Année politique Suisse 1989 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / Trafic routier
Après avoir poursuivi l'expérience du 80/120 km/h en 1987, le Conseil fédéral devait à nouveau se prononcer à ce sujet en 1989. Cette décision devait donc jouer un rôle important dans le cadre de la votation sur l'initiative «Pro vitesse 100/130». Le gouvernement attendit le mois d'août pour se faire une opinion définitive car il voulait, auparavant, prendre connaissance du rapport de la société Elektrowatt sur les mesures à élaborer pour l'assainissement de l'air
[16]. Depuis un certain temps était apparu une solution de compromis entre le 80/120 et le 100/130; le 80+/130, c'est à dire le retour au 130 km/h sur les autoroutes et le maintien du 80 km/h sur les routes hors des agglomérations avec possibilité d'instaurer le 100 km/h sur certains tronçons bien adaptés. Cette solution, soutenue par le PRD, l'UDC, le PL et les clubs automobiles aurait pu, en cas d'acceptation, entraîner le retrait de l'initiative 100/130. Le Conseil fédéral ayant finalement opté, pour des raisons de protection de l'environnement et de sécurité routière, pour la prolongation du 80/120, l'initiative fut maintenue et l'ACS, le TCS et le PL s'engagèrent à faire activement campagne pour elle
[17]. Après la votation, le Conseil fédéral a levé le caractère provisoire du 80/120. Ces vitesses sont désormais définitives et ancrées dans l'ordonnance sur les règles de la circulation routière et l'ordonnance sur la signalisation routière
[18].
L'initiative «Pro vitesse 100/130» du journaliste bâlois B. Böhi s'est vue
nettement repoussée par le souverain (62% contre 38%). Celui-ci a donc suivi l'avis du Conseil fédéral et des Chambres qui n'avaient proposé aucun contre-projet ainsi que celui de la plupart des partis et organisations
[19]. Ce texte demandait que les vitesses maximales autorisées de 130 km/h sur les autoroutes et de 100 km/h sur les routes hors des localités (des vitesses maximales inférieures ou supérieures pourraient être fixées sur certains tronçons particuliers) soient restaurées et inscrites dans la Constitution fédérale en complément de l'art. 37bis
[20].
Cette votation s'est caractérisée par une importante participation de 69,2%; l'initiative «Pro vitesse 100/130» a bénéficié de son jumelage, lors du scrutin du 26 novembre, avec l'initiative hautement controversée «pour une Suisse sans armée». Le résultat de la votation a montré que, pour la quatrième fois en dix ans, la Suisse romande s'est fait majoriser par la Suisse alémanique sur une question touchant à la circulation routière; tous les cantons romands ont accepté l'initiative contre aucun alémanique. Cependant; par comparaison aux votations précédentes sur le même sujet, ce fossé s'est légèrement comblé
[21].
Initiative «Pro vitesse 100/130». Votation du 26 novembre 1989
Participation : 69,2%
Non: 1 836 521 (62,0%) / 20 cantons
Oui: 1 126 458 (38,0%) / 6 cantons (FR, VD, VS, NE, GE, JU)
Mots d'ordre :
Non: PRD*, PDC*, PS, UDC*, PE, AdI, AN, PEP; USS, CSCS, AST et les organisations de protection de l'environnement.
Oui: PL*, PA; USAM, TCS, ACS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Le débat autour de cette initiative s'est articulé principalement autour de deux thèmes:
la protection de l'environnement et la sécurité routière. L'argumentation des opposants s'est développée selon ces deux axes. D'une part, selon eux, la limitation des vitesses constitue le meilleur moyen de lutter contre les accidents de la route; en comparant les années 1981-1984 où le 100/130 était en vigueur et les années 1985-1988, les opposants ont fait apparaître que, sur les routes en-dehors des localités, il y a eu 381 tués et 2418 blessés graves en moins. D'autre part, ils ont mis en évidence qu'avec le 80/120 les émissions d'oxydes d'azote provenant du trafic des véhicules à moteur privés avaient diminué de façon significative. Ils ajoutèrent que, seul, le catalyseur ne permet pas d'atteindre les buts fixés par la stratégie de lutte contre la pollution de l'air. Du point de vue juridique, les opposants ont considéré comme inadmissible d'inscrire des vitesses dans la Constitution; elles doivent pouvoir être modifiées rapidement pour s'adapter à de nouvelles situations (en cas d'harmonisation des normes européennes, par exemple)
[22].
