Année politique Suisse 1993 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / Chemins de fer
Le Groupe de réflexion sur l'avenir des CFF institué par A. Ogi et présidé par F. Mühlemann, secrétaire général du DFTCE, a rendu son rapport final. Selon lui, une réforme de la régie serait devenue indispensable, les coûts qu'elle occasionne à la Confédération et le niveau de son endettement (13 milliards de francs; 30 milliards en l'an 2000) n'étant plus guère supportables. Les experts ont estimé que les CFF devraient se recentrer sur les activités pour lesquelles ils sont le mieux adaptés. Cela signifierait notamment l'abandon d'une vingtaine de lignes régionales non rentables et le transfert partiel des charges du trafic régional en direction des cantons, le réexamen des secteurs du trafic de marchandises qui ne couvrent pas leurs coûts et l'élagage du programme Rail 2000. En outre, certaines activités pourraient être privatisées. L'entreprise même pourrait changer de statut et devenir un holding jouissant d'une liberté d'action accrue. Les propositions du groupe de réflexion devraient occasionner quelques substantielles économies (au moins 500 millions de francs par année), mais toucher d'une manière ou d'une autre entre 3000 et 7500 emplois.
Les
réactions des partis ou organisations furent dans l'ensemble favorables aux conclusions du rapport. En particulier, la direction des CFF a déclaré en soutenir l'essentiel. Notons cependant l'inquiétude des régions concernées par la fermeture de lignes, notamment l'arc jurassien. En outre, la Fédération suisse des cheminots s'est inquiétée des conclusions du rapport et a vivement critiqué ses auteurs. Selon elle, si on appliquait les propositions faites, la régie serait démantelée et 3000 emplois disparaîtraient
[58]. Elle a relevé le manque d'idée du groupe de réflexion, notamment en matière de trafic régional, et s'est opposée a toute tentative de privatisation
[59].
Dans sa prise de position sur le rapport, le
Conseil fédéral a voulu calmer ces inquiétudes en déclarant qu'il n'entendait pas démanteler les CFF ni l'offre de transport régional, mais les rendre plus efficaces. C'est sur la base du travail des experts qu'il entend proposer aux Chambres une nouvelle conception directrice pour les CFF qui trouve un consensus dans les milieux politiques. Pour ce faire, le gouvernement désire prolonger de deux ans le mandat de prestations en vigueur
[60].
La
commission des transports du Conseil national a également pris position sur les travaux du groupe de réflexion. Selon elle, la régie ne doit pas être mue par le seul objectif de la rentabilité. Si son désendettement est une priorité, il ne s'agit pas de rechercher la couverture des coûts à tout prix pour tous les types de prestation. Les CFF doivent rester un service public oeuvrant en faveur de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la politique régionale. Si la commission est favorable à la formule d'une régie allégée, elle est en revanche opposée à sa transformation en société anonyme ou en holding de droit privé
[61].
Dans le but de freiner, voire stopper, les dépenses de la régie et de la Confédération dans ce secteur,
les CFF ont présenté leur projet d'économie sur les lignes régionales. Au total, 43 lignes verront leurs prestations diminuer. Pour
quatre lignes, des services de bus remplaceront les trains (Monthey-Saint-Gingolf, Fluelen-Göschenen, Airolo-Bellinzone et Laufenbourg-Koblenz)
[62]. Pour les autres, le trafic sera réduit; en moyenne, un train sur cinq sera supprimé (ceux fréquentés en moyenne par moins de 25 à 30 voyageurs), ce qui signifie la fin de l'horaire cadencé sur ces lignes
[63]. Ce sont cependant les trains circulant aux heures creuses qui devraient être touchés. Ces mesures devraient représenter une diminution de 3% de l'offre en matière de transport régional de voyageurs. Les CFF espèrent de la sorte que l'indemnité versée par la Confédération dans ce secteur soit stabilisée en 1994 (725 millions de francs).
