Année politique Suisse 1994 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Défense nationale et société
Avant même que le projet Armée 95 ne soit réalisé, un débat s'est engagé sur les futures réformes que devra subir la défense nationale suisse. Un groupe de travail présidé par le conseiller aux Etats O. Schoch (prd, AR) et réunissant députés, professeurs et représentants de l'économie privée a ainsi publié un rapport critiquant les modifications actuelles et proposant une professionnalisation de l'armée. Selon ces experts, les nouvelles missions confiées à l'armée (tâches de police, protection de l'environnement, travaux d'intérêt général, etc.) sont déplacées, les militaires ne devant qu'assurer la défense armée. Surtout, le rapport considère le nouveau concept de défense comme dépassé; il ne devrait ainsi être considéré que comme une étape transitoire et devrait céder ensuite la place à une armée composée d'un noyau important de militaires professionnels. A l'appui de cette thèse figure l'idée selon laquelle les armes modernes sont d'une telle complexité que leur maîtrise requiert un entraînement quasi quotidien. Le DMF a fortement critiqué l'analyse du groupe de travail et contesté ses conclusions, assurant notamment que la multifonctionnalité de l'armée était nécessaire et qu'un corps de professionnels serait beaucoup trop onéreux [1]. Pour sa part, K. Villiger a cependant déclaré que, dès l'an 2005, de nouvelles réformes seraient nécessaires, en particulier en raison des données démographiques; ainsi, sans perdre son caractère de milice, l'armée pourrait encore voir ses effectifs réduits d'environ 100 000 hommes [2].
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Activité internationale
Le gouvernement a accueilli avec intérêt le projet de l'OTAN de "partenariat pour la paix". Celui-ci, initié par les Etats-Unis, vise à créer une sorte d'espace militaire européen axé en premier lieu sur le maintien de la paix et dans lequel les nations non-membres de l'Alliance atlantique (pays de l'Est et pays neutres) pourraient s'intégrer selon leur convenance. Ce système de rapprochement à la carte a particulièrement séduit les chefs du DMF et du DFAE qui ont considéré ce projet comme compatible avec leurs objectifs de politique étrangère, soit renforcer l'engagement international de la Suisse en matière de politique de sécurité, notamment dans les domaines du maintien de la paix, de l'action humanitaire et de l'aide en cas de catastrophe, tout en maintenant sa neutralité. Alors que les pays de l'Est et la Scandinavie ont répondu rapidement et favorablement à l'invitation, les autorités helvétiques, malgré leur opinion positive, ont tardé à prendre position, préférant attendre le résultat du vote sur les casques bleus. Ce dernier projet permettait en effet à la Suisse d'entamer une participation au niveau international à des opérations de maintien de la paix, ce qui aurait grandement facilité un rapprochement avec l'OTAN. Le refus en votation populaire de la création d'un tel corps a conduit le gouvernement à renvoyer à plus tard toute démarche visant à prendre part au "partenariat pour la paix" [3].
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Politique de sécurité
Le Conseil fédéral a décidé de créer une commission de sécurité regroupant les chefs du DFAE, du DFJP et du DMF qui serait assistée d'un groupe de coordination interdépartemental. L'objectif de ces instances est de gérer de manière souple et continue la prévention des menaces politico-militaires. L'accent devrait être mis sur l'amélioration des mécanismes d'avertissement préalable et d'analyse de la situation par le biais d'une optimalisation des structures de conduite et de communication interdépartementales [4].
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Politique de paix
Le Conseil fédéral a présenté son message sur l'initiative "pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix" lancée par le PSS en 1991 et déposée en 1992. Ce texte demande que le budget de la défense nationale soit réduit de 10% par année jusqu'à ce que la moitié du montant initial soit atteint. L'argent ainsi débloqué devrait être affecté à la promotion de la paix au niveau international et au renforcement de la sécurité sociale. A ce dernier sujet, la question s'est posée de savoir si le principe d'unité de matière était respecté, défense nationale et assurances sociales n'ayant pas de lien intrinsèque. Après plusieurs expertises juridiques contradictoires, contre l'avis du DMF et sur pression du DFJP, le gouvernement, considérant la pratique extensive des autorités fédérales en ce domaine, a décidé de déclarer valide l'initiative. Il a cependant proposé aux Chambres de la rejeter. Il a en effet fait remarquer, d'une part, que le budget de la défense nationale ne croît pas depuis fort longtemps et, d'autre part, qu'une telle réduction des dépenses empêcherait la réalisation des réformes entamées dans le domaine militaire, au premier titre desquelles figure Armée 95. En particulier, la modernisation de l'armement serait entravée, empêchant que les buts de la défense nationale soient remplis [5].
