Année politique Suisse 1990 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation
Trafic routier
Après le Conseil national en 1989, ce fut au tour du Conseil des Etats de ne pas donner suite à l'initiative cantonale bernoise concernant la
perception sur le prix de l'essence de l'impôt cantonal sur les véhicules à moteur. La Confédération serait, selon ce texte, chargée de redistribuer ensuite la recette ainsi obtenue aux cantons, proportionnellement au nombre de véhicules qui y sont immatriculés. La petite chambre a considéré que cela s'opposait au système fédéraliste de souveraineté des cantons et poserait des problèmes avec les pays limitrophes
[16].
Pour sa part, la grande chambre a transmis, non sans difficulté, un postulat de sa commission de la santé publique et de l'environnement qui demandait, pour les véhicules à moteur, l'instauration d'une taxe
proportionnelle aux kilomètres parcourus afin d'appliquer le principe du pollueur-payeur. Un tel système d'imposition fut très combattu; ses opposants y virent une injustice sociale ainsi qu'un danger pour la Suisse dans ses relations avec les autres pays européens. Ils considérèrent, de plus, qu'il n'y avait pas à revenir sur le sujet, une initiative cantonale zurichoise de même teneur ayant été rejetée par les deux chambres en 1989. F. Cotti prit toutefois fait et cause pour ce texte et permit à ses partisans de l'emporter
[17].
Le Conseil national a suivi le Conseil des Etats dans sa décision de rejeter sans contre-projet les
initiatives "pour la suppression de la vignette routière" et "pour la suppression de la taxe sur les poids lourds". Seuls les libéraux, emmenés par Ch. Friderici (VD), ainsi que les automobilistes ont combattu ces taxes en arguant qu'elles pénalisaient les entreprises de transports routiers et créaient un handicap pour le développement du tourisme en Suisse. La majorité de la chambre les défendit, en raison notamment du fait qu'elles permettent de compenser, en partie, le déséquilibre du compte routier (la route ne couvrant pas ses frais) et vont dans le sens des efforts menés actuellement par la CE
[18]. Un mois après le rejet du Conseil national, les initiants, avec B. Böhi à leur tête, annonçaient le
retrait des deux initiatives. Ils motivèrent leur acte par le manque de soutien reçu de la part des organisations automobilistes. Ces textes ne seront donc pas soumis au peuple
[19].
Ces deux taxes avaient été initialement instaurées pour une durée de dix ans, c'est-à-dire jusqu'en 1994. En 1989, le Conseil fédéral avait
mis en consultation des projets d'articles constitutionnels afin de les rendre définitives. De cette procédure, il ressort que personne, à part les organisations d'automobilistes, ne les remet en cause. Cependant, quelques divergences existent. Les partis bourgeois ne désirent pas les fixer dans la Constitution et voudraient trouver une solution en harmonie avec la CE. Les socialistes et les écologistes estiment qu'elles devraient être, avant tout, liées aux kilomètres parcourus
[20].
A contre-courant de la tendance qui s'était développée depuis plusieurs années, le
nombre des accidents de la route a, en 1990, sensiblement augmenté. Leur total a atteint 79 436 (+3,5% par rapport à 1989). Le nombre de tués fut, lui aussi, en hausse et se porta à 954 (+3,1%). Par contre, celui des blessés (29 243) fut en légère diminution (-3%). Parmi les causes principales d'accidents, figurent, comme depuis longtemps, l'inattention, le refus de priorité et la vitesse inadaptée
[21].
Le DFJP, afin de diminuer le nombre des victimes de la circulation, a mis en consultation diverses mesures
axées sur la prévention et la formation, les sanctions pénales paraissant insuffisantes. Il est envisagé, entre autres, que tous les élèves conducteurs suivent un enseignement théorique (jusqu'ici facultatif) et que les conducteurs enfreignant le code de la route soient systématiquement astreints, après récidive, à des cours d'éducation routière. D'autre part, le DFJP a annoncé qu'il étudiait la possibilité de mettre sur pied, pour 1992 ou 1993, un permis à deux temps; accordé d'abord provisoirement, il deviendrait définitif après que le conducteur a démontré sa prudence et suivi un cours de perfectionnement
[22]. Ces idées furent accueillies positivement, notamment de la part des organisations d'automobilistes
[23].
