Année politique Suisse 1994 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Organisations internationales
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GATT
Pour le développement des répercussions des accords du GATT sur l'agriculture suisse, voir infra, part. I, 4c (Politique agricole).
Mettant un terme au huitième et dernier cycle de négociations commerciales engagées sous l'égide du GATT, les ministres de 111 pays - dont le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz - ont signé le 15 avril à Marrakech (Maroc) l'Acte final qui entérine les résultats du Cycle d'Uruguay et crée l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Dans la Déclaration de Marrakech, les ministres se sont engagés à entreprendre les démarches nécessaires pour ratifier les résultats de la négociation afin qu'ils puissent être mis en vigueur au plan international le 1er janvier 1995 ou dès que possible après cette date. Le Conseil fédéral ayant décidé de soumettre ces accords au référendum facultatif, Jean-Pascal Delamuraz a tenu à rappeler, à cet égard, que leur ratification par la Suisse pourrait passer par une votation populaire. Pour assurer la transition du GATT à l'OMC, les signataires de l'Acte final ont décidé l'instauration d'un Comité préparatoire de l'OMC. Désireux, par ailleurs, de coordonner les politiques en matière de commerce et d'environnement, les ministres se sont prononcés pour la création - dès l'entrée en vigueur de l'Accord instituant l'OMC - d'un Comité du commerce et de l'environnement. Ils ont également saisi l'occasion de la conférence de Marrakech pour proposer les nouveaux thèmes qui devraient figurer à l'ordre du jour de la future OMC. Au nombre de ceux-ci figurent, entre autres, les relations entre le système commercial et les normes de travail internationalement reconnues, les relations entre les politiques de migration et le commerce international, le commerce et la politique en matière de concurrence et le commerce et les investissements [54].
Afin de permettre l'entrée en vigueur la plus rapide possible des accords issus du Cycle d'Uruguay en Suisse, et ce malgré une procédure de ratification plus complexe que celle des autres pays signataires, le Conseil fédéral a établi un calendrier d'approbation très serré devant permettre à l'économie nationale de bénéficier, dès le 1er juillet 1995 au plus tard, du nouveau système commercial multilatéral: procédure de consultation de mai à août, publication des messages en octobre, débats au sein des Chambres fédérales durant la session d'hiver, délai référendaire jusqu'à fin mars 1995 et éventuelle votation populaire en juin de cette même année [55].
Face à la menace d'un référendum de la part des milieux agricoles principalement, le chef du DFEP et le secrétaire d'Etat Franz Blankart ont insisté à de multiples reprises sur la signification des accords de l'Uruguay Round pour la Suisse, dont près de la moitié du produit national brut est réalisée à l'étranger. Ils ont par ailleurs rappelé que les dispositions de ces accords ne pouvaient être l'objet de dérogations et qu'un "GATT à la carte" était ainsi exclu. La menace d'un référendum s'est cependant largement dissipée suite aux prises de position des acteurs concernés durant la procédure de consultation. Celle-ci a révélé qu'à l'exception des démocrates suisses, tous les destinataires qui ont répondu (notamment tous les cantons, les partis gouvernementaux, le Vorort, l'USAM, l'USP et l'USS) se sont prononcés en faveur de la ratification des accords issus du Cycle d'Uruguay. Toutefois, la mise en application des résultats de la négociation a suscité des réserves et critiques, principalement en matière de politique agricole: si l'UDC a lié son acceptation à la prise en compte des besoins de l'agriculture, le PSS et l'AdI ont regretté que le protectionnisme reste de mise dans ce domaine. Les milieux agricoles ont, pour leur part, souhaité une compensation intégrale de toute perte de revenu imputable à la mise en oeuvre du nouveau système commercial multilatéral. Par ailleurs, le PSS et les Verts ont craint que les accords du GATT n'entraînent une harmonisation vers le bas des normes de protection de la santé, de l'environnement, du consommateur et des animaux. On relèvera encore que la majorité des destinataires ont désiré que les accords issus du Cycle d'Uruguay soient soumis au référendum facultatif. Seuls le parti évangélique suisse et quelques associations écologistes, dont le WWF, ont requis le référendum obligatoire, ce qui a été déclaré contraire aux dispositions constitutionnelles par le Conseil fédéral. Observant le principe selon lequel il convenait de ne procéder qu'aux seules modifications législatives nécessaires à la ratification des accords du GATT, le gouvernement a en outre décidé de ne pas prendre en compte certaines demandes relatives à des mesures d'accompagnement en matière d'agriculture et de coopération internationale au développement [56].
Dans le courant du mois d'octobre, le Conseil fédéral a publié deux messages, l'un relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC (Cycle d'Uruguay), et l'autre aux modifications à apporter au droit fédéral dans la perspective de leur ratification par la Suisse. Dans le premier, le gouvernement a souligné une fois encore l'importance capitale que représentent les résultats de la négociation pour la Suisse puisqu'ils couvrent - pour la première fois dans le cadre du GATT - l'ensemble des secteurs du commerce mondial (produits industriels, services, agriculture, propriété intellectuelle, investissements internationaux et accès aux marchés publics) [57]. Le Conseil fédéral a tenu toutefois à rappeler que les nouvelles conditions-cadre du commerce mondial ne se traduiront par un gain de bien-être en Suisse que dans la mesure où les acteurs économiques déploieront les initiatives nécessaires pour les mettre à profit. Tous les secteurs de l'économie helvétique sont, à cet égard, appelés à procéder à des adaptations qui seront particulièrement prononcées dans l'agriculture. Les autorités fédérales ont, en outre, mis l'accent sur les conséquences pour la Suisse d'une renonciation aux accords de l'Uruguay Round et à l'accès à l'Organisation mondiale du commerce: le pays risquerait alors de perdre tous ses acquis au titre des accords du GATT de 1947 à l'égard de la majorité de ses partenaires commerciaux, puisque les membres de l'OMC ont la possibilité de dénoncer les accords antérieurs.
