Année politique Suisse 1991 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / Chemins de fer
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Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes (NLFA ou Alptransit)
Les revendications régionales concernant des modifications du projet de NLFA (nouveaux tunnels ou raccordement) se sont poursuivies. Outre celle du canton des Grisons, ce fut celle du Valais qui occupa le devant de la scène. En début d'année, le Conseil fédéral a nettement rejeté la demande de ce canton de rallonger le tunnel du Lötschberg et d'en faire un Y dont l'une des branches déboucherait dans le Valais central (liaison avec la Suisse romande) et l'autre vers le Simplon (liaison vers l'Italie). Le gouvernement a déclaré que cela engendrerait des coûts supplémentaires trop importants, prolongerait de beaucoup les travaux (ce qui ne permettrait pas de fournir rapidement un service de ferroutage par cette voie) et qu'il ne pouvait plus revenir sur la planification, le message sur la NLFA ayant déjà été présenté aux Chambres. Toutefois, le Conseil d'Etat valaisan a ensuite fait une proposition de compromis: garder le principe du Y, mais avec des tunnels plus courts. Le Valais a trouvé, à cette occasion, l'appui des cantons romands et de Berne [37].
Lors du débat au Conseil national, la majorité des groupes s'est prononcée pour l'entrée en matière. Certains (PDC) ont insisté sur la nécessité de préserver l'environnement dans le cadre de ce projet, d'autres (AdI et PL) se sont inquiétés de l'explosion des coûts de la NLFA. Les écologistes, en revanche, ont proposé de ne pas entrer en matière; ils remettaient globalement en cause le phénomène de la mobilité croissante et jugeaient les NLFA absurdes. Les démocrates suisses se sont également prononcés pour le renvoi, estimant que Alptransit était une ingérence de la CE dans la souveraineté helvétique. Les automobilistes ont fait de même, car ils désiraient que Bruxelles prenne en charge les 25% du financement qui doivent être puisés dans la caisse sur le produit des droits d'entrée sur les carburants. La Chambre a cependant accepté le projet de sa commission. Celui-ci, afin de répondre aux désirs des régions concernées et de pouvoir prendre en compte les contraintes locales, laisse une certaine flexibilité dans la localisation des entrées et sorties des tunnels. De la sorte, les autres revendications (venant notamment de Zurich, du Valais, de Lucerne et du Tessin) n'ont pas été retenues. En outre, de nombreuses propositions ont été rejetées. Ce fut notamment le cas, principalement pour des raisons financières, de celles de certains élus valaisans qui ont repris le projet de leur canton (Y). Il en alla de même de celles des députés alémaniques Biel (adi, ZH) et Luder (udc, BE) qui désiraient renoncer à la construction du tunnel du Lötschberg. Celles dés socialistes et des écologistes, qui visaient à obtenir des garanties supplémentaires en faveur de la protection de l'environnement et à prendre des mesures contraignantes afin de faire passer le trafic de transit de la route au rail, furent également repoussées [38].
Au Conseil des Etats, si personne ne s'est opposé à l'entrée en matière, beaucoup se sont cependant inquiétés des coûts du projet; le montant prévu à l'origine a été estimé largement insuffisant, la barre des 20 milliards de francs devant certainement être allègrement dépassée. Certains ont même parlé de 40 milliards, auquel il faut rajouter quelques milliards de plus pour les travaux supplémentaires visant à satisfaire les aspirations des divers cantons. Pourtant, si A. Ogi a demandé de ne pas surcharger le projet d'adjonctions supplémentaires, la petite chambre a accepté, en plus du projet de base, toutes les propositions régionalistes adoptées par sa commission [39]. Ainsi en alla-t-il du double embranchement en Valais du Lötschberg à Rarogne et à Mundbach à côté de Brigue (ce qui ajoute plus de 10 km de tunnel), du raccordement des Grisons au Gothard permettant d'éventuelles extensions en direction de la Surselva et dans la région de Luino et du lac de Côme pour le Tessin. En outre, la Suisse romande a obtenu que les liaisons TGV avec la France puissent se faire aussi par Boncourt, les Verrières et Vallorbe en plus de Bâle et Genève comme le prévoyait le projet du gouvernement. Par ailleurs, une proposition de la majorité de la commission et défendue par Danioth (pdc, UR), obligeant le trafic de marchandises à passer en principe de la route au rail afin de soulager l'environnement et les régions traversées, a été acceptée [40].
La grande chambre a, au vote nominal par 93 voix à 87, rejeté la disposition introduite par le Conseil des Etats prévoyant que le transit de marchandises à travers les Alpes se fasse en principe par le rail. La majorité bourgeoise a argué que cette mesure allait à l'encontre du libre choix du moyen de transport. En revanche, la Chambre, sur proposition de sa commission, a accepté la solution du Y valaisan, mais a rejeté, pour des raisons financières, les liaisons en faveur des Grisons et du Tessin (excepté pour Luino), ainsi que la possibilité pour le Jura de se raccorder au réseau TGV. Elle s'est encore nettement opposée à une proposition Günter (adi, BE) qui voulait supprimer la ligne du Lötschberg [41].
Dans la suite de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil des Etats a abandonné son exigence de transférer de façon contraignante le trafic de transit de la route au rail, et a adopté une proposition de compromis demandant que l'on tende, par des mesures appropriées, à favoriser en principe ce transfert. Par contre, il a maintenu l'option de prolonger le Gothard vers la Surselva (GR), ainsi que le raccordement au TGV par le Jura. Enfin, le Conseil national, emmené par les groupes bourgeois, a accepté la proposition de compromis de la petite chambre, alors que la gauche et les écologistes l'ont estimée trop peu contraignante. Il a aussi adopté la formule du Conseil des Etats sur l'intégration du Jura dans le réseau à haute vitesse. Cependant, il a maintenu son refus de voir le tunnel de base du Gothard prolongé vers la Surselva. Pour cette dernière divergence, la petite chambre s'est ralliée au Conseil national, mais a adopté un postulat reprenant cette exigence [42]. En votation finale, le projet a été largement accepté par le parlement [43].
