Année politique Suisse 1990 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung / Défense nationale et société
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Rapport sur la politique de sécurité
Faisant suite au postulat du groupe radical de 1984 et exigé, par le parlement, préalablement à toute décision concernant le nouvel avion de combat, le rapport "Politique de sécurité de la Suisse dans un monde en mutation" a été rendu public en octobre [16]. Il répond indirectement à plusieurs autres interventions parlementaires, dont la motion transmise du sénateur Uhlmann (udc, TG) et celle, pendante, de la fraction UDC, demandant toutes deux une nouvelle conception de la défense militaire suisse [17]. Elaboré par le DMF en collaboration avec les autres départements, il présente globalement la politique menée en la matière ces dernières années. Constatant que la menace n'est plus exclusivement militaire, mais aussi démographique, écologique et économique, le gouvernement fixe cinq objectifs à la politique de sécurité: le maintien de la paix et de la liberté d'action de la Suisse, la protection de sa population et de ses bases d'existence, la défense du territoire national et la contribution à la stabilité internationale, plus spécifiquement en Europe. Pour ce faire, le Conseil fédéral conserve l'organisation militaire actuelle mais en la rendant plus souple et renforce l'action helvétique au niveau international en matière de maintien de la paix. Evoquant l'éventuelle adhésion de la Suisse à un système collectif de sécurité européen, préoccupation partagée par le Conseil national puisque celui-ci a transmis un postulat Burckhardt (pl, BS) en la matière, l'exécutif s'interroge, mais sans répondre, sur l'avenir de la neutralité suisse [18]. De même reste en suspens le problème du refus de servir, le gouvernement reconnaissant que le projet Barras sur la décriminalisation de l'objection de conscience ne constitue qu'une demi-mesure [19]. Par contre, il se prononce tout à fait clairement contre une armée professionnelle à cause de son coût et du risque de la création d'une caste militaire mais aussi en raison de l'adéquation du système de milice avec la structure fédéraliste et l'évolution de la politique de sécurité.
Les réactions des différents partis politiques et organisations concernées traduisirent le clivage traditionnel en matière militaire et de sécurité. Les socialistes estimèrent que ce rapport manquait de courage et était dépourvu de nouvelles perspectives, contenant même des "tendances dangereuses" puisque chargeant l'armée de maintenir l'ordre intérieur et proposant son intervention aux frontières en cas d'afflux de demandeurs d'asile. Les écologistes et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) regrettèrent que le Conseil fédéral n'accorde pas une place plus significative à une politique active de paix alors que les partis bourgeois gouvernementaux l'accueillirent favorablement [20] .
Si, dans son rapport "Sécurité et paix", la Société suisse des officiers (SSO) propose une redéfinition de la neutralité helvétique, elle souhaite également transformer le service armé masculin en un service à la communauté obligatoire pour tous (donc y compris les femmes). Au moment où le DMF envisage une réduction des effectifs de l'armée (cf. Armée 95), la SSO formule un projet ne tenant aucun compte des coûts financiers et sociaux qu'il suppose. Cette suggestion occulte certaines autres propositions intéressantes de ce compte rendu, telles que le renforcement de la mission de paix de la Suisse auprès des Nations Unies (casques bleus), l'amélioration de la formation et de l'instruction ainsi que l'intensification de l'information et de la communication au sein de l'armée et du DMF [21].
Le groupe radical et le député Blocher (udc, ZH) déposèrent par ailleurs des textes demandant la création d'un département fédéral de la défense, regroupant l'armée, la protection civile, les engagements en faveur de la paix et le Corps suisse d'aide en cas de catastrophe. A cette dernière insertion s'opposa catégoriquement son directeur, Charles Raedersdorf [22] .
 
[16] FF, 1990, III, p. 794 ss.; BO CN, 1984, p. 1420 s. (postulat du groupe radical); TA, 28.4.90; NZZ, 2.5.90; JdG, 5.5.90; SN, 20.7.90; L'Hebdo, 29.3.90; DP, 996, 24.5. et 998, 7.6.90.
[17] BO CE, 1990, p. 745 ss.; Délib. Ass. féd., 1990, III, p. 56.
[18] BO CN, 1990, p. 2433 (Burckhardt).
[19] Cf. infra, Objecteurs de conscience.
[20] Presse du 11.10.90.
[21] Bund, 19.2.90; LNN et NZZ, 20.2.90; De,n., 12.6.90; presse du 7.9.90. Le CE se préoccupe aussi du renforcement de la politique suisse de paix puisqu'il a transmis le postulat Jagmetti (prd, ZH) allant dans ce sens: BO CE, 1990, p. 99 ss.; Dém., 12.6.90; presse du 7.9.90; USS, 28, 12.9.90.
[22] Délib. Ass. féd., 1990, I/II, p. 52 (motion groupe PRD) et 67 (motion Blocher); Suisse, 31.3.90 (Raedersdorf).