Année politique Suisse 1992 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Expérimentation animale
Déposée en 1986,
l'initiative populaire de la Fédération suisse protectrice des animaux «pour une réduction stricte et progressive des expériences sur les animaux (Limitons strictement l'expérimentation animale!)» entendait faire effectuer à la législation helvétique un renversement de paradigme; au lieu d'autoriser l'expérimentation animale tout en mettant en place des garde-fous, celle-ci aurait été interdite, seules quelques exceptions concernant des cas d'importance primordiale étant prévues. Afin de contrôler ces dernières, les organisations de protection des animaux auraient joui d'un droit de recours et de plainte. Le gouvernement et les chambres avaient rejeté cette initiative et lui avaient opposé, en 1991, un contre-projet indirect sous la forme d'un renforcement des prescriptions de la loi sur la protection des animaux
[63].
Suivant l'avis des autorités, le souverain repoussa le texte proposé. Le refus fut toutefois moins clair que lors de la votation, en 1985, sur l'initiative de Franz Weber prônant une interdiction absolue de toute expérimentation, le non rassemblant 56,4% de la population et 17 et 5/2 cantons. Les cantons ayant accepté l'initiative sont ceux de Zurich, Berne, Grisons et Appenzell Rhodes-extérieures. De manière générale, le non a été plus net dans les cantons romands, surtout dans ceux du Jura et du Valais. Face à ce résultat, toutes les parties ont exprimé leur satisfaction; les opposants en raison du rejet populaire, et les initiants à cause de la forte proportion de oui
[64].
Pour les
partisans de l'initiative, cette dernière avait pour but de protéger autant l'animal que l'homme; elle aurait favorisé une médecine responsable du point de vue éthique, sans mettre en danger la santé de l'un ou de l'autre. La recherche n'aurait pas été entravée, au contraire; l'élaboration de méthodes de substitution aurait été stimulée. En outre, des expériences inutiles et déjà interdites dans certains pays auraient pu être supprimées tels que les tests pour détergents, cosmétiques ou tabacs. Le droit de recours et de plainte octroyé aux organisations de protection des animaux aurait permis que règne une plus grande transparence et une meilleure information des citoyens. Pour sa part, l'Etat aurait été obligé de mettre en place des conditions cadres en faveur d'une politique progressiste de protection des animaux
[65].
Pour les
opposants, l'initiative soumise au vote était superflue dans la mesure où la loi sur la protection des animaux constitue un excellent garde-fou, très en avance au niveau international. Ses prescriptions seraient telles que les expériences inutiles seraient tout à fait marginales, que le nombre d'animaux utilisés diminuerait d'année en année de façon significative et que la mise au point de méthodes de substitution progresserait notablement. De plus, l'affirmation selon laquelle la recherche médicale pourrait se passer de l'expérimentation animale a été considérée comme erronée, de nombreuses thérapies ne pouvant être développées dans ces conditions. Par ailleurs, l'initiative a été vue comme un danger pour la recherche fondamentale, car ses prescriptions n'auraient pas tenu compte des conditions de la démarche scientifique; il aurait été impossible de démontrer a priori l'importance primordiale d'une expérience. Enfin, l'accent a été mis sur la menace qui aurait pesé sur l'industrie chimique et pharmaceutique; obstacles et retards auraient conduit à une perte de qualité, de compétitivité et à des délocalisations synonymes de suppressions d'emplois
[66].
Initiative «pour une réduction stricte et progressive des expériences sur les animaux». Votation du 16 février 1992
Participation: 44,5%
Non: 1 117 236 (56,4%) / 17 et 5/2 cantons
Oui: 864 898 (43,6%) / 3 et 1/2 cantons
Mots d'ordre:
Non: PRD, PDC, UDC, PL, PA, UDF; CSCS, Vorort, USAM, USP ainsi que les milieux de la recherche, de la médecine et de l'industrie chimique et pharmaceutique.
Oui: PS (1*), AdI, PEP (1*), PE, PdT, DS; organisations de protection des animaux, de la nature, de l'environnement et des consommateurs.
Liberté de vote: Lega dei Ticinesi; USS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Touchant un sujet aussi chaud que la vivi-section, la
campagne précédant le vote a été âpre et émotionnelle, tant du côté des partisans de l'initiative que des opposants. Ces derniers, réunissant le monde médical et l'industrie pharmaceutique et chimique, n'ont pas lésiné sur les moyens pour promouvoir leur opinion, leurs arguments étant le plus souvent axés sur la peur de la maladie ou la crainte de perdre des emplois. L'analyse VOX de cette votation fait clairement ressortir le rejet massif des Romands, les Alémaniques ayant été moins unanimes. D'autres facteurs explicatifs entrent cependant en jeu; ainsi, les femmes, les personnes de moins de trente ans et les sympathisants de gauche furent plus enclins à accepter l'initiative que les hommes, les personnes de plus de trente ans et les sympathisants des partis bourgeois
[67].