Les
partisans de l'initiative ont développé les mêmes thèmes. Du point de vue de la protection de l'environnement, ils ont rappelé que le régime du 80/120 avait été instauré à l'époque où l'on pensait que les forêts étaient en danger de mort mais que, depuis 1987, les véhicules s'étaient vus appliquer de sévères prescriptions sur les gaz d'échappement, ce qui avait amélioré considérablement, selon eux, la qualité de l'air. En conséquence, la décision chi Conseil fédéral de 1984 n'avait, toujours selon eux, plus de fondements et le gouvernement aurait dû tenir sa promesse d'un retour au 100/130. En ce qui concerne la sécurité routière, les partisans de l'initiative ont prétendu que, pour combattre les accidents, il ne fallait pas abaisser les limitations de vitesse, mais plutôt assainir des tronçons de route dangereux, construire des routes de contournement et des autoroutes, améliorer la technique des véhicules et mieux former les conducteurs. Sur ce qui est d'inscrire des vitesses dans la Constitution, les défenseurs de l'initiative ont assuré que c'était là le seul moyen de garantir la population contre des mesures arbitraires et contre le risque de les voir abaissées régulièrement
[23].
La
campagne précédent le scrutin a vu se dérouler un débat au ton très passionnel. Pour preuve, le discours des partisans de l'initiative vint quelquefois s'inscrire dans la problématique de la liberté individuelle, menacée, selon eux, par les limitations de vitesse promulguées par les autorités. Les clubs automobiles, quant à eux, n'ont pas lésiné sur les moyens et ont mené une action publicitaire de grande envergure, en particulier en Romandie. Dans cette région du pays, et au contraire de la Suisse alémanique, la presse prit souvent position en faveur de l'initiative. La déception affichée de certains quotidiens, au lendemain des résultats de la votation, qui allèrent jusqu'à parler de «diktat alémanique», en témoigne. Durant la campagne, l'affrontement se déroula surtout autour des problèmes de la sécurité routière. Du côté des opposants, la communauté de travail «santé et sécurité sur la route», formée de représentants de toutes les professions médicales et paramédicales, intervint massivement et fut en première place dans les médias
[24].
L'
analyse VOX de cette votation a bien mis en relief le fossé existant entre la Suisse romande et la Suisse alémanique en ce qui concerne la circulation routière. Elle affine l'observation en révélant que, si la base sympathisante des partis bourgeois (à l'exception du PL) a relativement suivi les consignes de vote négatives en Suisse alémanique, c'est le phénomène inverse qui s'est produit en Suisse romande. Plus généralement, les votants se réclamant d'un parti bourgeois se sont prononcés nettement plus en faveur de l'initiative que les sympathisants de gauche
[25].
[16] Sur les mesures prises pour l'assainissement de l'air, cf. infra, part. I, 6d (Qualité de l'air).
[17] Solution 80+/ 130: BZ, 14.2. et 20.2.89; NZZ, 1.7. et 11.7.89. Décision du CF: presse des 15.2., 29.6., 17.8. et 10.10.89; 24 Heures, 12.8.89; Suisse, 12.8. et 13.8.89; BaZ et BZ, 15.8.89; TA, 16.8.89. Réactions: presse des 28.4. et 18.8.89; Blick, 19.8.89; 24 Heures, 28.8.89.
[18] RO, 1990, p. 66 ss.; presse du 21.12.89.
[19] Voir APS 1984, p. 110, 1985, p. 109, 1987, p. 144 et 1988, p. 144.
[20] Généralités sur l'initiative: Ww, 2.3.89; TW, 24.10. et 9.9.89; SGT, 25.10.89; AT, 11.11.89; JdG, 18.11.89; presse du mois de novembre 1989.
[21] Résultats: FF, 1990, I, p. 216 ss.; presse des 27 et 28.1 1.89 ainsi que DP, 974, 30.11.89 (fossé entre la Suisse romande et la Suisse alémanique) et RFS, 48, 28.11.89.
[22] Presse des 23.10., 26.10. et 1.11.89; NZZ, 6.1., 10.10., 30.10. et 23.11.89; Vr, 23.11.89; 24 Heures, 31.10.89; TW, 14.10.89; BZ, 23.5. et 21.11.89; Dém., 21.10.89; SGT, 15.11. et 22.11.89; TA, 9.9., 8.11. et 22.11.89; JdG, 16.11.89; LNN, 22.11.89 ainsi que USS, 34, 8.11.89 et DP, 973, 23.11.89.
[23] Presse des 26.10. et 27.10.89; AT, 18.9. et 21.10.89; Dém., 9.11.89; SGT, 28.10.89; CdT, 15.11.89; 24 Heures, 8.11. et 18.11.89; SZ, 17.11.89; JdG, 8.11. et 18.11.89; NF, 18.11., 21.11. et 23.11.89.
[24] Communauté de travail «santé et sécurité sur la route»: presse des 3.10. et 3.11.89; SN, 15.11. et 22.11.89; SGT, 7.11.89; Vat., 10.11.89; NZZ, 9.11.89; SGT, 22.11.89; LNN, 17.11.89; CdT, 16.11.89; Bund, 11.11.89. Réaction des partisans de l'initiative: 24 Heures et JdG, 8.11.89. Réaction de la presse romande: presse des 27 et 28.11.89.
[25] Vox, Analyse der eidgenössischen Abstimmung vom 26. November, Bem 1990.
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