Année politique Suisse 1993 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Relations bilatérales
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Tensions, diplomatiques avec la Turquie
En guise de protestation contre la répression dont les Kurdes sont victimes en Turquie, les communautés kurdes de plusieurs pays européens ont organisé différentes actions contre les intérêts et les représentations turcs en Europe. En Suisse, les manifestations dans les villes de Berne, Zurich et Genève furent particulièrement violentes; un mort parmi les manifestants et 8 blessés ont été déplorés à Berne. Condamnant ce recours à la violence, le Conseil fédéral a mis en place un état-major de crise et le ministère public a ouvert une enquête sur le déroulement de la manifestation. Il a rapidement été établi que le service de sécurité de l'ambassade turque était responsable du décès du manifestant kurde [89].
Après une semaine d'enquête qui ont révélé la gravité des faits et face à l'absence de volonté de collaboration des autorités turques, le Conseil fédéral a demandé la levée de l'immunité diplomatique de trois membres du personnel de l'ambassade, suspectés d'avoir tiré des coups de feu lors de la manifestation. En cas de non-réponse dans un délai de 48 heures, le gouvernement avait annoncé qu'il envisageait d'expulser les trois employés. Par ailleurs, il a décrété, par voie d'ordonnance, l'interdiction d'achat et de port d'arme pour les ressortissants turcs en Suisse et a pris des mesures pour renforcer la surveillance des organisations politiques kurdes. Refusant de satisfaire aux exigences helvétiques, les autorités d'Ankara ont décidé de rappeler en Turquie les trois membres de l'ambassade concernés. Après le nouveau refus des autorités turques concernant la levée de l'immunité diplomatique d'un quatrième fonctionnaire, le Conseil fédéral a transmis une note de protestation exprimant sa déception et son indignation. Le Ministère turc des affaires étrangères a rejeté cette intervention en reprochant à la Suisse de ne pas avoir assuré la sécurité de ses représentants à Berne lors de la manifestation et de violer les accords internationaux sur la lutte contre le terrorisme en tolérant des organisations extrémistes sur son territoire [90].
Quelques semaines plus tard, sur une sollicitation du juge d'instruction bernois en charge du dossier, le Conseil fédéral a demandé au gouvernement turc la levée de l'immunité diplomatique de l'ambassadeur turc et d'un autre employé; il a jugé cette mesure nécessaire pour faire la lumière sur les circonstances exactes de l'affaire. Refusant de donner suite aux exigences helvétiques, les autorités d'Ankara ont rappelé leurs deux ressortissants et décidé de renvoyer à Berne l'ambassadeur suisse en Turquie ainsi que deux autres diplomates helvétiques. Le Conseil fédéral a vainement protesté contre cette décision [91].
Des membres du PKK ont pris en otages trois Suisses ainsi que de plusieurs ressortissants étrangers dans le Sud-Est de la Turquie. En échange de leur libération, les ravisseurs ont exigé des gouvernements occidentaux qu'ils cessent leur soutien politique, militaire et économique à la Turquie. Dans le cadre d'une mission humanitaire privée, une délégation parlementaire helvétique composée d'A. Fankhauser (ps, BL) et d'E. David (pdc, SG) s'est rendue sur place afin de négocier la libération des otages helvétiques. Après un mois de détention, ceux-ci furent libérés [92].
 
[89] Presse du 25.6 au 30.6.93; Hebdo, 1.7.93; voir aussi BO CN, 1993, p. 2588 s. et supra, part. I, 1b (Politische Manifestationen).
[90] Presse du 1.7 au 9.7.93 et du 13.7.93; 24 Heures, 23.7.93 (interview de l'ambassadeur turc à Berne).
[91] Presse des 29.7, 30.7, 19.8, 20.8, 25.8 et 1.9.93; NZZ, BZ et TA, 26.8.93.
[92] Presse des 24.8, 26.8, 30.8, 10.9 et du 13.9 au 16.9.93; Hebdo, 26.8.93; DAZ, 21.9.93.