Année politique Suisse 1988 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen / Réfugiés
L'
expulsion manu militari vers son pays d'origine du demandeur d'asile Mathieu Musey a fait l'objet d'un large retentissement médiatique et a soulevé une vague d'indignation au sein d'une frange de la population. Ce ressortissant zaïrois, qui avait vu sa demande d'asile rejetée, vivait en Suisse dans la clandestinité depuis février 1987 grâce à l'aide de sympathisants. A ceux qui se sont élevés contre cette expulsion et qui craignaient pour la vie de Musey, le délégué aux réfugiés a répondu que l'opération se justifiait par la nécessité d'agir avant que les groupes de sympathisants ne l'en empêchent et que les autorités du Zaïre lui avaient donné les plus fermes assurances quant à la sécurité du demandeur d'asile refoulé. Il a également estimé indispensable d'appliquer une loi approuvée par le peuple, faute de quoi la politique de l'asile risquerait, à ses yeux, de perdre toute crédibilité
[24].
Si ce renvoi a créé un profond malaise entre les institutions et une grande partie de la population, il a aussi déclenché une vive polémique entre le Conseil fédéral et les autorités jurassiennes. Ces dernières estiment en effet que la procédure suivie par P. Arbenz a violé les principes qui sont à la base du fédéralisme et, par conséquent, a porté atteinte aux compétences cantonales. En effet, celui-ci s'est directement adressé au commandant de la police jurassienne pour requérir son intervention et a tenu à l'écart le pouvoir politique du canton. En réponse à une requête adressée par le gouvernement jurassien à propos de la procédure suivie dans l'affaire Musey, le Conseil fédéral se justifie en arguant du fait que la décision d'expulsion ne peut être remise en cause par le canton et qu'il n'y a aucune raison d'échanger des informations à ce sujet avec le gouvernement, la communication intervenant au niveau des autorités chargées de l'exécution. Il apparaît donc que le Conseil fédéral avalise une pratique qui autoriserait un organe fédéral à donner aux autorités de police ou tout autre service cantonal des ordres et des directives d'exécution immédiate
[25].
En réponse à une requête de la conseillère nationale Pitteloud (ps, VD), contresignée par 50 parlementaires (des socialistes, des écologistes, des indépendants et trois démocrates-chrétiens), le Conseil fédéral a réaffirmé que les demandeurs d'asile zaïrois Maza et Musey avaient été traités correctement et a estimé que les milieux critiques face à la politique d'asile ont fait de cette affaire un exemple pour alimenter la controverse intérieure. Il reconnaît avoir pris des mesures extraordinaires mais pas irrégulières. La requête demandait aussi la création d'une commission parlementaire d'enquête chargée de porter un jugement sur la procédure suivie et sur les contacts pris avec le pays d'origine des deux requérants. Elle devra aussi définir si les compétences cantonales ont été respectées. Comme la demande tendait à la constitution d'une commission d'enquête spéciale, mais n'excluait pas pour autant un examen par une commission permanente, celle-ci a été confiée à la commission de gestion du Conseil national
[26].
[24] Presse du mois de janvier 1988.
[25] L'Hebdo, 14.1. et 21.1; JdG, 17.1.88; Le Pays, 2.4.88. Enquête interne: presse du 1.4.88. Cf. aussi Dém. de janvier à mai 1988.
[26] Presse du 4.3. et 7.5.88.
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