Année politique Suisse 1990 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Politique énergétique
Le 23 septembre, le peuple et les cantons suisses ont accepté,
par 71 %
des suffrages, de réglementer la politique énergétique par le biais d'un article constitutionnel. Il permettra à la Confédération d'agir à trois niveaux: par des principes sur l'utilisation rationnelle des énergies indigènes et renouvelables, par des prescriptions sur la consommation des installations, véhicules et appareils ainsi que par un encouragement des techniques ayant trait aux économies et aux énergies alternatives. Formulé de façon assez générale et déclamatoire, il ne comporte ni taxe sur l'énergie – retirée après la procédure de consultation mais que le gouvernement souhaite reprendre dans le cadre de la réforme des finances fédérales – ni principes tarifaires, éliminés lors des délibérations parlementaires
[2]
.
Les citoyens étaient appelés à se prononcer, dans ce domaine, pour la troisième fois en sept ans. Le processus débuta en 1974 lorsque le Conseil fédéral institua, après le premier
choc pétrolier, une commission d'experts chargée de définir une conception globale de l'énergie
[3]
. En 1978, elle remit un rapport contenant trois principes: la diversification de l'approvisionnement, le frein à la consommation par le truchement des économies et la promotion des énergies renouvelables. Elle proposa également, outre une taxe sur l'énergie, la création d'un article constitutionnel. En 1983, la première version de ce dernier fut rejetée par le souverain, n'ayant pu obtenir la double majorité
[4]. En 1984, l'initiative populaire "pour un approvisionnement en énergie sûr, économique et respectueux de l'environnement" connut aussi l'échec en votation
[5].
La catastrophe de
Tchernobyl en 1986 relança l'ensemble du processus. Lors de leur session spéciale, les Chambres repoussèrent l'idée d'une loi sur l'électricité, arguant notamment de la nécessité ex ante d'une base légale. Les débats sur ces deux thèmes débouchèrent sur l'élaboration d'un second article ainsi que sur la création du Groupe d'experts sur les scénarios énergétiques (GESE). En 1987, le gouvernement présenta la nouvelle norme. En février 1988, le GESE soumit, après bien des vicissitudes, son compte rendu qui présentait notamment les prémices, les possibilités et les conséquences du non-développement de l'énergie nucléaire, voire de son abandon
[6]. En 1989, le parlement adopta la version soumise au vote populaire de l'article constitutionnel. Celle-ci diffère peu de la version de 1983 mais renforce le rôle des cantons, octroie à la Confédération des compétences dans le domaine des énergies renouvelables et abandonne la formulation potestative du premier alinéa.
La
campagne précédant la votation fut animée, notamment par les nombreux comités fédéraux et cantonaux de soutien ou d'opposition. Au niveau national, le groupe d'action en faveur de l'article, composé de quelques 130 parlementaires des partis bourgeois, argua du respect, par la norme, des principes de subsidiarité et de fédéralisme. Son hétéronyme, rassemblant 30 députés ainsi que des représentants du commerce, de l'industrie, des organisations patronales et artisanales, invoqua, à l'encontre de l'article, l'interventionnisme étatique, la bureaucratie et l'entorse au devoir fédéraliste
[7]. Plus généralement, les affirmations en faveur de la norme fédérale se basèrent sur la volonté d'une véritable politique énergétique, sur le maintien des prérogatives de l'économie en matière d'approvisionnement et de distribution, sur la nécessité de promouvoir les énergies alternatives et les économies ainsi que sur l'indispensable amélioration de la protection de l'air. Les raisonnements en sa défaveur se fondirent sur l'inutilité de l'article qui, bien que n'ayant qu'une portée politique, conduirait à une étatisation partielle de l'approvisionnement et compromettrait la capacité concurrentielle de l'économie ainsi que son insertion européenne
[8].
Article constitutionnel sur l'énergie. Votation du 23 septembre 1990
Participation: 40,3%
Oui: 1 214 925 voix (71%)/ tous les cantons.
Non: 493 841 voix (29%)
Mots d'ordre:
Oui: PRD (11*), PDC, PS, PES, AdI (1*), PEP, Alliance verte, PdT, DS; USP, USS, CSCS, Ligue suisse pour la protection de la nature, WWF, Fédération suisse pour l'énergie, Forum suisse de l'énergie, Association suisse pour l'énergie atomique, Association pour l'aménagement des eaux.
— Non: PLS, PA; Vorort, USAM, ACS, UCAP, Société suisse des propriétaires fonciers, Redressement national.
Liberté de vote: UDC (12*).
* Recommandations différentes des partis cantonaux.
Cette votation a cependant suscité beaucoup d'interrogations dans l'arène politique quant à la
future politique énergétique suisse. Ainsi les motions des groupes écologiste, socialiste, indépendant-évangélique et de la conseillère nationale Segmüller (pdc, SG) désirent-elles, pêle-mêle, une taxe énergétique, des principes tarifaires (basés sur les coûts marginaux), des mesures de protection de l'environnement, une diminution des importations d'électricité, un plafonnement des participations helvétiques dans les centrales atomiques étrangères ainsi que des objectifs quant à la consommation globale
[9].
Prenant en considération les résultats du 23 septembre, le projet
"Energie 2000", issu des premières délibérations d'un groupe de travail réunissant des représentants des quatre partis gouvernementaux et du DFTCE, a été présenté en novembre par A. Ogi. Basé sur le scénario du moratoire élaboré par le GESE, il a trois objectifs: la stabilisation de la consommation et des rejets de CO2 (à terme, leur réduction) ainsi que l'accroissement de l'apport des énergies renouvelables. La, Confédération sera responsable des principes du programme, de sa planification et, par le biais d'une taxe sur l'énergie, de son financement
[10]. Ce projet est d'ores et déjà soutenu par les partis gouvernementaux, l'Union des centrales suisses d'électricité et la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie
[11].
[2] FF, 1991;1, p. 275 ss. et presse du 24.9.90 (résultats). Cf. APS 1988, p. 127 s. et 1989, p. 128 s.; BüZ, 23.8.90; LM, 17.9.90.
[3] Cf. APS 1974, p. 86 et C. Mironesco / T. Boysan / 1. Papadopoulos, Débats sur l'énergie en Suisse, Lausanne 1986.
[4] 50,9% de oui mais 12 cantons opposés. Cf. APS 1983, p. 101.
[5] Cf. APS 1984, p. 98 ss.
[6] Cf. APS 1986, p. 107 ss. (GESE), 1987, p. 132 s. (nouvel article) et 1988, p. 130 s. (scénarii).
[7] NZZ, 16.6. et 7.7.90; BZ, 23.6.90; BüZ, 13.9.90; JdG, 14.9.90.
[8] Presse du 14.9.90; LM, 17.9.90.
[9] Délib. Ass. féd., 1990, 1V, p. 57 s. (motion écologiste), p. 58 (motión adi/pep), p. 62 s. (motion socialiste), p. 130 (motion Segmüller). A noter aussi les interpellations des députés Steinegger (prd, UR) et Wanner (prd, SO) ainsi que le postulat du CE Huber (pdc, AG): Délib. Ass. féd., 1990, IV, p. 134 s., 137 et 149.
[10] Presse du 8.11.90; NZZ, 10.11.90.
[11] JdG, 8.11.90; NZZ, 16.11. et 8.12.90.
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