Année politique Suisse 1990 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Organisations internationales
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GATT
En 1990 aurait dû se conclure le huitième cycle (dit Uruguay round) de négociations commerciales multilatérales, initié en septembre 1986 à Punta del Este (Uruguay). Il était censé s'achever lors de la conférence ministérielle de décembre à Bruxelles. Or, le déroulement des discussions fut perturbé par l'émergence d'un environnement moins favorable, caractérisé par la crise du Golfe, l'unification allemande, les problèmes posés en Europe centrale et orientale ainsi que par la détérioration des perspectives économiques. Ces facteurs conduisirent à un déplacement des priorités politiques des différents Etats. Toutefois, le processus de l'Uruguay round fut principalement compromis par les blocages de plus en plus importants survenus dans le dossier agricole, malgré les impulsions politiques données lors de la rencontre ministérielle informelle d'avril à Puerto Vallarta (Mexique) et lors du sommet des sept principales puissances de juillet à Houston (USA) [70] .
Dans ce domaine s'affrontèrent les deux groupes désormais traditionnellement représentatifs d'optiques divergentes. D'un côté, les Etats-Unis et les pays agro-exportateurs du groupe de Cairns, qui veulent arriver à une suppression presque totale des interventions étatiques dans le secteur agricole, principalement au niveau de la production. De l'autre côté, la Communauté européenne, les pays de l’AELE, le Japon et la Corée, qui n'entendent pas livrer leurs agricultures respectives aux seules lois du marché. Lors de la conférence ministérielle de décembre à Bruxelles, la proposition de compromis – préconisant une réduction de 30% en cinq ans du protectionnisme – fut adoptée, comme base de négociation, par les Etats-Unis et le groupe de Cairns mais rejetée par la CE, le Japon et la Corée. Cependant, pour la première fois, la CE précisa qu'elle pourrait souscrire à des suggestions portant sur le soutien interne, la protection à la frontière et les subventions à l'exportation. La Suisse se déclara prête à négocier sur la base de ce compromis, mais sous quatre conditions. Premièrement, les règles du GATT en la matière doivent tenir compte des objectifs non commerciaux des politiques agricoles. Deuxièmement, la période de mise en application des réformes doit passer de cinq à dix ans. Troisièmement, les mesures de soutien interne autorisées doivent être clairement définies. Quatrièmement, l'étendue de la réduction des subventions et de la protection à la frontière doit être négociable [71]..
Bien que les positions se rapprochèrent à la fin de l'année, le maintien de certaines divergences conduisit à l'échec des négociations et au report de la conclusion du cycle Uruguay à 1991. Entre-temps, on espère pouvoir solutionner l'épineux dossier agricole afin que les accords intervenus dans les autres secteurs ne soient pas définitivement perdus [72] ..
Qu'en est-il des autres domaines — économiquement bien plus importants que l'agriculture — qui posaient aussi problème en 1989, à savoir les textiles, la propriété intellectuelle, les sauvegardes et les services? Depuis l'an passé, de sensibles progrès ont été réalisés dans ces différents secteurs. L'objectif des négociations sur les services est la création d'un accord général permettant la libéralisation de leur commerce et, de ce fait, l'amélioration des conditions de concurrence sur le plan international. Cet accord permettra aux futurs signataires d'échanger des concessions mutuelles garantissant l'égalité de traitement entre les fournisseurs de services nationaux et étrangers. Lors de la conférence ministérielle de Bruxelles, un projet de traité put être présenté. Cependant, certains points doivent encore faire l'objet de décisions comme, par exemple, l'application de la clause de la nation la plus favorisée, les dérogations, le problème de la main-d'oeuvre étrangère et certaines dispositions additionnelles visant à la libéralisation des services financiers [73]..
En ce qui concerne les textiles, il a été possible d'élaborer un projet de traité, après que les Etats-Unis eurent renoncé à leur conception de quotas globaux en matière de restrictions quantitatives à l'importation. Dans le domaine des clauses de sauvegarde, un accord est en bonne voie mais certains points demeurent en suspens (application sélective ou non des clauses de sauvegarde, etc.).
La propriété intellectuelle est un secteur intéressant tout particulièrement la Suisse. Les discussions ont permis aux différentes positions de se rapprocher, entre autres sous l'impulsion de suggestions faites par la CE, les Etats-Unis, le Japon et la Suisse [74]. Ainsi, on s'achemine vers une convention portant sur l'ensemble des droits de propriété intellectuelle (droits d'auteur, brevets, marques, indications de provenance, dessins et modèles, secrets d'affaires et topographies de circuits intégrés). Par contre, l'ancrage de l'accord dans le GATT et quelques aspects relatifs aux brevets, le droit d'auteur et les indications de provenance posent toujours problème [75]..
 
[70] Rapp.gest. 1990, p. 343; presse des 24.4. (Puerto Vallarta), 13.7. (Houston), 3.-10.12., 14.12., 18.12. et 19.12.90.
[71] Cf. aussi infra, part. 1, 4c (Politique agricole).
[72] En effet, les négociations sur le cycle Uruguay étant globales, un seul désaccord conduit à l'échec de l'ensemble.
[73] FF, 1991, 1, p. 293 ss.; Rapp.gest. 1990, p. 343.
[74] JdG, 19.5.90 (propositions faites par la Suisse).
[75] FF, 1991,1, p. 293 ss.; 24 Heures, 10.10. (interview du négociateur suisse au GATT, David de Pury) et 13.10.90 (interview d'Arthur Dunkel, directeur du GATT); JdG, 21.11.90 (propriété intellectuelle). Cf. aussi APS 1989, p. 76 s.