Année politique Suisse 1995 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Pays en développement
L'aide publique au développement allouée par la Suisse en 1994 s'est élevée à
0,36% du produit national brut, soit 0,02% de plus qu'en 1993, mais 0,04% en deçà de l'objectif auquel le gouvernement s'était engagé à l'occasion du Sommet de la terre de Rio en 1992. Sur les 1,295 milliard de francs dépensés par la Confédération, 775 millions ont été affectés à la coopération, 250 millions à l'aide humanitaire et 180 millions à des mesures économiques et commerciales. Les contributions des cantons et communes se sont, pour leur part, chiffrées à 22 millions de francs. Quant à l'aide privée suisse en faveur des pays les plus défavorisés, elle a atteint la somme de 229 millions de francs contre 213 millions en 1993
[58].
Dans la perspective de ses rapports récents sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 et sur les relations Nord-Sud, le Conseil fédéral a transmis aux Chambres son message concernant la participation de la Confédération à l'augmentation du capital des
banques régionales de développement (interaméricaine, asiatique et africaine). A cet effet, le gouvernement a sollicité l'ouverture d'un nouveau crédit de programmes d'un montant de 800 millions de francs dont seuls environ 45 millions seront libérés sur une période d'une dizaine d'années, le reste constituant du capital de garantie. Les moyens financiers accordés serviront à souscrire, dans le cadre de la coopération multilatérale, à des engagements durant au moins quatre ans. Estimant qu'une grande partie des projets financés par les banques régionales de développement n'est socialement et écologiquement pas durable, l'organisation tiers-mondiste "La Déclaration de Berne" a souhaité que la contribution suisse, plutôt que forfaitaire, soit accordée sous la forme de tranches périodiques dont l'octroi serait couplé à la conduite de réformes institutionnelles, sociales et écologiques. Un postulat Misteli (pe, SO) a d'ailleurs été déposé dans ce sens avant d'être classé, la députée écologiste ayant quitté le Conseil national à la fin de l'année
[59].
C'est à l'unanimité que le Conseil des Etats a accepté l'ouverture du crédit de 800 millions de francs qui lui était soumis. Puis ce fut au tour du Conseil national de se prononcer en faveur de la participation de la Suisse à l'augmentation du capital des Banques de développement interaméricaine, asiatique et africaine. Tout comme au sein de la Chambre haute, plusieurs intervenants devaient toutefois mettre l'accent sur la
nécessité d'améliorer le fonctionnement de ces institutions bancaires, sans pour autant que la majorité des députés n'accepte une proposition de minorité Bäumlin (ps, BE) visant à ce que les quotes-parts d'augmentation de capital de la Confédération soient allouées par tranches biennales liées à la qualité des projets menés par les banques régionales de développement
[60].
Durant l'année 1995, la Suisse a accordé un quatrième
financement mixte d'un montant de 60 millions de francs (part helvétique: 24 millions) à la Chine pour des investissements dans le domaine de l'environnement. Le troisième crédit mixte octroyé à l'Egypte a pour sa part été augmenté de 20 millions de francs (part helvétique: 10 millions). La Confédération a, en outre, procédé à des
actions de réduction de la
dette bilatérale de l'Egypte, des Philippines, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau et de la Guyane. Dans les deux premiers pays bénéficiaires de cette aide, des fonds de contrepartie ont été mis sur pied. La Suisse a par ailleurs pris part à des actions coordonnées au niveau international visant au rachat de la dette commerciale du Nicaragua et à la réduction de la dette multilatérale de la Guinée-Bissau, du Honduras et de l'Ouganda. Enfin, des
aides à la balance des paiements ont été accordées à l'Erythrée et à Haïti
[61].
Le Conseil des Etats a transmis un postulat Petitpierre (prd, GE) invitant le gouvernement à renforcer son action en vue de réduire, puis de résoudre le
problème de l'endettement des pays en développement les plus pauvres. A cette fin, il est notamment proposé que la Suisse s'engage sur le plan international pour la remise des dettes multilatérales des pays fortement endettés, à condition que ceux-ci réalisent des réformes économiques et sociales en faveur de leur population
[62].
L'Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE) a envisagé la création d'une "
Société financière suisse pour le développement", calquée sur les institutions de même type qui existent déjà dans la plupart des pays de l'OCDE. Cet organe aura pour fonction d'investir dans le secteur productif des pays du Sud et de l'Europe de l'Est et de soutenir ainsi l'essor de l'économie privée. Selon la proposition de l'OFAEE qui devrait être soumise au Conseil fédéral en février 1996, la Confédération détiendrait 49% des actions de cette société, le reste du capital de 100 millions de francs étant ouvert au secteur privé. Si les organisations suisses de développement se sont déclarées prêtes à soutenir ce nouvel instrument de coopération, elles ont néanmoins émis la crainte que celui-ci serve davantage les intérêts de l'industrie helvétique plutôt que ceux des pays pauvres
[63].
Confrontées à des difficultés dans le financement de leurs actions en faveur des pays en développement et de l'environnement, dix organisations caritatives et écologistes suisses, réunies au sein de la Communauté environnement et développement (CED), ont projeté de mettre sur pied une nouvelle
loterie à numéros dont 30% du chiffre d'affaires annuel seraient affectés au soutien de projets dans les pays les plus défavorisés ainsi qu'en Suisse. Ce concept - inspiré d'une expérience en vigueur depuis 1990 aux Pays-Bas - a provoqué la résistance de la Communauté d'intérêts des loteries suisses qui régit les jeux de hasard en Suisse
[64].
Malgré les appels lancés par la diplomatie rwandaise en vue d'une éventuelle reprise de l'aide helvétique au Rwanda, la coopération suisse au développement en faveur de ce pays était toujours suspendue à la fin de l'année. Son avenir dépendra en grande partie des conclusions que tirera la Commission Voyame, instituée en octobre 1994 et dont la tâche est de faire la lumière sur les activités que la Suisse a menées durant une trentaine d'années au Rwanda. La Confédération a néanmoins tenu à soutenir le processus de
reconstruction nationale en débloquant une enveloppe financière de quelque 15 millions de francs au titre de l'aide humanitaire, complétée notamment par la mise à disposition de la MINUAR de trois observateurs de police civile chargés de participer à la formation de nouveaux policiers rwandais. De leur côté, les autorités de Kigali - jugeant le nombre d'organisations non-gouvernementales présentes sur le territoire rwandais trop élevé - ont décidé en fin d'année d'expulser 38 organisations caritatives, dont Terre des hommes (Lausanne) et Médecins sans frontières Suisse. Le Corps suisse en cas de catastrophe a également été prié de quitter le pays
[65].
[58] Presse des 3.6 et 3.11.95.58
[59]
FF, 1995, III, p. 1049 ss.;
Délib. Ass. féd., 1995, V, part. 2, p. 78; presse du 28.7.95 (Déclaration de Berne). Voir aussi
APS 1993, p. 60 s. et
1994, p. 72 s.59
[60]
BO CE, 1995, p. 926 ss.;
BO CN, 1995, p. 2596 ss.;
FF, 1996, I, p. 277. Voir également
APS 1987, p. 72 et
1994, p. 72 s.60
[61]
FF, 1996, I, p. 697 ss. (rapport sur la politique économique extérieure 95/1+2).61
[62]
BO CE, 1995, p. 247 s.62
[63] Presse du 1.12.95.63
[64] Presse du 10.11.95.64
[65] Presse du 16.2.95;
TA, 31.3.95;
JdG, 3.5 et 15.8.95;
24 Heures, 30.6.95;
NQ, 12.12.95. Voir également
APS 1994, p. 74.65
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