Au Conseil national, G. Baggi (pdc, TI) a proposé, dans le but de prévenir les
risques causés par les jeunes conducteurs, de retirer pour une période prolongée le permis de conduire des automobilistes appartenant à ces classes d'âge impliqués dans des accidents, et de faire en sorte que les véhicules qu'ils conduisent voient leur puissance restreinte. Les députés, considérant cette motion comme quelque peu discriminatoire envers les jeunes, la transmirent sous forme de postulat. La grande chambre a encore accepté le postulat Jaeger (AdI, SG), suggérant l'introduction d'un permis de conduire à l'essai comportant un système de points permettant son retrait ainsi que l'abaissement à 0,5 pour mille du taux d'alcoolémie admis
[24].
Lancé en 1989 par l'AST, les écologistes, une partie de la gauche et l'IG Velo, le
référendum sur la révision de la loi sur la circulation routière (LCR)
a abouti en début d'année avec 81 452 signatures valables. Seul un point de la loi était contesté: celui comportant l'autorisation, pour les camions de 2,50 mètres de large, de circuler sur tout le réseau routier helvétique, y compris sur les routes (communales et cantonales) où, jusque là, seule une largeur maximale de 2,30 mètres était admise. Le reste de la révision proposait diverses innovations, visant notamment à renforcer la sécurité routière et la protection de l'environnement, qui, elles, firent l'unanimité
[25].
Le
résultat de la votation sur la LCR fut serré et ce n'est qu'avec une majorité de 53% que le peuple suisse a adopté ce texte. Comme dans tous les scrutins relatifs au domaine routier, les cantons romands se sont distingués par leur hostilité face à toute norme limitative en matière de circulation et ont accepté massivement la loi. C'est même grâce à leurs voix que la balance pencha en faveur du oui. De par l'acceptation populaire, la nouvelle LCR entrera en vigueur le ler février 1991
[26].
Les
opposants à la révision de la LCR ont prétendu que la nouvelle norme sur la largeur des poids lourds avantageait encore les transports routiers, notamment le trafic sur de longues distances, au détriment du ferroutage qu'il s'agit de promouvoir. Une telle amélioration des conditions de transports a également été considérée comme un facteur d'accroissement du trafic (par l'augmentation du nombre de camions et de trajets) et donc des émissions polluantes. Ils ont encore avancé qu'une acceptation de la LCR serait un premier pas vers l'autorisation donnée aux 40 tonnes de rouler en Suisse. Dans le domaine de la sécurité routière, ils ont argué que des camions plus larges mettaient en danger la vie des piétons ou des cyclistes. En outre, l'augmentation de la largeur des camions conduirait, selon eux, à un élargissement des routes, ce qui empiéterait sur les terres agricoles, nuirait au paysage et, de plus, augmenterait les dépenses routières
[27].
Loi sur la circulation routière Votation du 23 septembre 1990
Participation : 40,3%
Oui: 899 051 (52,8%)
Non: 803 621 (47,2%)
Mots d'ordre:
Oui: PRD, PDC, UDC, PL, PA; USP, Vorort, USAM, ACS, TCS, ASTAG.
Non : PS, PE, AdI, PEP, Alliance verte, PdT, DS ; AST, Communauté de travail pour le droit du piéton, IG Velo.
Les
partisans de la LCR – partis bourgeois, organisations d'automobilistes et, plus particulièrement, transporteurs routiers — ont estimé que, compte tenu de la politique de la Confédération (NLFA, Rail 2000, 28 tonnes), cette loi n'était pas à voir comme favorisant le transport routier, mais plutôt comme un acte de solidarité et d'harmonisation européenne; les pays de la CE ayant depuis longtemps pour règle une largeur de 2,50 mètres, s'adapter à cette norme permet à la Suisse de ne pas se retrouver isolée et représente une sorte de contrepartie au refus d'ouvrir un corridor routier pour les 40 tonnes. Ils ont ajouté que, les camions de 2,30 mètres ne se fabriquant pratiquement plus, il était beaucoup plus rationnel de généraliser ceux de 2,50 mètres, d'autant plus que cette largeur standard permet de charger un volume de marchandises proportionnellement plus important, diminuant de ce fait le nombre de trajets et, donc, l'impact du trafic poids lourds sur l'environnement. D'autre part, ils ont considéré qu'il était absurde de mettre en danger une loi positive en tous points en attaquant une seule de ses dispositions, qui ne fait, de surcroît, qu'entériner une situation existante
[28].
