Année politique Suisse 1990 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Expérimentation animale
Les Chambres eurent à se prononcer sur l'initiative populaire de la Protection suisse des animaux (PSA)
"pour une réduction stricte et progressive des expériences sur les animaux /
limitons strictement l'expérimentation animale". Ce texte, déposé en 1986, vise à inverser les priorités par rapport à la loi sur la protection des animaux (LPA); l'expérimentation animale serait interdite en règle générale, mais des exceptions seraient tolérées dans les cas d'importance primordiale pour la sauvegarde de la vie humaine ou animale. Face à ces dérogations, les organisations de protection des animaux jouiraient d'un droit de recours et de plainte
[62].
.
Après le Conseil fédéral en 1989, le Conseil national, suivi du Conseil des Etats, rejeta cette initiative, que seuls les socialistes, les écologistes et les indépendants défendirent
[63]
. Si chacun a reconnu l'importance de la protection des animaux contre les abus, la majorité des députés estima que le texte de la PSA était excessif dans les moyens proposés, d'autant que son objectif était rempli par la LPA qui, étant une des plus restrictives du monde, permet une diminution régulière du nombre d'animaux utilisés en laboratoire
[64]
. Le reproche principal fait à l'initiative réside dans le
danger qu'elle représenterait
pour la recherche, médicale principalement, qui risquerait de ne plus être praticable en Suisse. Les exceptions prévues par l'initiative furent considérées comme étant sujettes à caution; d'une part, le droit de recours accordé aux organisations de protection des animaux empêcherait ou retarderait de nombreuses expérimentations et bloquerait ainsi toute recherche, et, d'autre part, une découverte pouvant survenir par pur hasard et n'avoir aucun rapport avec le sujet de l'étude effectuée, ce ne serait qu'a posteriori, et non a priori, que l'on pourrait établir si une expérience est d'importance primordiale ou non
[65]
.
Les Chambres ont toutefois décidé de faire un pas dans le sens de l'initiative en renforçant la LPA. Cette révision doit faire office de
contre-projet indirect au texte de la PSA. En 1989, la commission du Conseil national avait demandé au Conseil fédéral d'organiser une consultation à ce sujet. A son terme, le gouvernement, réticent dès le début, maintint son avis négatif
[66]
. Cependant, au début de l'année, la commission proposa au parlement son projet, dont l'objectif est de limiter au maximum le nombre d'expériences et les souffrances infligées aux animaux, tout en n'empêchant pas la recherche de progresser. Cette révision prévoit, entre autres, un
droit de recours pour l'Office fédéral vétérinaire (OVF), qui pourra attaquer des décisions auprès des cantons, et la mise sur pied, par ces derniers, de commissions consultatives indépendantes, comprenant des organisations de protection des animaux. En outre, le gouvernement aura la tâche de fixer les critères et les buts des expérimentations, afin de limiter encore le nombre des expériences douloureuses et stressantes. Une minorité de la commission désirait que soient prises des mesures de protection supplémentaires, en particulier l'octroi aux organisations de protection des animaux d'un droit de recours et de plainte
[67].
.
Le contre-projet fut généralement bien accepté au parlement. Au Conseil national, seuls les libéraux refusèrent d'entrer en matière, et la grande chambre l'adopta facilement
[68]
. Le Conseil des Etats fit de même, mais créa
deux divergences de taille. Premièrement, il se prononça en faveur d'une proposition relativement restrictive de O. Piller (ps, FR) interdisant les "expériences qui ne revêtent pas une importance primordiale pour la sauvegarde de la vie humaine ou animale, ni pour la guérison ou l'atténuation de graves souffrances". Deuxièmement, la petite Chambre se refusa à réglementer au niveau fédéral la procédure d'autorisation cantonale, mettant ainsi en question la présence des organisations de protection des animaux au sein des commissions consultatives
[69]
. Pour sa part, la PSA a annoncé qu'elle n'envisageait pas de retirer son initiative, jugeant insuffisant le contre-projet indirect
[70]. Par ailleurs, la motion Ziegler (ps, GE), transmise comme postulat par le Conseil national, a demandé au Conseil fédéral d'édicter des normes garantissant une totale transparence sur les expériences et les procédures administratives qui les autorisent, de veiller à la stricte application de la loi et de favoriser l'utilisation des méthodes de substitution
[71].
.
Une seconde initiative sur la vivisection,
"pour l'abolition de l'expérimentation animale", a été déposée en octobre. Lancée une année plus tôt par la "Ligue internationale des médecins contre la vivisection", elle a réuni près de 140 000 signatures. Ce texte, beaucoup plus strict que le précédent, ne laisse aucune possibilité à quelque dérogation que ce soit. Les initiants prétendent que l'expérimentation animale, outre le fait qu'elle constitue une méthode barbare, donne des résultats scientifiques fort peu concluants puisque, selon eux, les réactions des animaux ne peuvent être comparées à celles de l'homme
[72].
.
La Suisse a signé la
convention européenne pour la protection des animaux de compagnie. Celle-ci engage les membres du Conseil de l'Europe à garantir le respect de ces animaux en tant qu'êtres vivants, et à leur assurer une alimentation et des soins suffisants. Elle interdit particulièrement les interventions chirurgicales pouvant donner lieu à des altérations extérieures, ainsi que l'abandon d'animaux de compagnie, et recommande de stériliser les chats et les chiens errants
[73]
. Par ailleurs, le Conseil des Etats a transmis la motion Lauber (pdc, VS) qui demande au gouvernement de favoriser et de mettre en oeuvre la recherche sur le gibier, ainsi que le prévoient les diverses lois régissant ce domaine
[74].
.
[62] Cf. APS 1987, p. 116 et 1989, p. 113 s.
[63] Par 82 voix à 49 au CN et par 21 voix à 4 au CE: BO
CN, 1990, p. 1132 ss.; BO CE, 1990, p. 792 ss.
[64] En 1989, le nombre des expériences autorisées pàr les cantons a reculé; 1 091 751 animaux furent utilisés, soit 7,5% de moins qu'en 1988 et 45,2% de moins qu'en 1983 (LM et Suisse, 30.5.90; NZZ, 13.8.90).
[65] BO CN, 1990, p. 1132 ss.; BO CE, 1990, p. 792 ss.; AT, 18.6. et 30.8.90; NZZ, 19.6.90; presse des 21.6., 22.6. et 4.10.90 ainsi que RFS, 4, 23.1. et 41, 9.10.90. Opinion des milieux de la recherche: presse du 30.5.90; TA, 21.11.90. Sur l'expérimentation animale en général, cf. Suisse, 11.3.90 et TA, 25.6.90.
[66] Voir APS 1989, p. 114.
[67] FF, 1990, III, p. 1197 ss.; presse du 17.1.90.
[68] Le CN adopta le contre-projet indirect par 92 voix contre 8: BO CN, 1990, p. 1132 ss.; presse des 21 et 22.6.90.
[69] Le CE adopta le contre-projet indirect à l'unanimité: BO CE, 1990, p. 792 ss.; NZZ, 4.9. et 29.12.90; presse du 4.10.90 ainsi que RFS, 41, 9.10.90. Travaux de la commission du CN sur les divergences créées par la petite chambre: NZZ, 13.12.90.
[70] Presse du 22.6.90; NZZ, 23.6.90.
[71] BO CN, 1990, p. 1904.
[72] FF, 1991, 1, p. 555 ss.; presse du 27.10.90 ainsi que APS 1989, p. 1 14 s.
[74] BO CE, 1990, p. 755 ss.; NZZ, 2.10.90.
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