Année politique Suisse 1989 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung / Objecteurs de conscience
Depuis 1984, le nombre des réfractaires au service militaire (terme comprenant non seulement les objecteurs de conscience mais aussi ceux refusant le service militaire pour d'autres raisons) a globalement diminué pour se chiffrer à 534 personnes en 1989.
Si le Conseil national a accepté — non sans moult débats — le projet gouvernemental de modification du code pénal militaire décriminalisant partiellement l'objection de conscience, il l'a néanmoins changé.
Après que le peuple et les cantons eussent refusé par deux fois, en 1977 et 1984, l'instauration d'un véritable service civil, la marge de manoeuvre des autorités était particulièrement étroite, ce d'autant plus que l'obligation générale de servir fixée par l'art. 18 de la Constitution demeure incontournable. C'est dans ce contexte qu'a été élaboré, par le DMF, le
projet Barras de décriminalisation de l'objection de conscience. Celui-ci porte sur trois axes. Premièrement, la notion d'objecteur continue de se fonder sur des motifs d'ordre religieux ou éthique. Deuxièmement, les peines d'emprisonnement sont remplacées par une astreinte à un travail d'utilité publique d'une durée une fois et demie plus longue que celle du service militaire, tout en n'excédant pas deux ans. Troisièmement, ces «condamnations» ne sont plus inscrites dans le casier judiciaire pour les objecteurs reconnus qui acceptent d'accomplir cette astreinte
[51].
Après avoir refusé de repousser ce débat à la session de printemps 1990, le Conseil national a dû affronter une proposition de non-entrée en matière du député Blocher (udc, ZH) — hostile à toute décriminalisation de l'objection — ainsi qu'une série de demandes de renvoi. Ainsi, les groupes socialiste et AdI/PEP ont tous deux exigé la création d'un authentique service civil, totalement indépendant du DMF, où les objecteurs de conscience seraient jugés par la justice civile. La proposition de renvoi du député Büttiker (prd, SO) sollicitait un projet qui n'empirerait pas la situation des vrais objecteurs alors que celle de la conseillère 'nationale Leutenegger Oberholzer (gb, BL) demandait notamment la renonciation à tout examen des motifs de conscience allégués par les objecteurs
[52].
Si ces propositions ont été rejetées par la chambre basse, celle-ci a néanmoins introduit deux divergences notables par rapport au projet initial. Alors que le Conseil fédéral désirait subordonner la contrainte à un travail d'intérêt général aux exigences de la conscience, le Conseil national a réfuté cette terminologie pour finalement lier l'astreinte aux valeurs éthiques fondamentales de la personne considérée
[53]. De surcroît, la chambre du peuple a décrété l'impunité de l'objecteur si l'inaptitude préexistait à l'insoumission. Plusieurs conseillers nationaux, insatisfaits du projet finalement adopté, ont déposé des textes relatifs à ce domaine. Par le biais d'initiatives parlementaires, Helmut Hubacher (ps, BS) exige une modification constitutionnelle introduisant un service civil alors que Susanne Leutenegger Oberholzer (gb, BL) souhaite une amnistie en faveur de tous les objecteurs. Laurent Rebeaud (pes, GE) demande, dans un postulat, la création d'un service national d'utilité publique remplaçant l'actuel service militaire
[54].
[51] FF, 1987, II, p. 1335 ss.; cf. aussi APS 1987, p. 92 et 1988, p. 87.
[52] BO CN, 1989, p. 2178 ss.; presse du 5.12.89.
[53] FF, 1987, II, p. 1356; BO CN, 1989, p. 2178 ss. Le Conseil national a finalement approuvé le projet par 77 voix contre 29.
[54] Délib. Ass. féd., 1989, V, p. 32 (Hubacher et Leutenegger) et p. 97 s. (Rebeaud).
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