité des députés a constaté qu'il existe toujours des inégalités liées au sexe, elle n'a cependant montré aucun empressement à accélérer le mouvement en faveur d'une réalisation de l'égalité juridique qui, a-t-elle relevé, est une question d'évolution des mentalités. Si les femmes présentes sous la coupole ont salué ce rapport, elles n'ont cependant pas manqué de souligner que des discriminations scandaleuses subsistent encore, notamment dans les domaines des salaires et des assurances sociales
[16].
S'ils sont d'accord sur le principe de l'égalité, les
partis politiques le sont moins sur les mesures à prendre et surtout sur l'urgence des réformes qui restent à faire. Une étude réalisée sur la base de l'examen des débats de la dernière législature s'est attachée à montrer la position des groupes parlementaires face au principe de l'égalité entre hommes et femmes. Si tous les partis, à l'exception de l'Action nationale, déclarent soutenir le principe de l'égalité des sexes, il n'en va pas toujours ainsi lorsque des sujets précis sont débattus aux Chambres fédérales et qu'il s'agit de prendre des mesures concrètes. Le bilan de la législature 1983-1987, portant sur le travail effectué par les parlementaires en vue de la concrétisation de l'égalité entre hommes et femmes, a permis de dégager deux groupes distincts selon l'intensité de leur engagement en faveur des femmes: le premier, composé de l'extrême gauche (POCH, PST et PSA), du Parti socialiste, de l'Alliance des indépendants, des écologistes et du Parti évangélique, a oeuvré de façon concrète en faveur d'une réalisation de l'égalité; le second, regroupant le Parti radical, le Parti démocrate-chrétien, le Parti libéral et l'Uhion démocratique du centre, s'est montré plus réservé et discret lorsqu'il s'agissait de mettre sur pied l'égalité effective des deux sexes. Quant à l'Action nationale, elle s'est distinguée par son hostilité aux revendications féminines
[17].
Ce même clivage est apparu au Conseil national lors du débat sur l'initiative parlementaire Fetz (poch, BS) qui chargeait les Chambres fédérales d'élaborer une loi contre la discrimination de la femme. Si les députés ont décidé de ne pas lui donner de suite, ils ont par contre adopté deux textes qui, eux aussi, vont dans le sens d'une plus grande égalité entre les sexes. Le premier, un postulat émanant de la commission du Conseil national, prie le Conseil fédéral de prévoir des mesures pratiques de nature à instaurer l'égalité des droits et ceci en priorité dans le domaine du travail, de la famille, de la sécurité sociale et de la fiscalité, parallèlement aux travaux en cours en relation avec le programme législatif"Egalité des droits entre hommes et femmes". Le second, une motion déposée par J. Stamm (pdc, LU) et adoptée sous la forme d'un postulat, invite le Conseil fédéral à créer un service fédéral qui aurait la compétence pour faire appliquer au niveau de la Confédération l'article constitutionnel établissant l'égalité des droits entre l'homme et la femme
[18].
Même si ce principe est ancré depuis 1981 dans notre Constitution, les réalisations concrètes en vue d'y parvenir demeurent encore bien timides. Certes, la révision du droit matrimonial a permis de faire un pas en direction d'une plus grande égalité des rôles au sein de la famille, mais dans des domaines comme celui du droit des assurances sociales ou du droit fiscal, les femmes font toujours l'objet de discriminations. C'est cependant sur le marché du travail que les inégalités sont les plus criardes. Elles découlent moins d'une situation juridique que de conditions de faits. Comme le Conseil fédéral semble douter de l'opportunité de proposer une loi d'exécution de l'article de la Constitution établissant l'égalité entre l'homme et la femme en matière de rémunération, il importe donc que les entreprises et les administrations y aillent de leur propre chef pour établir des programmes d'action en vue de parvenir à concrétiser l'égalité des salaires et l'accès à toutes les fonctions au sein de leur établissement.
C'est précisément pour apporter sa contribution à l'égalité des femmes dans la vie professionnelle en leur ouvrant la possibilité d'accéder aux mêmes carrières et aux mêmes postes à responsabilité que les hommes que s'est constitué en 1986 le
Comité d'action "Taten statt Worte". Ce comité s'était adressé à des entreprises, à l'administration fédérale et aux administrations cantonales afin qu'elles participent à la concrétisation de l'égalité des sexes en intégrant dans leurs objectifs la promotion de l'égalité, en désignant des personnes responsables de cet objectif. Près de quarante entreprises ont répondu favorablement à cet appel en présentant des programmes d'action qui ont pour ligne de force commune d'oeuvrer en faveur d'un véritable changement de mentalité, non seulement au niveau de la direction des entreprises et auprès des cadres, mais aussi au niveau des femmes elles-mêmes. Parmi ces différents programmes, l'un concerne par exemple l'information et la sensibilisation des femmes et des collaborateurs en général aux possibilités de promotion à tous les niveaux hiérarchiques. Un autre porte sur le recrutement et donne, à qualification égale, la préférence à une collaboratrice dans le but d'établir un équilibre entre les deux sexes. Il peut viser enfin à l'amélioration générale des conditions de travail pour les femmes, non seulement par l'aménagement du temps de travail en fonction de la famille, mais aussi par la réalisation réelle de l'égalité des salaires ou encore l'engagement de collaboratrices pour des professions typiquement masculines. Devant le succès rencontré en Suisse alémanique, il s'est créé un groupe analogue en Suisse romande qui, tout en tenant compte de la spécificité de la Suisse latine, travaillera en collaboration avec son homologue alémanique
[19].
