Année politique Suisse 1994 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Production animale
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Lait
Le compte laitier 1993/1994, avec un total des dépenses de 1162,6 millions de francs, est en recul de 160 millions par rapport à l'exercice 1992/1993. Ce résultat satisfaisant pour les finances fédérales a pour cause essentielle la baisse du prix du lait intervenue en automne 1993. Les principales économies ont été réalisées dans les secteurs de la mise en valeur du fromage (94 millions de francs) et du beurre (42 millions) [32].
Dans la procédure d'élimination des divergences concernant l'arrêté sur l'économie laitière, le Conseil national a maintenu sa position sur le commerce des contingents laitiers. Il a ainsi réaffirmé que les producteurs de lait devaient pouvoir convenir directement entre eux des transferts de contingents, contrairement au Conseil des Etats qui s'était prononcé en 1993 pour une solution centralisée. La Chambre a en revanche suivit sa consoeur en biffant la disposition prévoyant que, après une période transitoire de cinq ans, l'acheteur soit un paysan pratiquant l'agriculture intégrée ou biologique. Pour ce qui est de l'arrêté sur le statut du lait, la grande chambre a également maintenu une divergence avec le Conseil des Etats en prévoyant la possibilité pour les fédérations laitières de se procurer du lait auprès d'une autre fédération en cas de pénurie. Concernant les deux objets, le Conseil des Etats s'est par la suite rallié aux décisions de la grande chambre [33].
Le VKMB ainsi que des organisations de consommateurs et de producteurs favorables à une agriculture proche de la nature ont lancé un référendum contre la modification de l'arrêté sur l'économie laitière. Celui-ci a abouti à la fin du mois de juin. Ses promoteurs entendent s'attaquer au régime prévu du commerce des contingents, notamment en raison de l'abandon de la clause prévoyant que seuls les agriculteurs respectueux de l'environnement et des animaux puissent se porter acquéreurs de ces derniers. Selon eux, la libéralisation prévue favoriserait les grandes exploitations, ce qui conduirait à une concentration de la production, à la disparition des petites entreprises, à un renchérissement des prix et à un non-respect de l'environnement et des animaux [34].
L'administration fédérale a déjà prévu l'étape suivante de la réforme de l'économie laitière. Selon un document stratégique de l'OFAG, la garantie des prix devrait disparaître à l'avenir, notamment afin de répondre aux exigences du GATT. Constatant que le lait est, dans l'agriculture helvétique, la production occupant le plus de personnel et dont le potentiel de revenu est le plus élevé, le volume produit ne devrait pas diminuer. Cependant, les prix devraient encore baisser afin de rendre possible des exportations sans subventions. Dès 1997, le prix du lait devrait ainsi être réduit de 15 centimes. Comme pour la précédente baisse, le manque à gagner pour les paysans devrait être compensé, au moins en partie, par le biais de paiements directs [35].
Se situant dans la même perspective, le Conseil national a rejeté un postulat Schwab (udc, BE). Ce texte entendait retarder les conséquences des accords du GATT sur l'économie laitière. En particulier, il souhaitait repousser de plusieurs années le réexamen des mécanismes de soutien au niveau de la production tels que la livraison et la prise en charge obligatoires ou les prix garantis [36].
Après le marché du lait en 1993, c'est au marché du fromage que la commission des cartels s'est attaquée. Celle-ci a dénoncé l'importance de la réglementation régnant dans la production et la distribution qui conduit à de fort onéreuses contradictions. Ainsi, la prise en charge obligatoire à des prix fixes et plus élevés que ceux de la vente conduit chaque année la Confédération à verser près de 500 millions de francs pour couvrir ces déficits. La commission a notamment attaqué l'Union suisse de commerce de fromage (USF), responsable de la commercialisation de l'Emmental, du Gruyère et du Sbrinz, dont la structure et le mode de fonctionnement rendraient impossible toute politique orientée selon les besoins du marché. Considérant la nécessité de répondre aux exigences du GATT et d'assainir les finances fédérales, la commission a proposé de supprimer l'USF, la commercialisation devant être prise en charge par les producteurs eux-mêmes. Les prix et marges fixés par l'Etat ainsi que l'obligation de livraison et de prise en charge devraient être éliminés. Pour ne pas imposer un changement trop brutal, la commission a recommandé toutefois que soit instaurée une période transitoire dans la libéralisation du marché du fromage, et que la Confédération poursuive, dans une certaine mesure, le soutien à cette activité par des instruments conformes au GATT [37].
L'USF a admis que le marché du fromage devait être libéralisé. Elle a cependant plaidé pour qu'un tel changement se fasse en douceur afin d'éviter la disparition de tout un pan de la paysannerie. En outre, elle a refusé l'idée de sa propre disparition et a au contraire affirmé qu'elle pourrait être utile dans ce processus d'adaptation aux règles du marché [38].
L'UE s'est déclarée prête à accepter l'importation de fromages helvétiques - qui n'est pas garantie en raison du rejet de l'EEE - si les conditions de production répondaient aux normes européennes. Les fabricants suisses ont donc dû entamer un processus d'adaptation aux directives de Bruxelles, notamment en matière d'hygiène. Cela exigera des dépenses supplémentaires, en particulier dans les régions de montagne. Par ailleurs, l'OFAG a examiné la possibilité de supprimer les droits de douane sur les fromages en provenance de l'UE, en échange de quoi les fromages suisses pourraient y circuler librement. Cette proposition a rencontré l'opposition de l'USF [39].
 
[32] NZZ, 9.2.95; LID-Pressedienst, 1895, 10.2.95. Voir aussi APS 1993, p. 121.32
[33] BO CN, 1994, p. 3 ss. et 668 s.; BO CE, 1994, p. 216 et 376; FF, 1994, II, p. 328 ss.; presse du 1.3.94; NZZ, 15.3.94. Voir aussi APS 1992, p. 129 s. et 1993, p. 121 s.33
[34] FF, 1994, II, p. 333 ss. et III, p. 1080 s.; presse des 10.5 et 11.5.94; NZZ, 22.6.94.34
[35] Presse du 18.3.94; TW, 19.3.94. L'Union centrale des producteurs de lait (UCPL), si elle a déclaré être prête à faire face au vent de libéralisation qui souffle sur l'agriculture, s'est néanmoins inquiétée de réformes trop rapides effectuées sans prendre en compte les intérêts paysans: NZZ, 16.4.94.35
[36] BO CN, 1994, p. 1309 s.36
[37] Presse du 19.10.94.37
[38] Presse des 1.11 et 2.11.94.38
[39] TA et Bund, 2.2.94; NZZ, 3.2.94; NQ, 7.9.94; Lib., 8.9.94.39