La
campagne sur ce référendum fut terne, tant l'importance des deux initiatives anti-nucléaires sur lesquelles les citoyens devaient se prononcer le même jour éclipsa l'objet du vote. Le débat se déroula en bonne partie autour du problème européen, dont l'analyse Vox de cette votation souligne d'ailleurs l'importance, en termes d'harmonisation des normes, dans les motivations de vote des acceptants. Cela est à mettre en relation avec le oui massif des Romands; cette région linguistique, généralement opposée à toute restriction de la circulation routière, est également celle dont la sensibilité européenne est la plus aiguë. Le non des opposants, s'il était motivé par la crainte d'accidents et d'atteintes à l'environnement, ne s'est, par contre, pas cristallisé autour du problème de l'intégration européenne
[29].
[16] BO CE, 1990, p. 171 s. Voir aussi APS 1989, p. 141.
[17] BO CN, 1990, p. 900 ss. Voir aussi APS 1989, p. 141. Pour les autres mesures en faveur de l'environnement, en particulier dans le domaine de l'assainissement de l'air, cf. infra, part. 1, 6d (Qualité de l'air).
[18] BO CN, 1990, p. 966 ss. et 1317 (au vote final, la grande chambre a rejeté l'initiative contre la taxe poids lourds par 115 voix à 33 et celle contre la vignette routière par 121 voix à 28); BO CE, 1990, p. 542; FF, 1990, II, p. 1185 s.; presse des 5.4. et 13.6.90; SZ, 5.6.90 ainsi que RFS, 22/23, 29.5.90 et 25, 19.6.90. Voir aussi APS 1989, p. 143 s. et supra, part. 1, 5 (Einnahmenordnung).
[19] FF, 1990, II, p. 1449; presse du 11.7.90. B. Böhi, journaliste bälois, fut déjà à l'origine de l'initiative "pro vitesse 100/130" rejetée en votation populaire en 1989: voir APS 1989, p. 141 s.
[20] Presse du 5.4.90; Suisse, 14.4.90. Voir aussi APS 1989, p. 143 s.
[21] Presse du 11.5.91. Pour les statistiques concernant les accidents survenus en 1989, cf. presse du 3.3.90 et APS 1989, p. 144.
[22] Le BPA (Bureau suisse de prévention des accidents) a, lui aussi, proposé un système similaire: JdG, 17.5.90.
[23] Presse du 3.3.90; Suisse, 16.6.90.
[24] BO CN, 1990, p. 683 s. (Baggi) et 1263 (Jaeger).
[25] FF, 1990, I, p. 1083 et II, p. 684 ss.; presse du 16.1.90; BaZ, 6.3.90; NZZ, 7.3.90. Voir aussi APS 1988, p. 146 s. et 1989, p. 144 s.
[26] FF, 1991, I, p. 275 ss.; presse du 24.9.90; NZZ, 25.9.90. Entrée en vigueur et volonté des cantons de limiter l'utilisation de leur droit de dérogation: LNN et BüZ, 24.12.90; BZ et Vr; 27.12.90. Sur la votation en général: SZ, 7.8.90; CdT, 17.8.90; TA, 22.8.90; Vat. et SGT, 25.8.90; LNN, 29.8.90; USS, 26, 29.8.90 et presse du mois de septembre.
[27] Arguments des opposants à la LCR: Vr, 8.8. et 31.8.90; BaZ, 21.8.90; NZZ, 27.8.90; VO, 27, 5.7.90 et presse du mois de septémbre.
[28] Arguments des partisans de la LCR: Bund, 5.6.90; NZZ, 6.6.90; AT, 25.7.90; SGT, 11.8.90; NZZ, 29.8.90 et presse du mois de septembre. Voir aussi DP, 1003, 26.7.90.
[29] Vox, Analyse der eidgenössischenAbstimmungvom 23. September 1990, Zürich 1991. En ce qui concerne les votations sur les initiatives antinucléaires, cf. supra, part. 1, 6a (Energie nucléaire).
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