Année politique Suisse 1988 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen / Condition de la femme
Institué en 1986 à la suite de l'adoption par le Conseil national d'un postulat Jaggi (ps, VD), le groupe de travail "Egalité des salaires", chargé par le DFJP de déterminer les raisons et l'étendue des disparités salariales entre hommes et femmes, a livré ses conclusions. Dans son rapport final, il souligne que la seule mise en oeuvre de l'égalité des salaires est insuffisante pour parvenir à l'égalité des droits entre hommes et femmes sur le marché du travail. Il estime nécessaire de promouvoir une politique d'égalité des chances pour améliorer le statut de la femme sur le marché de l'emploi et pour éliminer toute forme de discrimination avant l'entrée sur le marché du travail. D'après cette étude, la différence moyenne entre les salaires des hommes et ceux des femmes se situe autour de 28%. Si cet écart peut s'expliquer pour moitié par des facteurs de formation, d'expérience professionnelle et de santé, l'autre moitié relève d'une discrimination de type sexuel.
Les auteurs accordent une place toute particulière à de nouvelles prescriptions étatiques relatives au recours à la voie judiciaire pour faire prévaloir le principe de l'égalité des salaires pour un travail analogue. En d'autres termes, ils souhaitent renforcer la position des femmes devant les tribunaux en complétant la législation actuelle avec la mise sur pied d'offices de conciliation au niveau cantonal, par l'introduction d'un droit de plainte pour les organisations féminines et syndicales et par le renforcement des dispositions contre les licenciements. Le groupe de travail demande en outre des possibilités de formation identiques pour les deux sexes. Il envisage également des adaptations des conditions générales favorisant la réalisation de l'égalité des femmes dans les assurances sociales, la politique familiale ainsi que dans le droit fiscal. Il s'est aussi prononcé pour la création de services cantonaux pour l'égalité des droits.
Les propositions formulées dans ce document ne s'adressent pas uniquement aux autorités fédérales mais aussi aux cantons et au secteur privé. Si certaines d'entre elles nécessitent la création de dispositions légales, d'autres sont susceptibles d'être appliquées sur la base des lois déjà en vigueur ou de revêtir la forme de recommandations
[31]. Les associations patronales ont reproché aux auteurs d'accorder une place trop importante aux prescriptions étatiques qui, à leurs yeux, troubleraient l'entente et les rapports entre employeurs et collaborateurs et collaboratrices. Selon elles, il faudrait davantage insister sur l'amélioration des conditions de formation des femmes et sur l'assouplissement des possibilités en matière d'emploi afin de leur permettre de concilier vie familiale et activité professionnelle
[32].
La volonté de prendre une certaine distance par rapport aux syndicats traditionnels qui, à leurs yeux, n'accordent pas une place suffisante à la concrétisation de l'égalité des sexes, a conduit un groupe de femmes à créer un nouveau syndicat qui leur est réservé. Les initiantes souhaitent toutefois qu'il soit admis au sein de l'USS pour ne pas exclure les femmes déjà membres d'un syndicat et pour pouvoir participer aux négociations des contrats collectifs. Pour R. Dreyfuss et R. Gassmann, respectivement secrétaire et vice-présidente de l'USS, la création de ce syndicat va contribuer à diviser et à affaiblir le mouvement des femmes
[33].
Devant le succès remporté en Suisse alémanique par le Comité d'action "Taten statt Worte", il s'est créé un groupe analogue en Suisse romande sous la dénomination "Des paroles aux actes". Ce mouvement indépendant qui réunit des personnalités de la politique et de l'économie agit en faveur de la promotion professionnelle des femmes dans les entreprises et dans les administrations publiques. Il tente de les persuader de mieux utiliser le potentiel féminin, les encourage à créer des postes pour les femmes à tous les niveaux hiérarchiques et à fixer comme objectif d'atteindre un certain quota de femmes parmi les cadres. Des efforts tout particuliers sont portés aux domaines du recrutement, de la promotion, de l'encadrement et de la réinsertion professionnelle. Des entreprises ont ainsi commencé à accorder une place plus importante aux plans de carrière des femmes, à les encourager à gravir les échelons hiérarchiques, à établir des modèles de travail à temps partiel et à expérimenter des infrastructures visant à décharger les femmes devant s'occuper de leurs enfants.
Si, de façon générale, cette initiative a été bien accueillie par les milieux concernés, les organisations féminines ont cependant émis certaines réserves, craignant notamment qu'elle ne soit utilisée davantage au bénéfice de l'image de marque de l'entreprise qu'au bénéfice des femmes. Si elles en reconnaissent la qualité pragmatique, elles regrettent qu'elle soit limitée à l'enceinte de l'entreprise et n'aborde pas une réflexion de fond sur l'organisation globale du monde du travail. En effet, la plupart des projets sont basés sur la démarche personnelle et peuvent y apporter des solutions individuelles, mais il n'y a pas de remise en cause des structures existantes qui peuvent créer des inégalités entre hommes et femmes. Elles demeurent aussi sceptiques à l'égard de programmes qui leur semblent avant tout destinés aux femmes pouvant prétendre à des postes de cadres et non pas aux femmes de chaque échelon hiérarchique
[34].
[31] DFJP (éd.), "Egalité des salaires entre hommes et femmes. Rapport final du groupe de travail Egalité des salaires mandaté par le DFJP", Berne 1988. Cf. aussi presse du 3.2.88. (publication d'un des rapports) et presse du 9.11.88. (rapport final); USS, 6, 10.2.88. Discriminations salariales: TA, 12.2.88; SHZ, 25.2.88.
[32] RFS, 46, 17.11.88; SAZ, 46, 17.11.88.
[33] Presse du 18.4.88; NZZ, 19.4.88. Cf. aussi Femmes Suisses, juin-juillet 1988.
[34] Presse du 7.9.88. Romandie: JdG, 23.3.88. Cf. aussi Vr, 13.4.88; Tw, 24.8.88; WoZ, 9.9. et 16.9.88; SAZ, 17, 28.4.88; Femmes Suisses, mai et octobre 1988; DP, 9.6.88 et APS 1987, p. 212.
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