La Commission fédérale pour les questions féminines a présenté un
rapport intitulé "Femmes et hommes: Faits, perspectives et utopies". Celui-ci entend, par toute une série de mesures, améliorer la situation des femmes et activer leur intégration dans tous les secteurs de la société. Au niveau de l'éducation et de la formation, le rapport suggère un assouplissement du système en étalant le temps imparti à la formation dans la vie par la multiplication des possibilités de recyclage et de perfectionnement pour tout le monde. Au niveau de l'activité professionnelle, il insiste sur l'urgence d'une plus large ouverture du marché du travail aux femmes par l'aménagement d'horaires de travail plus flexibles et par l'application du principe de l'égalité des salaires. Il s'agit ensuite de consentir à de réels efforts pour humaniser le monde du travail. Enfin, il faudra revaloriser l'activité familiale et bénévole en posant pour principe que toute activité humaine doit être reconnue comme travail et bénéficier par conséquent de la protection et du prestige dévolu jusqu'ici au travail rémunéré. Cet assouplissement de l'organisation du travail devrait, selon les auteurs du rapport, déboucher sur une revalorisation de l'activité familiale, tant pour les hommes que pour les femmes. Ils ont insisté sur la nécessité de donner aux parents la possibilité de combiner activité professionnelle et vie familiale
[20].
La question de l'interruption de grossesse demeure toujours dans l'impasse. En effet, le Conseil national a rejoint la position adoptée par le Conseil des Etats en 1981, en refusant par 85 voix contre •74, la décriminalisation de l'avortement pendant les douze premières semaines de la grossesse. Pourtant, cette même chambre avait approuvé en 1981 l'initiative parlementaire de sa commission qui proposait de compléter le code pénal afin de permettre aux cantons d'instituer, à certaines conditions restrictives, la solution des délais. Appelé une nouvelle fois à se prononcer en 1982, le Conseil national avait décidé de suspendre ses travaux et d'attendre le résultat de la votation populaire "Droit à la vie". Malgré le rejet de cette initiative en 1985, la commission du Conseil national chargée du dossier avait proposé le rejet de toute solution fédéraliste. Farouches opposants à l'initiative, les démocrates-chrétiens, appuyés par les démocrates du centre et les radicaux alémaniques, ont expliqué leur refus par des considérations juridiques et politiques. Ils ont en particulier stigmatisé l'inconstitutionnalité du projet qui, à leurs yeux, porterait atteinte à l'unité du code pénal. Ils se sont refusés à recantonaliser le code pénal dans un domaine où la vie humaine est concernée. De leur côté, les partisans de la solution fédéraliste, libéraux, radicaux romands, indépendants, écologistes et socialistes, ont tenu à légaliser ce qui existe dans les faits, plusieurs cantons ayant déjà institué la solution des délais. Quant au Conseil fédéral, il a tenu à répéter qu'il était opposé à une cantonalisation de l'avortement, le droit à la vie étant un droit fondamental et irrévocable.
Le Conseil national a également rejeté un postulat de la minorité de la commission qui chargeait le Conseil fédéral de soumettre au parlement un nouveau message sur la question de l'interruption de grossesse qui, en tenant compte des votations populaires, propose une solution des indications
[21] .
[16] BO CN, 1987, p. 440 ss. ; BO CE, 1987, p. 636 ss. Cf. aussi supra, part. I, 7c (AVS).
[17] L'Hebdo, 39, 17.9.87; TAM, 38, 19.9.87.
[18] Initiative Fetz: BO CN, 1987, p. 463 ss. et APS, 1986, p. 175. Motion Stamm: BO CN, 1987, p. 986 et APS, 1986, p. 175 (notes). Cf. aussi SAZ, 3, 15.1.87 ainsi que Domaine public, 873, 27.8.87.
[19] TA, 5.3.87; BaZ, 10.8., 13.8., 26.8. et 27.8.87; Bund, 26.8.87; NZZ, 27.8.87. Domaine public, 873, 27.8.87.
[20] Femmes et hommes: Faits, perspectives et utopies, Commission fédérale pour les questions féminines, Berne 1987.
[21] BO CN, 1987, p. 1 ss. Cf. aussi Domaine public, 853, 26.2.87. ainsi que APS, 1986, p. 176.
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