Ces décisions se sont attirées de
nombreuses critiques, notamment de la part d'associations de consommateurs, de la Fédération suisse des cheminots, de LATE et du Service d'information des transports publics (LITRA). Selon ces organisations, ces mesures représentent le premier pas vers la liquidation des transports régionaux et sont contre-productives tant en matière d'environnement qu'en termes purement économiques (baisse de la demande en raison de la dégradation de l'offre)
[64].
Pour
diminuer leurs effectifs, les CFF ont annoncé qu'ils avaient l'intention de supprimer environ 1000 emplois par année. Cela devrait s'effectuer sans licenciement, par le biais des départs naturels. Ces derniers étant au nombre de 2000 par année, seul un poste pour deux départs sera repourvu
[65]. Parmi les mesures de réduction du personnel, les CFF ont annoncé que, dès 1996, les trains régionaux de toute la Suisse circuleront sans contrôleurs. 770 postes devraient ainsi disparaître. Dès mai 1994, ce sont 18 tronçons qui devraient être exploités sans personnel d'accompagnement. Les CFF ont également envisagé de supprimer les employés de 58 petites stations d'ici 1999
[66].
En fin d'année, un
conflit s'est déclaré entre la Fédération suisse des cheminots et la direction des CFF, à l'occasion de l'annonce par l'arrondissement de Zurich du licenciement de 150 assistants de train. Le syndicat a déclaré vouloir se mobiliser fortement pour faire respecter l'accord passé avec la régie en matière de réductions d'emplois. La direction avait en effet assuré que ceux-ci devaient s'opérer sans licenciement. Les conditions de suppression de 1100 emplois de contrôleurs sur les lignes régionales (40% de l'effectif dans ce secteur) prévus par les CFF ont ainsi donné lieu à des négociations serrées entre le syndicat et la régie. Cette dernière a finalement revu le nombre des dépôts de train supprimés à la baisse et a accepté que toutes les suppressions d'emplois soient effectuées par le biais des départs naturels
[67].
[58] Devant le syndicat, B. Weibel, p.d.g. de la régie, a prétendu que la sécurité des postes de travail serait garantie: 24 Heures, 15.3.93; presse du 5.6.93.
[59] Presse des 26.1, 3.2, 10.2, 24.4 et 4.6.93; VO, 5, 4.2.93; Express, 4.2 et 20.2.93; Dém., 13.2.93; JdG, 19.4.93. Par ailleurs, au parlement, les projets de suppression de lignes ont également soulevé quelques craintes: voir en particulier les interpellations Aubry (prd, BE) et Seiler (udc, BE): BO CN, 1993, p. 2000 et 2003 s.
[62] Dés le mois de mai, le DFTCE a autorisé les CFF à transférer le trafic entre Travers (NE)-Les Verrières-Pontarlier (F) du rail au bus. Le canton de Neuchâtel a recouru contre cette décision, d'abord à l'OFT, puis au TF. Pour protester contre la fermeture de cette ligne, diverses manifestations eurent lieu, ainsi que des actions telles que l'arrêt forcé de trains. En outre, une pétition, munie de 10 000 signatures et émanant de milieux écologistes et de gauche, a été déposée à la Chancellerie fédérale: NQ, 19.2 et 5.3.93; Express, 15.5.93; VO, 20, 20.5.93; presse des 24.5 et 10.9.93.
[63] Voir interpellation Baumann (pe, BE) concernant le tronçon Lyss-Soleure: BO CN, 1993, p. 2556 s.
[64] Presse des 17.6 et 26.11.93. L'ATE a proposé de sauver le trafic régional en investissant massivement afin de rénover des infrastructures souvent vétustes. Les fonds nécessaires proviendraient de la suppression des déductions fiscales pour les déplacements et de la taxe sur les carburants: presse du 30.7.93.
[66] Presse des 3.5 et 28.10.93; BZ, 14.10.93; LZ, 15.10.93.
[67] Presse des 1.11, 3.11, 20.11 et 1.12.93.
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