Dans le même domaine, 51 mouvements d'entraide suisses religieux ou laïcs ont demandé, dans le cadre de la conférence du Caire sur la démographie, une diminution des crédits militaires et une interdiction des exportations d'armes afin de renforcer la politique de développement pour lutter contre les problèmes du type misère, guerres ou pollution [6].
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Suppression de l'armée
Co-fondateur du GSsA, le conseiller national A. Gross (ps, ZH) a proposé de modifier la stratégie des opposants à l'armée en adoptant une attitude plus réformiste que strictement abolitionniste. Il a ainsi envisagé le lancement d'une initiative populaire ayant pour but de laisser les citoyens libres de s'engager dans l'armée et la protection civile ou de participer à d'autres tâches telles que l'aide en cas de catastrophe, l'aide au Tiers-Monde, la protection de la nature, les services sociaux, etc. [7].
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Meeting aérien
Le tenue d'un meeting aérien à Emmen (LU) - "Air 94", organisé à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire des troupes aériennes suisses - a donné lieu à quelques conflits. Pour des raisons de sécurité et de protection de l'environnement, le gouvernement lucernois, répondant ainsi aux voeux de la commune concernée, a demandé au DMF que la démonstration soit réduite et que, notamment, l'on renonce à inviter des patrouilles étrangères. Ne désirant pas amputer le programme du meeting, les autorités militaires ont finalement choisi le site de Buochs (NW), lieu pressenti tout d'abord mais abandonné en raison de sa faible capacité [8].
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Activités militaires dans la ville de Berne
Un simple postulat adopté par le législatif de la ville de Berne a créé une vive émotion jusque dans les rangs du Conseil fédéral. En effet, ce texte, émanant d'une conseillère communale verte, avait demandé que, afin d'adopter une politique de paix active, la ville de Berne soit "démilitarisée"; ceci supposait une interdiction des exercices, défilés et autres passages de camions militaires ainsi que la transformation de la caserne de Breitenrain en une installation civile. L'exécutif de la ville s'étant déclaré prêt à examiner le postulat, les protestations furent nombreuses. En particulier, le gouvernement fédéral a estimé qu'un tel texte était inacceptable et le chef du DMF a écrit au syndic de la ville de Berne afin de mettre en évidence les problèmes que cela créerait tant pour les unités bernoises que pour l'activité de son département. En fin de compte, les autorités de la capitale ont précisé qu'il s'agissait simplement d'étudier le texte déposé et qu'elles n'étaient absolument pas hostiles à l'armée [9].
 
[1] Presse des 14.1 et 15.1.94. Certains ont même considéré qu'une armée constituée de 50 000 professionnels coûterait 50% plus cher: NQ et BZ, 22.2.94; voir aussi Bund, 9.5.94.1
[2] Presse du 3.12.94.2
[3] 24 Heures et TA, 10.1.94; presse des 12.1, 23.3, 10.5, 22.6 et 19.9.94; NZZ et LZ, 17.1.94; Bund, 22.4 et 15.6.94; NQ, 28.4 et 30.9.94; NZZ, 26.5.94; BaZ, 29.10.94; TA, 26.11.94. Sur les casques bleus, cf. supra, part I, 2 (Organisations internationales).3
[4] Presse du 28.4.94.4
[5] FF, 1994, III, p. 1181 ss.; BaZ, 21.2.94; NZZ, 22.6.94; presse du 24.6.94. Voir aussi APS 1991, p. 99, 1992, p. 92 et 1993, p. 86. Cf. également supra, part. I, 1c (Volksrechte).5
[6] Presse du 8.9.94.6
[7] Presse du 12.3.94.7
[8] Presse des 12.3, 23.3 et 27.8.94; LNN, 15.3, 16.3, 5.8, 24.8 et 29.8.94; LZ, 5.8 et 23.8.94.8
[9] Voir notamment BZ, 3.2.94.9