Année politique Suisse 1988 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung
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Selon Jakob Kellenberger, directeur du bureau d'intégration européenne DFAE/DFEP, la participation de la Suisse lors des phases ultérieures des
programmes de recherche européens peut avoir ses avantages, notamment celui de profiter d'un savoir déjà acquis
[54]. Abstraction faite de l'ambiguïté d'un tel procédé, l'idée n'a guère semblé séduire ni les autorités fédérales ni l'industrie. En opposition à cet attentisme, le Conseil fédéral a décidé de participer à quatre nouveaux programmes dans le cadre de COST (Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique). Ceux-ci se situent dans les secteurs de la médecine (logiciels de diagnostic), des transports (transmission automatique d'informations) et des télécommunications (conception d'une alternative au téléphone pour personnes handicapées de la parole et de l'ouïe). La Suisse consacrera à ces projets un montant global de 1,3 millions de francs
[55].
De même, le gouvernement a décidé de signer la convention, les statuts et l'acte final instaurant le laboratoire européen de rayonnement synchrotronique de Grenoble, établissement de recherche sur la matière condensée, qui entrera en fonction en 1994
[56]. Par contre, il s'est refusé à participer au programmme Columbus, contribution européenne au projet de station spatiale américaine. Ses réticences sont d'abord d'ordre financier, la participation helvétique de 2% n'étant pas compensée par des avantages marquants. Mais elles sont aussi d'ordre politique puisque les objectifs militaires poursuivis par le projet mené aux Etats-Unis ne sont pas compatibles avec la neutralité suisse.
Le Conseil fédéral, s'il a refusé Columbus, a maintenu et même accru son soutien à la recherche spatiale européenne (c'est-à-dire à l'Agence spatiale européenne) puisque le budget qu'il lui consacre passera de 47 millions en 1987 à 87 millions de francs en 1991. Cet engagement est principalement consacré aux projets d'Ariane 5 et d'Hermès, si l'on se réfère à la réponse du Conseil fédéral à l'interpellation Braunschweig (ps, ZH)
[57]. Le gouvernement semble d'ailleurs soutenu dans ses projets de participation au niveau européen puisque les postulats Petitpierre (prd, GE) et Zölch (udc, BE) lui ont demandé pour l'un d'adhérer au Centre international de recherche sur le cancer à Lyon, pour l'autre d'encourager tous les programmes internationaux ayant trait à la mobilité des étudiants (ERASMUS) et des chercheurs (SCIENCE) ainsi qu'à la collaboration entre économie et universités (COMETT)
[58].
Cependant, notre pays participe déjà à de nombreuses recherches européennes. Ainsi le projet Eurêka 96 sera désormais coordonné par la section de physique de l'Université de Genève. Doté de 10 millions de francs, il travaille dans le domaine des fils supraconducteurs, en association avec quatre autres partenaires dont les universités de Rennes et Nimègue
[59].
Le sixième rapport du Vorort sur la recherche a pour but d'établir l'état actuel des efforts de la recherche et développement (ci-après R-D) de l'économie privée suisse. Les chiffres obtenus portent sur l'évolution de ces deux paramètres jusqu'en 1986. Pour cette année, le total des dépenses de R-D de l'économie privée suisse a atteint la somme de 7969 millions de francs, se répartissant comme suit: 4,9 milliards de francs des entreprises suisses en Suisse et 3,1 milliards de francs des entreprises suisses à l'étranger. A cela s'ajoute des dépenses de R-D de 276 millions de francs investies par les entreprises suisses dans la recherche 'extra-muros', c'est-à-dire effectuée par des hautes écoles et des laboratoires privés. Ces fonds peuvent aussi être destinés à des recherches communes ou à l'acquisition de savoir-faire
[60].
Les
dépenses de R-D des entreprises suisses en Suisse ont été, en chiffres réels, en augmentation de 400 millions depuis 1983 (soit + 11 %), celles des entreprises suisses à l'étranger de 829 millions de francs (soit + 37,1 %). Ces dépenses se sont concentrées sur un petit nombre de branches économiques fortement exportatrices et, dans celles-ci, sur les grandes et très grandes entreprises. L'industrie des machines, de la métallurgie et de l'électricité (46,6%) et l'industrie chimique (44,7%) ont totalisé ensemble 91 % de toutes les dépenses de R-D. Le pourcentage du chiffre d'affaire consacré à la R-D a varié entre 3% (entreprises moyennes) et 12% (grandes entreprises)
[61]. Les dépenses consenties en 1986 par l'Etat et par l'économie pour la R-D en Suisse s'élevaient à environ 6288 millions de francs dont 76% à charge de l'économie privée (Japon = 81%; USA = 50%; F = 53%) et 24% à charge de l'Etat. Elles représentaient 2,6% du PIB ou 957 francs par habitant
[62].
