Année politique Suisse 1994 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Energie nucléaire
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Déchets nucléaires
Le Conseil fédéral a publié son message relatif à une révision partielle de la loi sur l'énergie atomique et de l'arrêté fédéral concernant cette loi dont les dispositions visent deux objectifs distincts. D'une part, il s'agit de simplifier et d'accélérer les procédures d'autorisation pour la construction de dépôts pour déchets radioactifs. Selon le projet du gouvernement, leur construction nécessitera toujours une autorisation générale requérant l'approbation des Chambres fédérales. En revanche, les autres autorisations et concessions - actuellement de la compétence des cantons ou des communes - seront réunies dans une seule autorisation octroyée par le DFTCE, ce qui ne va pas sans restreindre les attributions cantonales en matière d'aménagement du territoire et de souveraineté sur le sous-sol. Le projet stipule toutefois que les voeux des cantons seront pris en compte dans toute la mesure du possible. Par ailleurs, le titulaire d'une autorisation émanant du DFTCE bénéficiera d'un droit d'expropriation. En contre-partie, le statut des personnes concernées sera sensiblement amélioré: celles-ci auront désormais la possibilité de recourir contre toute décision d'expropriation ou autorisation accordée par les autorités devant le Tribunal fédéral. Considérant qu'il ne fallait pas repousser davantage le problème de l'élimination des déchets faiblement et moyennement radioactifs, le Conseil fédéral a justifié les mesures prévues en ce qui concerne leur entreposage en mettant l'accent sur le fait que diverses modifications du droit cantonal nidwaldien menacent d'empêcher la poursuite des travaux en vue de l'établissement d'un dépôt pour déchets radioactifs sur le site du Wellenberg (NW). D'autre part, les prescriptions relatives à la non-prolifération des armes nucléaires sont rendues plus sévères, principalement en ce qui concerne les peines et les délais de prescription. Quant à l'activité d'intermédiaire dans le commerce d'articles et de technologie nucléaires, elle sera soumise au régime de l'autorisation. Par ces nouvelles mesures, le Conseil fédéral entend remédier à des lacunes apparues avec le réarmement d'Etats du Proche et du Moyen-Orient ainsi qu'empêcher le trafic incontrôlé de combustibles nucléaires en provenance de l'ancien bloc soviétique.
Lors de la session parlementaire d'automne, le Conseil des Etats n'a pas traité du volet relatif à la simplification des procédures d'autorisation pour la construction de dépôts pour déchets radioactifs contenu dans le projet de révision de la loi sur l'énergie atomique. Le rapporteur de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie, Kurt Schüle (prd, SH) a en effet déclaré qu'au vu de la prochaine votation cantonale nidwaldienne sur le dépôt du Wellenberg, une législation spéciale dans ce domaine serait inopportune. La Chambre haute a, en revanche, accepté à l'unanimité l'essentiel des mesures concernant la non-prolifération des armes nucléaires [18].
Il est encore à relever que, conformément à la proposition du gouvernement, les Chambres fédérales ont accordé la garantie à la constitution révisée du Canton de Nidwald. Cette dernière avait en effet été modifiée en 1990 de telle manière que les autorités cantonales puissent avoir le dernier mot sur la question de la concession nécessaire au stockage de déchets radioactifs sur le site du Wellenberg [19].
Dans le courant du mois de mai, un accord de principe portant notamment sur les indemnisations en cas d'établissement d'un dépôt pour déchets faiblement et moyennement radioactifs sur le site du Wellenberg a été signé par la CEDRA, la commune de Wolfenschiessen et le canton de Nidwald. Selon les termes de cet accord, la commune nidwaldienne se verra attribuer 3,5 millions de francs par année durant quarante ans. Par ailleurs, la société électrique du canton sera approvisionnée gratuitement en courant électrique pour un montant annuel d'environ 3,5 millions de francs. Appelée à voter en juin sur cet objet, la population de Wolfenschiessen s'est prononcée en faveur de l'accord. Le vote cantonal sur l'octroi des concessions concernant l'autorisation générale est, quant à lui, attendu en 1995 [20].
Peu après le vote de la commune de Wolfenschiessen, la Société coopérative pour la gestion des déchets nucléaires au Wellenberg (GNW) a présenté au Conseil fédéral une demande d'autorisation générale pour l'aménagement des constructions et installations nécessaires à un dépôt final pour déchets de faible et moyenne activité d'une capacité de 150 000 m3. Estimant que les aspects financiers et politiques l'avaient emporté sur la sécurité et les arguments scientifiques, les organisations écologistes et antinucléaires ont aussitôt réaffirmé leur opposition au projet. Mise à l'enquête publique, la demande d'autorisation a fait l'objet de près de 1000 oppositions émanant principalement du Comité "Stop Wellenberg". Par ailleurs, la Coalition Anti-Nucléaire (CAN), qui regroupe 25 associations écologistes et antinucléaires, et le WWF ont déposé deux recours auprès de l'Office fédéral de l'énergie. La commune d'Engelberg (OW), qui jouxte celle de Wolfenschiessen, a quant à elle souhaité recevoir des mesures financières compensatoires pour les pertes que l'établissement du dépôt engendrera sur son économie touristique. Cette requête a reçu l'appui du gouvernement du canton d'Obwald [21].
