Année politique Suisse 1994 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe: EEE et UE
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Négociations bilatérales avec l'UE
Au début du mois de février, le Conseil fédéral a chargé le Comité interdépartemental pour l'intégration européenne d'assumer la coordination des négociations bilatérales entre la Suisse et l'Union européenne. La présidence de ce comité a été attribuée au secrétaire d'Etat Jakob Kellenberger  [16].
Suite à l'acceptation par le peuple et les cantons de l'initiative des Alpes, les relations entre la Confédération et les pays membres de l'Union européenne se sont détériorées de façon significative. Réunis à Bruxelles au lendemain de la votation, les ministres des affaires étrangères de l'UE se sont en effet prononcés pour une réévaluation de l'ensemble de leurs relations avec la Suisse, remettant en cause l'ouverture même des négociations bilatérales, prévue initialement pour le printemps. Après une pause de réflexion de 3 mois - durant laquelle les préparatifs des mandats de négociation ont été gelés - les ministres des affaires étrangères de l'UE ont confirmé leur intention de négocier, "au moment approprié", des accords sectoriels avec la Suisse. A cet égard, ils ont demandé à la Commission européenne d'achever la préparation des directives de négociation dans les domaines de la libre circulation des personnes, de la recherche, de l'accès au marché pour les produits agricoles, des obstacles techniques aux échanges et de l'accès aux marchés publics. L'adoption d'un mandat de négociation dans le domaine des transports routier et aérien a, pour sa part, été soumis à de plus amples clarifications quant aux modalités d'une application de l'initiative des Alpes non-discriminatoire et conforme à l'économie de marché par les autorités suisses. Pour répondre aux sollicitations des Douze, le Conseil fédéral a proposé un paquet de mesures (taxe poids lourds proportionnelle aux kilomètres parcourus, taxe pour le franchissement des passages alpins concernés, mesures visant à promouvoir le trafic combiné) s'appliquant tant aux transporteurs suisses qu'à leurs collègues européens. Si les ministres des transports de l'UE ont approuvé, au mois de septembre, les principes émis par le Conseil fédéral, ils ont toutefois réclamé davantage de précisions avant d'entamer des négociations bilatérales en matière de transports routier et aérien [17].
Réunis au mois d'octobre à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères des Douze ont donné leur feu vert à l'ouverture de négociations bilatérales en matière de libre circulation des personnes, de recherche, d'accès au marché pour les produits agricoles, d'obstacles techniques aux échanges et d'accès aux marchés publics. L'intégration du volet des transports dans ce premier paquet de négociations demeurait alors soumise aux explications complémentaires requises par l'UE. Conscients des risques d'achoppement dans des domaines tels que la libre circulation des personnes ou la levée de la limite de 28 tonnes pour les poids lourds, les ministres de l'UE ont tenu à rappeler que les négociations sectorielles devront progresser parallèlement, empêchant ainsi la Suisse de rejeter les accords qui ne lui conviennent pas [18].
Après huit mois de remise en question, le Conseil des ministres des transports de l'UE a finalement décidé de réactiver les dossiers routier et aérien en demandant à la Commission européenne de reprendre la préparation des directives de négociations en matière de transports. L'ouverture proprement dite des négociations dans ce secteur prioritaire pour la Confédération n'a cependant été fixée qu'au printemps 1995. Ayant toutefois reçu la certitude que les transports feraient partie intégrante du premier paquet de négociations, le Conseil fédéral a répondu favorablement à la proposition de la Commission européenne d'ouvrir les négociations bilatérales dès le 12 décembre à Bruxelles. Les autorités fédérales ont néanmoins souhaité reporter les discussions sur la libre circulation des personnes et sur l'accès au marché des produits agricoles de quelques semaines afin d'affiner leurs mandats de négociation dans ces deux domaines particulièrement sensibles pour la Suisse. Face à l'insistance de l'Union européenne, ces deux secteurs ont cependant été abordés dès l'ouverture des négociations qui ont débuté à la date prévue. A cette occasion, le coordinateur suisse des négociations, Jakob Kellenberger, a indiqué que la Suisse souhaitait également aborder d'autres dossiers importants avec l'UE tels que celui du perfectionnement passif des textiles, de l'audiovisuel (programme MEDIA), des statistiques ou encore de l'éducation et de la formation (ERASMUS, COMETT).
Bien que le Conseil fédéral ait tenu, pour des raisons tactiques, à rester le plus discret possible sur le contenu de ses mandats de négociations, les enjeux des sept secteurs prioritaires concernés peuvent être résumés comme suit: En matière de recherche, il s'agit principalement pour la Suisse de participer au 4e programme-cadre de l'UE pour les années 1995 à 1998. Dans le domaine des marchés publics, la négociation doit assurer que les entités publiques qui achètent du matériel, effectuent des travaux ou commandent des services traitent d'une manière égale tous les fournisseurs potentiels, qu'ils soient suisses ou étrangers. Concernant les obstacles techniques au commerce, l'enjeu consiste à faciliter les échanges par la conclusion d'un accord sur la reconnaissance mutuelle des certificats de conformité. Dans le secteur de la libre circulation des personnes, l'UE désire que la Suisse ouvre son marché de l'emploi aux ressortissants de l'EEE. La reconnaissance mutuelle des diplômes, le droit de résidence des étudiants et retraités ainsi que la coordination de la sécurité sociale constituent les autres volets de ce domaine clé de la négociation. En ce qui concerne l'agriculture, il s'agit d'améliorer, de part et d'autre, l'accès au marché d'une soixantaine de produits agricoles. En matière de transports routiers, l'UE est prête à ouvrir son marché aux transporteurs suisses, à condition que la Confédération abandonne l'interdiction des 40 tonnes, sur les routes de plaine tout au moins. Quant aux transports aériens, l'enjeu pour la Suisse est de permettre à Swissair de participer au marché unique du ciel européen. Des résultats concrets ne sont cependant pas attendus avant mi-1995 [19].
Le président de l'UDC zurichoise et de l'ASIN, Chrisoph Blocher, a déclaré qu'il se réservait expressément le droit de lancer un référendum contre les résultats des négociations bilatérales, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et la levée de la limitation de 40 tonnes pour les poids lourds [20].
En vue de l'ouverture des pourparlers avec l'Union européenne sur la libre circulation des personnes, le Conseil national a transmis un postulat Stamm (prd, AG) demandant au Conseil fédéral de négocier une clause d'urgence qui permettrait à la Suisse de suspendre unilatéralement cette libre circulation en cas d'afflux de ressortissants des pays de l'UE supérieur à 10 ou 15% au maximum [21].
 
[16] Presse du 3.2.94.16
[17] Presse des 22.2, 17.5, 18.5 (déblocage des négociations bilatérales), 13.9 (mesures d'application de l'initiative des Alpes) et 27.9.94; BZ et Express, 24.2.94. Voir également APS 1993, p. 64 s. Pour l'initiative des Alpes, cf. infra, part. I, 6b (Politique des transports).17
[18] Presse du 1.11.94 (feu vert des Douze pour l'ouverture des négociations bilatérales).18
[19] Presse des 22.11 (déblocage du dossier transport), 25.11, 12.12 et 13.12.94 (ouverture des négociations bilatérales).19
[20] 24 Heures, 2.11.94; Lib., 12.11.94; presse du 22.11.94.20
[21] BO CN, 1994, p. 601.21