Année politique Suisse 1991 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Organisations internationales
En mai 1990, les autorités fédérales avaient déposé une demande d'adhésion aux institutions de Bretton Woods, à savoir le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque Mondiale qui regroupe la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'Association internationale de développement et la Société financière internationale (SFI). Sans être membre de ces institutions, la Suisse entretient déjà depuis longtemps des relations étroites avec celles-ci.
Au mois de mars, les
conditions d'admission imposées à la Suisse par le comité d'adhésion du FMI ont été acceptées par le Conseil d'administration du FMI (organe exécutif du FMI) et le Conseil des gouverneurs. La quote-part dont la Suisse devra s'acquitter a été fixée à 1,7 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS), ce qui correspond à 3,34 milliards de francs suisses; suite à la révision des quotes-parts de l'ensemble des membres, entrée en vigueur à la fin de l'année 1991, le montant de la participation helvétique a été établi à 2,47 milliards de DTS (4,8 milliards de francs). 20% de cette somme devront être versés en devises puisées dans les réserves de la BNS et, pour les 80% restant, la Suisse devra mettre à disposition du FMI des obligations en francs suisses sans intérêt. Le financement de l'adhésion de la Suisse au Groupe de la Banque mondiale (432,8 millions sur cinq ans) devra en revanche être assumé par la Confédération. Par ailleurs, O. Stich, en raison du montant de la quote-part, attribuée à la Suisse, s'est montré optimiste quant à la possibilité d'obtenir un siège au Conseil d'administration du FMI et de la Banque mondiale
[56].
Après cette acceptation par les instances du FMI, les procédures d'approbation en Suisse se sont révélées plus délicates. La question a suscité un large débat, aussi bien au parlement que dans les médias.
En avril déjà, les principales oeuvres d'entraide helvétiques (Swissaid, Helvetas, Pain pour le prochain et Action de carême), ont transmis au Conseil fédéral un certain nombre de conditions pour leur soutien à l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Tout en admettant l'utilité du FMI et de la Banque mondiale, elles ont exigé que l'attitude de la Suisse au sein de ces institutions s'inscrive dans la continuité de sa politique de développement et s'appuie sur la loi pour la coopération et l'aide humanitaire. Dans le domaine de l'environnement, la Suisse devrait aussi adopter une position très stricte en ce qui concerne les programmes d'ajustement structurel ou de développement. De plus, il faudrait instaurer une forme de contrôle parlementaire afin d'assurer la transparence de l'action des représentants helvétiques.
Pour sa part,
la droite isolationniste, emmenée par Ch. Blocher (udc, ZH) et l'ancien conseiller national O. Fischer (vice-président de l'Association suisse pour une Suisse indépendante et neutre), a annoncé dès la publication du message du Conseil fédéral qu'elle envisageait de
lancer un référendum pour s'opposer à l'adhésion de la Suisse
[57].
Les raisons qui motivent la participation de la Suisse aux institutions de Bretton Woods ont été soulignées par le Conseil fédéral dans son
message aux Chambres. Premièrement, face aux bouleversements intervenus à la fin des années 80 sur le plan européen et mondial, il est de plus en plus nécessaire de reconsidérer la place de la Suisse sur la scène internationale; son absence dans les principales institutions internationales risque de la marginaliser de plus en plus. Deuxièmement, l'internationalisation croissante des relations économiques amène les institutions de Bretton Woods à jouer un rôle plus important qu'auparavant dans le maintien d'un ordre monétaire stable et d'un système libéral d'échanges et de paiements. Pour un pays comme la Suisse, grand exportateur et disposant d'une monnaie forte, il est dans son intérêt de participer au FMI et à la Banque mondiale. De plus, l'augmentation des problèmes de portée internationale tels que la dette, l'environnement ou les migrations, exige des solutions multilatérales; pour ce faire la Suisse a besoin de coordonner sa coopération avec celles des autres Etats
[58].
