Année politique Suisse 1990 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Politique agricole
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GATT
Le cycle des négociations de l'Uruguay round, entamé dans le cadre du GATT en 1986 à Punta del Este et regroupant 107 pays, était censé se terminer en décembre 1990 lors de la Conférence de Bruxelles, ponctué par l'élaboration d'un accord global sur le commerce mondial. Ce dernier aurait dû prendre en compte des domaines jusque-là non-réglementés et définir de nouvelles normes allant dans le sens d'une plus grande libéralisation des marchés [2].
L'agriculture a été au centre des débats et fut le principal point de désaccord de ces négociations. Dès le début, le .blocage fut patent sur ce dossier et, malgré les diverses propositions faites, a conduit à l'échec lors de la réunion finale. Les discussions devraient cependant être relancées en 1991 [3].
Les Etats-Unis, accompagnés du groupe de Cairns (principaux pays exportateurs), firent pression en faveur d'un démantèlement extrêmement poussé des protections que de nombreux pays assurent à leur agriculture. Face à eux, la CE a constitué le pôle de résistance majeur en faveur de mesures plus modestes dans la suppression des soutiens et autres subventions. La négociation prit ainsi l'allure d'une sorte de duel dans lequel les autres pays, dont la Suisse, furent sensiblement relégués au second rang [4].
La demande américaine consiste en une réduction rapide de 75% des soutiens internes et de 90% des subventions à l'exportation. La CE a proposé une diminution globale de 30%, échelonnée sur 10 ans à compter de 1986. La Suisse a, quant à elle, fait une offre de réduction en termes réels de 20% des soutiens liés à la production à raison de 2% par année. En ce qui concerne les subventions à l'exportation, elle envisage une diminution des dépenses budgétaires de 30% sur 10 ans. Dans le domaine des protections à la frontière, elle suggère de transformer, pour certains produits, les taxes à l'importation ainsi que les restrictions quantitatives en droits de douane [5]. Cette offre est, d'autre part, accompagnée de certaines conditions tels le développement de l'usage des paiements directs ou la reconnaissance des objectifs non-commerciaux de la politique agricole (protection de l'environnement, entretien du paysage, population décentralisée, etc.) [6].
Les propositions suisses ont été considérées par d'aucuns, au sein du GATT, comme très minimalistes, cependant qu'elles nourissaient de grandes inquiétudes, en Suisse, auprès des organismes concernés. L'Union suisse des paysans (USP) les a rejetées catégoriquement, estimant que, sans résoudre aucun problème, elles contribueraient à appauvrir la classe paysanne. Cette dernière n'a d'ailleurs cessé d'exprimer sa profonde inquiétude par rapport aux négociations en cours et, notamment, à l'offre suisse, convaincue que cela entraînerait inévitablement la disparition de très nombreuses exploitations et une grave diminution du revenu paysan. Les agriculteurs helvétiques ont, à plusieurs reprises, organisé d'importantes manifestations contre les conséquences possibles des discussions du GATT [7].
Ces négociations donnèrent lieu à trois interpellations urgentes au Conseil national de la part du groupe UDC, de F. Jung (pdc, LU) et de W. Zwingli (prd, SG), inquiets de la tournure prise par l'Uruguay round. Cela donna l'occasion à J.-P. Delamuraz d'expliquer en détail la position de la Suisse et, plus généralement, l'inévitable redéfinition de la politique agricole helvétique. Selon le chef du Département fédéral de l'économie publique (DFEP), l'essentiel aurait été préservé dans ces négociations en ce sens qu'il serait acquis que le GATT accepte la prise en considération des objectifs non-commerciaux de l'agriculture; ainsi, des paiements directs pourraient être introduits afin d'atteindre ces buts ou pour aider les agriculteurs les moins performants à se reconvertir. S'il a assuré que la Confédération ne ferait pas de concessions dommageables pour sa politique agricole, il a néanmoins annoncé que, même sans ces négociations, il était indispensable qu'elle prenne plus en compte les règles de l'économie de marché [8].
 
[2] APS 1988, p. 107 et 1989, p. 105.
[3] Echec de la Conférence de Bruxelles: presse des 4.-6.12. et 8.12.90 ainsi que DP, 1020, 13.12.90 et L'Hebdo, 13.12.90. Reprise des négociations en janvier 1991: Suisse, 10.12.90. Sur le problème du GATT et de l'agriculture suisse en général: JdG, 26.7.90; SGT, 19.9.90 (D. de Pury); TW, 9.11.90; LM, 11.11.90; Ww, 15.11.90 et L'Hebdo, 2.8.90.
[4] Sur le déroulement des négociations: presse du 20.4., 27.7. et 6.11.90; LM, 9.11., 13.11., 20.11., 27.11. et 28.11.90; NZZ, 21.4.90; JdG, 24.4.90 et L'Hebdo, 6.12.90. Cf. aussi supra, part.I, 2 (Organisations internationales).
[5] Cela devrait créer un manque à gagner de 130 millions de francs environ pour les paysans.
[6] Offre de la CE: TA, 26.9.90; SZ et BZ, 5.10.90; LM, 7.11.90. Offre de la Suisse: presse du 25.10.90; BZ, 26.10. et 29.10.90; Suisse, 27.10.90 ainsi que RFS, 44, 30.10.90 et DP, 1014, 1.1 1.90.
[7] Désaccords des paysans: presse du 6.9.90; LM, 14.11.90; NZZ, 12.10.90 ainsi que Gnueg Heu dune!, 7, 8.11.90 et LID-Pressedienst, 1673, 2.11.90. Manifestations: presse des 10.10., 6.11., 10.11., 13.11., 14.11. et 4.12.90.
[8] Interpellations urgentes et explications de J.-P. Delamuraz: BO CN, 1990, p. 1701 ss.; presse des 2.10. et 3.10.90 ainsi que USS, 31, 3.10.90, RFS, 41, 9.10.90 et LID-Pressedienst, 1669, 5.10.90.