Le parlement a approuvé la décision du Conseil fédéral sur l'octroi de l'autorisation générale pour le dépôt intermédiaire central pour déchets radioactifs de Würenlingen (AG). Les Chambres ont parallèlement accordé un crédit d'engagement de 30 millions de francs en vue de la participation financière de la Confédération à ce dernier. Si le Conseil des Etats s'est prononcé à l'unanimité en faveur du projet qui lui était soumis, celui-ci a en revanche soulevé plusieurs oppositions au sein du Conseil national: outre les propositions de non-entrée en matière et de renvoi du député Hansjürg Weder (adi, BS), l'octroi de l'autorisation générale a fait l'objet d'une autre proposition de renvoi Thür (pe, AG). Toutes trois ont cependant été refusées par la Chambre du peuple. Les arguments des détracteurs du projet se sont concentrés sur les aspects ayant trait à la sécurité de l'installation (notamment en cas de catastrophe aérienne), sur le problème de la responsabilité morale et juridique en cas d'accident, ainsi que sur le problème du retraitement des combustibles usés sur le site, dont l'abandon, aux dires des opposants, aurait permis de revoir à la baisse la surface du dépôt. De leur côté, les radicaux, les libéraux, les démocrates-chrétiens, les démocrates du centre et les membres du parti de la liberté (ex-PA) se sont prononcés en faveur du projet d'arrêté fédéral, à l'instar des socialistes qui ont néanmoins réaffirmé leur opposition à l'énergie nucléaire [22].
Par ailleurs, le Conseil national a transmis un postulat de sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie invitant le gouvernement à édicter des dispositions instituant des garanties financières propres à couvrir les coûts liés au stockage en dépôt final des déchets radioactifs. Il s'agit de faire en sorte que les exploitants des centrales nucléaires soient tenus d'assurer le financement des opérations liées au stockage en dépôt final [23].
En prévision de l'établissement d'un dépôt final pour déchets moyennement et hautement radioactifs de longue durée, la CEDRA a effectué une synthèse des enseignements qu'elle a recueillis, entre 1981 et 1993, au cours de ses recherches dans le socle cristallin du nord de la Suisse. Tenue de préparer un justificatif de site, la Coopérative pour l'entreposage des déchets radioactifs a présenté, en novembre, deux nouvelles demandes auprès du Conseil fédéral pour procéder à des mesures préparatoires (sondages) dans les communes de Benken (ZH), Leuggern (AG) ou éventuellement Böttstein (AG). Si les autorités cantonales se sont déclarées prêtes à coopérer avec la CEDRA, de nombreuses critiques et oppositions ont été émises par plusieurs associations écologistes et par la population des communes concernées. Selon les estimations, et à défaut d'une solution internationale, un tel dépôt ne devrait pas être réalisé avant 2020 [24].
Les deux initiatives populaires visant à interdire le transport de substances radioactives sur le territoire des demi-cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne ont été déclarées irrecevables par les deux parlements bâlois. Ceux-ci ont ainsi suivi la recommandation de leurs gouvernements respectifs qui avaient jugé ces deux initiatives contraires au droit fédéral [25].
 
[18] BO CE, 1994, p. 956 ss.; presse du 30.9.94.18
[19] BO CE, 1994, p. 86 ss.; BO CN, 1994, p. 969 ss.; FF, 1994, III, p. 336; voir aussi APS 1992, p. 152.19
[20] Presse des 11.5 et 13.6.94; NQ, 18.5.94. C'est dans la perspective du vote cantonal relatif à ces concessions qu'une initiative visant à la réforme de la Landsgemeinde a été approuvée en octobre par la population nidwaldienne. Désormais, toute élection ou votation marquante passera par le secret de l'isoloir, ce qui devrait permettre la participation d'un plus grand nombre de citoyens lors de décisions politiques particulièrement importantes: Ww, 23.6.94; NZZ et LNN, 24.10.94. Cf. également infra, part. II, 1g.20
[21] FF, 1994, III, p. 1171 ss.; presse des 30.6, 11.11 (WWF) et 15.11.94 (CAN); TW, 15.12.94; LNN, 12.11 (Stop Wellenberg), 22.12 et 23.12.94 (commune d'Engelberg). La GNW a également déposé deux demandes de concession dans la commune de Wolfenschiessen, l'une relative à l'utilisation du sous-sol, l'autre à l'exploitation d'un dépôt pour déchets radioactifs: LNN, 24.9.94.21
[22] BO CE, 1994, p. 345 ss.; BO CN, 1994, p. 1798 ss.; FF, 1994, III, p. 1873; voir également APS 1993, p. 147.22
[23] BO CN, 1994, p. 1849.23
[24] Rapp. gest. 1994, p. 258; presse des 21.6, 30.6 et 10.11.94; NZZ, 2.7.94; SN, 16.7 et 16.9.94; AT, 4.7.94. Cf. aussi APS 1991, p. 154 s. et 1992, p. 152.24
[25] BaZ, 2.2, 10.3, 31.3, 17.5 et 18.5.94. Voir également APS 1993, p. 147 s.25