En outre, le Conseil national a transmis un postulat du groupe radical-démocratique qui demande au gouvernement de faire comprendre à la CE que les travaux pour la construction de la NLFA ne commenceront que lorsque le traité sur le trafic de transit sera mis sur pied [44].
Par ailleurs, le Conseil fédéral a présenté son message complémentaire sur la NLFA concernant l'intégration de la Suisse orientale à ce projet, ce qui était prévu dans le message de 1990 sur Alptransit. Le gouvernement proposa ainsi de créer une nouvelle ligne entièrement en tunnel (tunnels de l'Hirzel, permettant le lien de la Suisse orientale sans détour par Zurich, et du Zimmerberg, assurant la liaison du nouveau tronçon Zurich-Thalwil (Rail 2000) au tunnel de l'Hirzel) et d'améliorer la ligne qui relie Saint-Gall au tunnel de l'Hirzel via Rapperswil par un doublement des voies sur certains tronçons. Ces travaux permettraient ainsi de faire accéder la Suisse orientale à la ligne du Saint-Gothard plus rapidement et plus facilement, tout en offrant une capacité de transport supplémentaire. Le montant de ces travaux est estimé à 850 millions de francs, financés selon le même mode que les transversales alpines. Il est par ailleurs prévu d'agrandir la gare de Coire, afin d'améliorer le lien entre les Grisons, la Suisse centrale et le Saint-Gothard [45]. Si le parlement a adopté le projet du Conseil fédéral, le Conseil national dut néanmoins faire face à une proposition de non-entrée en matière de la part de la minorité de la commission (Friderici (pl, VD) et Biel (adi, ZH), soutenus par les verts, les automobilistes et une partie de l'AdI). Cette dernière s'opposait avant tout à l'aménagement de la gare de Coire qu'elle considérait n'avoir rien à faire avec le projet de NLFA [46].
Le PES, soutenu par Greenpeace, le WWF ainsi que des comités uranais et schwytzois, a lancé un référendum contre les NLFA. Selon eux, ce projet n'offrirait pas de garanties suffisantes pour la protection de l'environnement, sa construction serait insoutenable pour les Alpes et son prix et sa consommation énergétique seraient trop élevés. Surtout, il ne résoudrait aucun problème, car il ne contribuerait en rien à freiner la croissance de la mobilité que l'on peut observer en Suisse et en Europe. Les Verts se sont ainsi attirés de nombreuses critiques et d'aucuns ont estimé leur position contradictoire, compte tenu du fait qu'ils ont toujours défendu le transfert du trafic de la route au rail [47].
 
[37] Presse du 10.1.91; NF, 11.1., 17.1., 20.3., 21.3. et 6.6.91. Voir aussi APS 1990, p. 158 ss.
[38] BO CN, 1991, p. 401 ss.; presse du 13.3. et 14.3.91; NF et NZZ, 15.3.91; BZ, 16.3.91. Commission: presse du 19.1. et 12.3.91; JdG et NZZ, 22.1.91. Voir aussi APS 1990, p. 158 ss. Le CN a encore transmis un postulat de sa commission demandant au gouvernement d'établir un programme des travaux permettant de réduire au maximum le temps de construction prévu: BO CN, 1991, p. 501.
[39] A ce sujet, voir NF, 4.4. et 29.5.91; NZZ, 8.5. et 28.8.91; presse du 11.9.91.
[40] BO CE, 1991, p. 628 ss.; presse des 18.9. et 19.9.91; SN, 21.9.91; NZZ, 23.9.91; Vr, 25.9.91. Voir aussi APS 1990, p. 161.
[41] BO CN, 1991, p. 1653 ss.; presse des 20.9. (commission) et 25-27.9.91; NZZ, 28.9.91; 24 Heures, 30.9.91.
[42] BO CE, 1991, p. 825 ss. et 893 s.; BO CN, 1991, p. 1801 ss.
[43] BO CN, 1991, p. 2037 s.; BO CE, 1991, p. 921.; FF, 1991, III, p. 1570 ss. Si l'enveloppe globale votée est de 14 milliards de francs, la facture, compte tenu du renchérissement et du service de la dette, se montera à plus de 24 milliards de francs selon A. Ogi (presse du 5.10.91). Sur ce problème, voir encore NZZ, 29.1.91; Ww, 21.3.1991; NF, 26.3.91. Par ailleurs, en fin d'année, F. Mühlemann, secrétaire général du DFTCE, a affirmé que les appels d'offre pour la construction des NLFA s'adresseront aussi aux entreprises étrangères (presse du 6.11.91).
[44] BO CN, 1991, p. 1990.
[45] FF, 1991, III, p. 1176 ss.; presse du 27.6.91.
[46] BO CE, 1991, p. 675 ss.; BO CN, 1991, p. 1653 ss.; FF, 1991, III, p. 1570 ss.
[47] Bund, 20:6.91; presse du 24.6., 15.9., 12.10. et 14.10.91; Vr, 23.9.91; TA, 26.10.91. Le parti écologiste genevois a décidé de ne pas soutenir le référendum: JdG, 20.11.91. Cf. encore: presse du 3.-5.10.91; Bund, 11.12.91.