Année politique Suisse 1995 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Politique agricole
print
Contributions de solidarité
Les citoyens helvétiques étaient également appelés à se prononcer sur une modification de la loi sur l'agriculture. Cette modification, attaquée en référendum par le VKMB, devait permettre aux organisations agricoles de percevoir auprès de l'ensemble des producteurs de chaque secteur une contribution de solidarité allant jusqu'à 2% de leur chiffre d'affaires. Le produit de cette contribution devait servir à financer des opérations de marketing visant à faciliter l'écoulement de la production agricole. A une large majorité de plus de 66%, le peuple a rejeté cette modification. A l'instar de ce qui s'est passé pour l'article constitutionnel, le rejet le plus massif a été le fait des cantons de Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Glaris. De même, l'accueil le plus favorable est provenu des cantons ayant approuvé l'article sur l'agriculture, même si en l'occurrence, seuls trois cantons - à savoir Vaud, Fribourg et Jura - l'ont acceptée [5].
Modification de la loi sur l'agriculture
Votation du 12 mars 1995

Participation: 37,9%
Oui: 569 950 (33,6%)
Non: 1 126 721 (66,4%)

Mots d'ordre:
- Oui: PRD (2*), PDC (1*), UDC (1*), PL (1*); USP, UPS, Vorort, USAM.
- Non: PS (1*), PE, Lega, DS, PdT, AdI, PEP; VKMB, USS, CSCS, WWF, organisations de défense du consommateur, COOP, Denner, Migros.
- Liberté de vote: PdL (ex-PA)

* Recommandations différentes des partis cantonaux
Lors de la campagne, les partisans de ces contributions - principalement les partis bourgeois, l'USP, et les organisations économiques - ont mis en avant que celles-ci constituaient des instruments indispensables pour permettre à l'agriculture de faire face à la libéralisation du marché agricole. Ils ont également fait valoir que dans la mesure où ce système de contributions obligatoires était en vigueur dans les pays européens, il fallait donner aux paysans indigènes la possibilité de lutter à armes égales. Enfin, le texte soumis à l'approbation populaire prévoyait que l'argent récolté serve à des actions de promotion des produits biologiques, ce qui, selon les défenseurs de la modification, rendait sans objet les critiques souvent d'ordre écologique des détracteurs de cette mesure [6].
Pour les opposants - les partis socialiste et écologiste, le VKMB ainsi que les gros distributeurs - cette modification ne faisait au contraire que renforcer le pouvoir d'une bureaucratie paysanne sclérosée et contribuait, par conséquent, au statu quo. Selon eux, on ne pouvait s'attendre à ce que les "agrofonctionnaires", responsables en grande partie de la situation catastrophique de l'agriculture helvétique, usent à bon escient des sommes récoltées. De plus, s'il s'agissait d'insuffler un esprit entrepreneurial dans le monde paysan, c'était au niveau de chaque producteur que cette révolution culturelle devait avoir lieu. Les associations de paysans biologiques ont souligné pour leur part qu'il était inacceptable que leurs membres soient forcés à financer des campagnes de promotion pour des produits peu conformes au respect de l'environnement [7].
L'analyse Vox a révélé que les partisans avaient été sensibles avant tout à la solidarité que cette modification permettait d'introduire dans le monde paysan, estimant équitable que l'ensemble des agriculteurs finance le travail d'organisations paysannes dont tous bénéficient. Parmi les opposants en revanche, le caractère inutile de la révision ainsi que l'opposition au financement d'organisation agricoles sclérosées auraient constitué les principales motivations. De nombreux électeurs auraient néanmoins déterminé leur vote sur les conseils d'un tiers (partis, organisations, personnalités), ce qui s'expliquerait par la technicité du sujet [8].
Suite à cette votation, le commission du Conseil national a proposé une motion chargeant le gouvernement de supprimer dans la loi sur l'alcool ainsi que dans l'arrêté sur l'économie laitière les articles qui prévoient la possibilité de prélever des contributions de solidarité dans les secteurs fromagers et fruitiers. Le Conseil national a néanmoins rejeté cette motion à une courte majorité [9].
 
[5] FF, 1995, II, p. 1313 ss.; presse des 13.3 et 14.3.95. Voir aussi APS 1994, p. 112.5
[6] Presse des mois de janvier, février et mars 1995.6
[7] Presse des mois de janvier, février et mars 1995.7
[8] P. Sciarini / L. Marquis / B. Wernli, Analyse des votations fédérales du 12 mars 1995, Vox no 56, Adliswil 1995.8
[9] BO CN, 1995, p. 2584 s.9