Conscientes de cette interaction entre économie privée et Etat, les Chambres ont adopté la motion du groupe démocrate-chrétien exigeant que le gouvernement prenne des mesures pour faciliter et renforcer la collaboration, dans les domaines de la formation et de la recherche, entre l'Etat et l'économie. Une motion identique du conseiller aux Etats Danioth (pdc, UR) a été approuvée par la chambre haute
[63]. Afin de promouvoir la recherche publique, le député Ruffy (ps, VD) a proposé d'adapter les structures du Conseil suisse de la science; celui-ci devrait être uniquement composé de scientifiques, ne plus fonctionner selon un système de milice et offrir des mandats limités
[64]. Le Conseil national semble désirer un certain contrôle puisqu'il a accepté deux postulats du groupe UDC et du député Loeb (prd, BE) demandant, pour le premier, un rapport déterminant dans quelle mesure la compétitivité de la Suisse s'est modifiée notamment dans la recherche et la formation, et pour le second une évaluation de l'efficacité de la politique suisse de la recherche
[65].
Le projet de loi fédérale sur la
levée du secret professionnel en faveur de la recherche médicale, mis en consultation en 1987, a reçu un accueil mitigé
[66]. La grande majorité des cantons, toutes les hautes écoles, les organisations de médecins et de la recherche médicale ainsi que les radicaux, les démocrates-chrétiens et les socialistes ont estimé qu'il constituait une base adéquate pour une future loi. Les associations représentatives des intérêts des patients ne lui ont par contre guère été favorables. Pour Pro Mente Sana, la règle voulant qu'on demande au patient s'il s'oppose à la levée du secret médical doit être inversée; on doit lui demander s'il l'autorise
[67]. Si la commision fédérale d'arbitrage a suscité quelques .critiques, plusieurs organismes ont souhaité voir ce projet intégré à la loi générale sur la protection des données. Ainsi en fût-il décidé par le gouvernement en 1988
[68].
II semblerait que certains objets de recherche soient ou s'estiment négligés. Ainsi en va-t-il de la paix. En 1988, la motion de la minorité de la commission du Conseil national, exigeant du gouvernement qu'il crée un institut de recherche national et international dans le domaine de la politique de la paix et de la sécurité, a été rejetée par la chambre basse
[69]. Faut-il chercher dans cette attitude les raisons ayant poussé des personnalités politiques et des églises à créer en août 1988 une fondation suisse pour la paix? Voulant collaborer à l'élaboration de la politique suisse de paix et de sécurité à travers la recherche, la planification et la communication, elle prévoit des rencontres avec les parlementaires intéressés, des journées d'information et la publication de documentations
[70]. Si elle réclame une politique de paix plus active, elle ne remet pas pour autant en cause le concept de défense nationale. Cherchant à dépasser les antagonismes traditionnels (gauche-droite, est-ouest, etc.), elle naît dans un contexte plutôt favorable, le gouvernement, par son rapport sur la politique de paix et de sécurité, tentant d'encourager de telles initiatives
[71].
La discipline de l'environnement se sent également mal aimée. Pour remédier à ce laisser-aller, le Conseil national a adopté le postulat Longet (ps, GE) demandant un rapport sur l'état actuel de la recherche en la matière, sur ses résultats ainsi que sur l'éventualité de son financement selon le principe du pollueur-payeur
[72].
[57] BO CN, 1988, p. 447 ss.; Suisse, 28.4.88.
[58] Délib. Ass. féd., IV, p. 87 (postulat Petitpierre); BO CN, 1988, p. 1929 (postulat Zölch).
[59] L'Hebdo, 20, 19.5.88.
[60] La Vie économique, 1988, no 3, p. 16; SHZ, 25.2.88.
[61] Petites entreprises (50 employés ou moins): 10%; moyennes entreprises (de 1000 8 1999 employés): 3%; grandes entreprises (+ de 5000 employés): 12%.
[62] SHZ, 25.2.88; La Vie économique, 1988, no 3, p. 16 ss.; JdG, Suisse, et TA, 19.2.88. Voir aussi APS 1987, p. 220. Fait référence aux dépenses effectuées en Suisse.
[63] BO CE, 1988, p. 762 s. (motion Danioth) et p. 762 s. (motion groupe pdc); BO CN, 1988, p. 1469 s.
[64] Délib. Ass. féd., 1988, I, p. 94 s.
[65] BO CN, 1988, p. 1930 et 1939; Délib. Ass. féd., 1988, IV, p. 38 (groupe udc) et p. 77 (Loeb).
[66] Voir APS 1987, p. 221.
[68] FF, 1988, II, p. 421 ss.; Suisse, 26.6.88.
[69] BO CN,1988, p. 1710 et 1769 ss.
[70] Vat., 16.8.88; Suisse, 24.8.88.
[71] Cf. supra, part. I, 3 (Défense nationale et société).
[72] BO CN, 1988, p. 435 s.
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