Année politique Suisse 1989 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Le consensus en matière d'énergie semble de plus en plus difficile à trouver. Aux oppositions désormais traditionnelles entre partisans et opposants du nucléaire, entre la gauche et la droite s'ajoute un conflit centre–périphérie en matière de gestion des déchets nucléaires. La Confédération, tenue de gérer cet important problème, se heurte de plus en plus fréquemment au refus des collectivités locales au sujet de la prise en charge des encombrants dépôts. Si l'on met en parallèle le moratoire de fait en matière nucléaire, les difficultés inhérentes au développement des forces hydrauliques, la pollution engendrée par les centrales thermiques (combustibles fossiles) et l'énigme quant au devenir des résidus radioactifs avec la croissance continue de la consommation d'énergie, l'alternative apparaît comme étant des plus tranchées. A terme, il faudra choisir entre une dépendance accrue face à l'étranger et des économies d'énergie importantes. Or, si d'aucuns reprochent au gouvernement un certain immobilisme, les mesures proposées par celui-ci pour tenter d'étayer une base constitutionnelle ont été soumises à rude épreuve au parlement.
Si l'article énergétique a finalement été
adopté par les deux Chambres, il n'en a pas moins suscité des divergences ainsi que des débats ardus. En 1987, le Conseil fédéral avait proposé un article abandonnant l'idée d'un impôt sur l'énergie. En 1988, le Conseil national l'a adopté globalement mais dans une formulation plus active
[1].
En 1989, le Conseil des Etats a retenu, en première lecture, une version considérablement différente de cette norme. S'il a dénié à la Confédération toute compétence dans l'établissement de principes tarifaires ayant trait à la production d'énergie, il a également adopté une formulation potestative quant aux prescriptions relatives aux installations, véhicules et appareils, s'opposant ainsi tant au gouvernement qu'au Conseil national. C'est en vertu du fédéralisme, de la libre entreprise et de l'absence de conviction dans l'efficacité de ces mesures que. les partisans d'un affaiblissement de l'article – la plupart des représentants des.partis bourgeois – l'ont emporté. Les besoins d'un ancrage constitutionnel, de compétences juridiques ainsi que la possibilité de passer, par cette norme, d'une politique sectorielle à une politique globale, invoqués par les adversaires d'un tel laminage tels que socialistes, indépendants, une partie des agrariens, quelques démocrates-chrétiens et radicaux isolés, n'ont pu convaincre les députés
[2]. Si le Conseil national a accepté, en seconde lecture et afin d'aller dans le sens d'un consensus avec la chambre haute, d'entériner la suppression des dispositions tarifaires, il a réaffirmé sa volonté de légiférer en maintenant des formules impératives. Lors de la session de printemps, le Conseil des Etats se rallia à la version issue de la seconde lecture du Conseil national
[3].
Lors de la votation finale au Conseil national, les groupes socialiste, indépendant et évangélique, n'ayant pu sauver ce qu'ils considéraient comme primordial dans cet article et l'estimant comme vidé de sa substance, se sont abstenus. Partisans d'une «Realpolitik» permettant la création d'une norme constitutionnelle, les écologistes, les POCH, la Grüne Bündnis et le Parti du travail se déclarèrent en faveur de l'article énergétique, comme la majorité des partis bourgeois (PDC, PRD, UDC, PLS) et l'Action nationale. Néanmoins, certains des représentants de ces groupes ainsi que ceux du Parti des automobilistes s'opposèrent à cette disposition, estimant qu'elle ouvrait la voie à l'interventionnisme étatique. Des opposants se recrutèrent également parmi ceux jugeant la législation trop peu draconienne
[4].
Après avoir procédé au démontage de l'article énergétique, le Conseil des Etats a également refusé deux initiatives émanant des cantons de Bâle-Ville et du Jura. La première, demandant le remplacement progressif du nucléaire par d'autres formes de production énergétique, a été rejetée en vertu du maintien de l'option nucléaire et ce pour des raisons écologiques, économiques et d'approvisionnement. La seconde, souhaitant un réexamen des priorités de la politique énergétique fédérale ainsi que la préparation d'une loi sur l'électricité, n'a pas connu de suite en raison des oppositions, déjà maintes fois exprimées, des deux Conseils à toute forme de législation en matière électrique
[5].
