Année politique Suisse 1995 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Politique des revenus
print
Paiements directs et fixation des prix
Le gouvernement a poursuivi en 1995 la nouvelle politique qui vise à rapprocher les prix administrés des produits agricoles de ceux du marché ainsi qu'à supprimer les paiements liés à la production. Il a en effet décidé de baisser les prix des betteraves, du seigle et du fourrage. Il a également supprimé les contributions à l'élimination du bétail ainsi que les contributions à l'exploitation du sol dans des conditions difficiles. Pour compenser les effets négatifs de ses mesures sur le revenu paysan (perte de 69 millions), le Conseil fédéral a accordé, en plus des 26 millions prévus au budget 1995, 150 millions de francs supplémentaires de paiements directs. Il n'a cependant pas répondu aux exigences de l'USP qui réclamait un montant de 450 millions de francs supplémentaires ainsi que 100 millions pour des mesures socio-structurelles. De plus, contrairement aux desiderata de l'organisation faîtière des paysans, ces 150 millions ont été affectés exclusivement à des paiements directs pour prestations écologiques, lesquels ont par conséquent augmenté de 171 à 321 millions de francs. L'USP a vivement critiqué la décision de plafonner les paiements directs complémentaires à 800 millions de francs, soulignant que cette mesure constituait la preuve que le gouvernement n'avait pas la volonté de garantir un revenu suffisant au monde paysan par le biais de ces nouveaux instruments. Le VKMB a quant à lui dénoncé le caractère électoraliste de cette décision prise à quelques semaines des votations sur l'article constitutionnel, lequel risquait d'être rejeté par la sensibilité écologiste de l'opinion publique.
Faisant part de ses revendications pour l'année 1996, l'USP a demandé 550 millions de francs supplémentaires pour des paiements directs, dont 300 millions pour compenser intégralement la baisse agendée à 1996 de 10 centimes du prix du lait et 250 millions pour la stabilisation du revenu agricole au niveau 93/94. De ces 550 millions, l'USP a exigé que 280 millions soient affectés aux paiements directs complémentaires et 270 millions à ceux pour prestations écologiques. L'USP a mis en garde le gouvernement qu'il était temps de tenir les promesses faites lors de la signature des accords du GATT, si l'on entendait éviter des débordements incontrôlables de la part de la base paysanne [28].
A la suite du Conseil national, le Conseil des Etats a transmis une motion du conseiller national Jäggi (pdc, SO) demandant que lors de l'attribution des paiements directs complémentaires, on tienne compte non pas du revenu agricole, mais du revenu global de l'agriculteur. Cette mesure permettrait de supprimer l'inégalité de traitement du régime actuel entre un exploitant qui tire l'entier de son revenu de l'agriculture et celui qui a des sources annexes. En effet, avec le système actuel, le premier voit toutes ses rentrées d'argent prises en compte dans le calcul du montant des paiements directs auxquels il a droit, alors que le second peut soustraire ses ressources non agricoles [29].
La Chambre du peuple a transmis pour sa part comme postulat une motion émanant du groupe des évangéliques et des indépendants chargeant le gouvernement de présenter dans un délai de deux ans un projet d'arrêté fédéral comprenant des précisions notamment sur les montants qu'il entend affecter aux paiements directs. Le motionnaire entend ainsi permettre au parlement d'avoir un contrôle sur un processus qui impliquera d'énormes ressources financières. La majorité des députés a estimé, conformément à l'avis du Conseil fédéral, qu'il était déraisonnable de fixer dans un arrêté le montant total des paiements directs, à moins de limiter fortement la possibilité pour le gouvernement de réagir avec souplesse à des changements de situation. La grande Chambre a également transmis un postulat Hari (udc, BE) demandant au gouvernement de modifier l'ordonnance sur la terminologie agricole afin que les pâturages communautaires soient considérés comme faisant partie de la surface agricole utile. Selon le postulant, cela permettrait de verser des contributions aux paysans qui font paître leur bétail sur ces pâturages, ce qui n'est pas le cas avec le régime actuel. Le Conseil national n'a en revanche pas transmis une motion Baumann Ruedi (pe, BE) demandant que les petites exploitations, qui pratiquent une agriculture écologique et qui ne peuvent bénéficier de paiements directs sous le régime actuel du fait de leur moindre importance, ne soient plus exclues de cette source de revenu. Les députés ont été convaincus par les arguments du gouvernement qui a fait valoir que donner de l'argent public à de petites exploitations constituerait une mesure inéquitable étant donné qu'il était manifeste que le revenu de ces petits paysans provenait principalement d'activités extérieures à l'agriculture [30].
 
[28] Presse du 14.9.95.28
[29] BO CE, 1995, p. 421 ss. Voir aussi APS 1994, p. 114. Il est à relever en outre que le CE a classé, sur proposition de sa commission, une initiative parlementaire qui entendait soumettre les denrées alimentaires et les boissons non alcoolisées à l'impôt sur le chiffre d'affaires afin de financer les paiements directs nouvellement introduits. Etant donné le passage à la TVA, l'initiative était devenue en effet obsolète: BO CE, 1995, p. 790. Voir également APS 1992, p. 125.29
[30] BO CN, 1995, p. 2397 ss. (adi/pep), p. 1611 (Hari) et p. 2401 s. (Baumann).30