Du point de vue des modifications à apporter au droit fédéral (GATT-Lex) pour que la Suisse puisse ratifier les accords de l'Uruguay Round, le gouvernement a soumis à l'approbation des Chambres des propositions de modifications de 16 actes législatifs ainsi qu'une nouvelle loi sur les achats publics de la Confédération. Dans le domaine de la propriété intellectuelle, les propositions de révision des lois fédérales ont été essentiellement dictées par le souci d'assurer la sécurité et la transparence juridique. Pour le volet agricole, la législation sur l'alcool, le droit douanier et l'approvisionnement économique du pays, les modifications proposées sont principalement liées à la mise en oeuvre du principe de la tarification généralisée, en vertu duquel la protection agricole à la frontière ne pourra être exercée que sous forme de droits de douane. Quant à la législation sur les marchés publics, la nouvelle loi fédérale garantit l'égalité de traitement entre les soumissionnaires sur la base du principe de la réciprocité et établit des procédures d'adjudication transparentes. Elle octroie également un droit de recours aux soumissionnaires dont l'offre aurait été rejetée de manière abusive [58].
Le Conseil des Etats a ratifié à l'unanimité les accords du GATT. Les interventions des différents sénateurs ont principalement porté sur la nécessité de ces accords pour la Suisse d'une part, et sur leurs répercussions sur l'agriculture, la viticulture ainsi que sur les régions périphériques et les pays en développement, d'autre part. A l'issue d'un débat fleuve au sein du Conseil national, seul Jean Ziegler (ps, GE), pour qui les accords issus du Cycle d'Uruguay négligent les intérêts des pays en développement, a voté contre ceux-ci lors du vote sur l'ensemble. Il a en cela été suivi par les députés Spielmann (pdt, GE) et Zisyadis (pdt, VD) à l'occasion du vote final. Les autres intervenants ont avant tout mis l'accent sur l'importance économique des résultats de la négociation pour la Suisse, sur leurs conséquences pour l'agriculture ainsi que sur leurs effets écologiques et sociaux. Les députés de la Chambre du peuple ont, à cet égard, transmis un postulat Zbinden (ps, AG) invitant le Conseil fédéral à s'engager au sein de l'OMC en faveur de la signature d'accords multilatéraux dans le domaine des normes en matière de travail et d'environnement liées au commerce. Ils ont en revanche refusé une proposition Goll (ps, ZH) visant à soumettre les accords de l'Uruguay Round au référendum obligatoire. Après élimination des divergences sur l'arrêté sur le statut du lait et sur les lois relatives aux marchés publics, à l'agriculture et au tarif des douanes, le parlement a en outre adopté les dix-sept modifications législatives nécessaires à l'entrée de la Suisse dans le système commercial multilatéral.
Bien qu'un large consensus ait caractérisé l'ensemble des débats relatifs aux accords du GATT, un comité référendaire "le GATT devant les urnes" a été constitué au mois d'octobre. Ce comité - emmené par l'écologiste Luzius Theiler, le journaliste Christoph Pfluger et le président du Comité agricole bernois Werner Salzmann - a regroupé divers milieux, de l'agriculture à l'écologie. Il n'a cependant reçu le soutien d'aucune force politique importante [60].
Comme prévu, l'Accord sur l'OMC est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Une disposition transitoire permettra à la Suisse de participer aux réunions de la nouvelle organisation. Elle ne pourra toutefois exercer son droit de vote qu'après avoir ratifié les accords de l'Uruguay Round. Faute de consensus sur la nomination d'un nouveau directeur général, Peter Sutherland devrait par ailleurs demeurer à la tête de l'organisation jusqu'en mars 1995.
 
[54] FF, 1994, IV, p. 1 ss.; presse des 13.4, 15.4 et 16.4.94. Voir aussi APS 1993 p. 70 ss.54
[55] Presse des 27.5 (ouverture de la procédure de consultation), 11.8 et 24.9.94; TA, 12.8.94; BaZ, 13.8.94.55
[56] Presse des 27.5, 29.6, 26.8 (prises de positions) et 24.9.94. Voir aussi FF, 1994, IV, p. 93 ss. Il est à relever que l'ASIN ne s'est déclarée en faveur des accords du GATT qu'au mois de décembre: NZZ, 20.12.94.56
[57] Pour un aperçu du contenu des accords du GATT, voir APS 1993, p. 70 ss.57
[58] FF, 1994, IV, p. 995 ss. Voir également infra, part. I, 4a (Strukturpolitik, Wettbewerbspolitik) et 4b (Banken).58
[60] NZZ, 28.10.94; JdG, 12.11.94; presse du 3.12.94; Bund, 23.12.94; TA, 27.12.94. Le référendum n'a pas abouti.60