Lors de la session de juin, le
Conseil des Etats a adopté sans grande opposition le projet d'arrêté fédéral concernant l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods, le projet de loi qui définit la participation de la Suisse à ces institutions et le projet d'arrêté ouvrant un crédit cadre, destiné à financer l'adhésion. Par 19 voix contre 9, la chambre haute a rejeté une proposition de la minorité de la commission du commerce extérieur qui proposait l'instauration d'une commission consultative qui devrait être largement informée sur les activités des représentants suisses
[59].
Au
Conseil national, le débat a été beaucoup plus long, près de 5 heures, bien qu'il n'ait finalement apporté qu'une seule modification mineure par rapport au projet adopté par le Conseil des Etats; le Conseil national a ainsi accepté une proposition du genevois J.P. Maître. (pdc) qui exige que les Chambres soient informées de toute augmentation du capital des institutions de Bretton Woods. L'opposition à l'adhésion est venue d'une alliance contre-nature réunissant à la fois des membres de l'extrême droite (DS, PA), de l'extrême gauche tiers-mondiste (même si les députés socialistes ont dans l'ensemble voté en faveur de l'adhésion), des écologistes et d'une partie de l'UDC. Une minorité de la commission, emmenée par le socialiste Vollmer (BE) a proposé un texte de loi définissant de façon plus contraignante la participation de la Suisse; une autre minorité, avec J.S. Eggly (pl, GE) à sa tête, voulait au contraire que les représentants suisses ne s'inspirent des principes et des objectifs de la politique de développement de la Suisse uniquement pour les décisions relevant de la politique de développement (à l'exclusion de la politique monétaire). Finalement ces deux propositions furent rejetées. Au vote final, l'adhésion au FMI et à la Banque mondiale a été approuvée par une large majorité
[60].
Estimant que les conditions posées au sujet de la loi sur l'adhésion n'ont pas été remplies par les Chambres,
la gauche tiers-mondiste, essentiellement alémanique, a lancé un référendum contré l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods. Pour ces référendaires, les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI ont des conséquences sociales et économiques catastrophiques pour les pays du Tiers-monde; ils reprochent aussi le caractère anti-démocratique de l'institution, le poids décisionnel de chaque membre étant tributaire du montant alloué par chacun. Cette décision n'a pas manqué de diviser aussi bien le PS, les organisations humanitaires que le PE. Le comité directeur du PS, contre le vote de la majorité des parlementaires socialistes, s'est prononcé pour le référendum. Par la suite, un grand nombre de personnalités socialistes (environ 80), ainsi que plusieurs sections romandes du parti, se sont distancées de la prise de position de leur comité directeur. Autre exemple: la section alémanique de la Déclaration de Berne a décidé de soutenir le référendum, alors que la section romande s'y est opposée. Finalement, les grandes organisations d'entraide ont décidé de ne pas soutenir le référendum. Même si leurs conditions n'ont pas été entièrement satisfaites, elles ont estimé avoir obtenu les garanties suffisantes du Conseil fédéral sur plusieurs points et considèrent que la Suisse représentée au FMI apportera plus aux populations pauvres du tiers monde qu'en restant en dehors, d'autant qu'une certaine évolution du FMI semble se dessiner. L'alliance de fait avec l'extrême droite a constitué un autre argument de ]poids contre le lancement du référendum
[61].
De leur côté,
les tenants de la droite isolationniste ont aussi lancé un référendum. Pour eux, c'est avant tout les raisons financières qui les amènent à s'opposer au FMI; selon eux, les coûts de l'adhésion seraient plus importants que prévus et retomberaient sur les contribuables. D'autre part, la Suisse n'aurait aucun intérêt à retirer de sa participation aux institutions de Bretton Woods et son influence y serait nulle
[62].
[56] Presse du 6.3. et 30.4.91.
[58] FF, 1991, II, p. 1121 ss.; presse du 19.6.91.
[59] BO CE; 1991, p. 527 ss.
[60] BO CN, 1991, p. 1456 ss.; FF, 1991, III, p. 1543 ss.
[61] Presse du 18.10. (lancement du référendum), 28.10. (décision du comité directeur du PS) et 22.11.91 (socialistes opposés au référendum); NQ, 20.11.91.
[62] Presse du 18.9. et 28.10.91.
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