Le Conseil fédéral a présenté aux Chambres son
message concernant l'initiative populaire «pour l'abolition des expériences sur les animaux». Ce texte, lancé par la ligue internationale des «Médecins pour l'abolition de la vivisection» et ayant abouti en 1991, propose l'introduction d'un nouvel article constitutionnel 25ter prévoyant l'interdiction absolue de toute forme d'expérimentation animale, quelle qu'elle soit (recherche, tests de toxicité, enseignement, développement et fabrication de produits, etc.). Considérant le rejet populaire en début d'année de l'initiative «pour une limitation stricte et progressive des expériences sur les animaux» et l'entrée en vigueur de la révision de la loi sur la protection des animaux, le gouvernement a recommandé le rejet sans contre-projet du texte. Il a également motivé sa décision en arguant que l'interdiction de toute expérimentation mettrait en danger la recherche et inciterait les entreprises à transférer ce secteur à l'étranger
[68].
Reprenant pour l'essentiel l'argumentaire du gouvernement, le Conseil national a lui aussi repoussé cette initiative. Il a néanmoins dû affronter une proposition socialiste de contre-projet octroyant un droit de plainte à certaines organisations ainsi qu'une demande de renvoi dans le but d'élaborer un contre-projet de la part des écologistes. Quant à lui, le Conseil des Etats a suivi la grande chambre
[69].
Le
nombre d'animaux utilisés dans les laboratoires helvétiques pour des expériences nécessitant une autorisation a continué de diminuer en 1991. 927 210 animaux ont ainsi été utilisés, soit 11 % de moins qu'en 1990 et 53,3% de moins qu'en 1983. Plus nette a été la diminution dans l'industrie pharmaceutique bâloise: 17,2% de moins qu'en 1990. Parallèlement, le nombre d'expériences effectuées à l'aide de méthodes de substitution a augmenté
[70].
Le Conseil fédéral a adopté un
message proposant la ratification de trois ordonnances du Conseil de l'Europe sur la protection des animaux. La première prescrit que les animaux conduits à l'abattage soient traités avec soin. La seconde concerne les animaux utilisés expérimentalement et recouvre la loi suisse à ce sujet. Enfin, la troisième s'attache à la protection des animaux de compagnie; elle prévoit entre autres l'interdiction de couper la queue des chiens pour des raisons esthétiques. Le Conseil des Etats a accepté de ratifier ces textes
[71].
Pour sa part, le Conseil national a accepté le postulat Seiler (pdc, ZH) qui demande au gouvernement de modifier l'ordonnance sur la protection des animaux dans le sens d'une interdiction de couper la queue des chiens et que les chiens écourtés soient interdits à la vente, à l'importation ou à l'exposition
[72].
La même chambre a encore transmis comme postulat la motion Weder (adi, BS) demandant une modification de l'ordonnance sur la protection des animaux, afin d'interdire la détention d'animaux de rente dans la pénombre ou sans lumière du jour
[73].
[63] APS 1989, p. 113 s., 1990, p. 122 ss. et 1991, p. 137 s.
[64] FF, 1992, Ill, p. 725; presse du 17.2.92. Voir aussi APS 1985, p. 92.
[65] Presse des mois de janvier et février 1992.
[66] Presse des mois de janvier et février 1992.
[67] Vox, Analyse des votations fédérales du 16 février 1992, Zurich 1992.
[68] FF, 1992, II, p. 1597 ss.; presse du 17.3.92. Voir aussi APS 1989, p. 114 s., 1990, p. 124 et 1991, p. 138.
[69] BO CN, 1992, p. 1754 ss., 1774 ss. et 2792; BO CE, 1992, p. 1111 ss. et 1363; FF, 1993, I, p. 1 s.; Bund et NZZ, 10.9.92; presse du 25.9, 29.9, 30.11 et 3.12.92; NZZ, 5.1 1.92.
[71] FF, 1992, V, p. 953 ss.; BO CE, 1992, p. 1114 ss.; presse du 25.6. et 3.12.92; 24 Heures, 13.7.92.
[72] BO CN, 1992, p. 633; Dém., 22.2.92.
[73] BO CN, 1992, p. 2167.
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