La commission de l'énergie du Conseil national a approuvé
l'arrêté fédéral pour l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie. Jugé comme étant conforme à son but, il constitue, selon le président de cette commission Pierre Savary (prd, VD), un compromis acceptable. Devant un jour céder sa place à la future loi sur l'énergie, il prévoit des conditions de raccordement des autoproducteurs, des mesures globales d'aide et d'information ainsi que des prescriptions encourageant les économies d'énergie (par exemple décomptes individuels des frais de chauffage et d'eau chaude). A terme (en 2010), les effets de l'arrêté fédéral et de la loi devraient se traduire par 10 à 15% d'économies d'énergie
[6]. En la matière, le Conseil des Etats a accepté d'encourager la formation d'experts alors que la chambre basse a appris qu'entre 1977 et 1988, la Confédération avait dépensé 68,8 millions de francs en analyses et assainissements énergétiques de ses bâtiments
[7].
Selon Adolf Ogi, la
campagne de publicité «Bravo» – lancée en 1988 et visant à promouvoir les économies d'énergie – a atteint son objectif puisqu'elle a permis de sensibiliser le public. En octobre a débuté la seconde phase de cette opération, à savoir «Bravo +». Destinée à diffuser la rationalisation de l'énergie dans l'économie, les industries et les entreprises, elle se compose de quatre volets. Le premier s'adresse plus spécifiquement aux médias alors que les trois autres envisagent l'énergie sur le poste de travail, dans la construction et dans le sport. Bénéficiant, pour sa première étape, de l'appui de l'Union des centrales suisses d'électricité, cette campagne est soutenue par des publicités télévisuelles, des actions dans la presse et un jeu de mémoire. Elle est devisée à 1,6 millions de francs et se déroulera jusqu'en 1990
[8].
Dans cette même optique, dix recommandations ont été proposées aux cantons et aux producteurs d'énergie par le Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (DFTCE) afin que les tarifs soient aménagés selon les principes de causalité et de couverture des coûts
[9]. La modulation des prix selon les saisons, la renonciation aux taxes de consommation différenciées, la suppression des rabais de quantité et des garanties d'achat minimum, la transparence des prix ainsi que l'introduction du décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude font partie de ces propositions, issues du Programme de politique énergétique adopté par les cantons et la Confédération en 1985. Si ces mesures ont rencontré la réticence du secteur de l'économie énergétique, certaines ont suscité des objections plus générales. Ainsi la critique s'est portée notamment sur la différenciation saisonnière qui, d'une part, engendrerait des coûts élevés sans rapport avec les économies réalisées et, d'autre part, serait asociale puisqu'elle pénaliserait en premier lieu les ménages
[10].
En 1989, la
consommation énergétique suisse s'est élevée de 1,6% par rapport à celle de l'an passé. Les causes de cette nouvelle croissance sont à chercher dans l'augmentation réelle du produit intérieur brut (PIB), l'accroissement de la population (+0,8%) et des logements ainsi que dans une légère diminution des températures. L'intensification notable de la demande en gaz pourrait partiellement s'expliquer par la diminution des tarifs pratiqués pour les gros consommateurs
[11].
[1] BO CE, 1989, p. 624; BO CN, 1989, p. 1807 s.; FF, 1989, III, p. 861. En votation finale, le CE l'accepte par 30 voix contre 1, le CN — à l'appel nominal — par 96 voix contre 25 et 48 abstentions. Cf. APS 1987, p. 133 et 1988, p. 127.
[2] BO CE, 1989, p. 128 et 157 ss.; presse des 18.1., 14., 16. et 17.3.89; RFS, 21.2. et 23.5.89.
[3] BO CN, 1989, p. 1283 ss.; BO CE, 1989, p. 544 ss.
[4] BO CN, 1989, p. 1807 ss.; presse du 20.9.89; DP, 3, 28.9.89.
[5] BO CE, 1989, p. 162 ss. et 164 s.
[6] FF, 1989, I, p. 485 ss.; Dé/ib. Ass. féd., 1989, IV, p. 40 s.; NZZ, 26.4.89; presse du 1.9.89; cf. aussi APS 1988, p. 128.
[7] BO CE, 1989, p. 165 s. (motion Bundi, ps, GR); BO CN, 1989, p. 1736 ss. (postulat Houmard, prd, BE).
[8] Presse du 31.10.89; USS, 1.11.89; SAZ, 23.11.89. Cf. APS 1988, p. 128 s.
[9] Ces recommandations concernent les tarifs des énergies de réseau ainsi que les conditions de raccordement des autoproducteurs.
[10] 24 Heures et JdG du 2.6.89.
[11] Office fédéral de l'énergie, communiqué de presse.
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