Année politique Suisse 1996 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
Dans son rapport sur le
programme de la législature 1995-1999, le Conseil fédéral a établi plusieurs idées-force destinées à guider son action en matière de politique énergétique durant les quatre années à venir. A ce titre, le gouvernement a fixé un objectif général qui reprend tout d'abord les buts définis dans le mandat constitutionnel adopté par le souverain en 1990, à savoir l'encouragement d'une utilisation rationnelle de l'énergie et le développement des énergies renouvelables indigènes. Parallèlement, le Conseil fédéral entend prendre des décisions concernant l'approvisionnement futur du pays en électricité et la libéralisation du marché de l'énergie. Ces déclarations d'intention se sont concrétisées cette année déjà par la transmission aux Chambres d'un projet de loi sur l'énergie destiné à remplacer l'arrêté fédéral de 1990 qui cessera de déployer ses effets à la fin de l'année 1998, d'une part, et par l'élaboration d'un projet de loi sur la réduction des émissions de CO2 prenant acte de la réorientation opérée en la matière en 1995, d'autre part. Viendront s'ajouter à ces deux dispositifs légaux l'établissement d'un nouveau programme relatif à la politique énergétique helvétique qui puisse prendre le relais du programme Energie 2000 une fois celui-ci arrivé à échéance ainsi que la poursuite de la révision de la loi sur l'énergie atomique
[1].
Le nouveau chef du DFTCE Moritz Leuenberger a profité de l'invitation que lui a adressée en juin le Forum suisse de l'énergie pour présenter, pour la première fois depuis son élection, ses intentions en matière de politique énergétique ainsi que les suites à donner au programme d'action Energie 2000, une fois celui-ci achevé. Concernant ce dernier point, il a annoncé qu'un large dialogue sur la politique énergétique suisse s'ouvrirait dès l'automne entre tous les acteurs concernés (Confédération, cantons, milieux économiques, organisations écologistes et de l'énergie, partis gouvernementaux) afin de définir, d'ici à la fin de l'été 1997, des solutions pour l'après-an 2000 et pour discuter de l'approvisionnement à long terme du pays en énergie. Fort attendus par les partisans et les opposants à l'énergie atomique en raison de la position critique du chef du DFTCE à l'égard du nucléaire, les propos tenus à cette occasion par Moritz Leuenberger n'ont toutefois pas laissé entrevoir de profondes ruptures par rapport à la politique énergétique menée jusqu'ici par les autorités fédérales. Ainsi, le chef du DFTCE a tenu à n'exclure aucun type de production d'électricité susceptible de combler le déficit en courant électrique qui se dessine à l'horizon 2010: énergies renouvelables, centrales électriques à combustibles fossiles, importations de courant et également construction de nouvelles centrales nucléaires. En revanche, il a clairement exprimé son souhait de voir la politique énergétique suisse se conformer au principe de la vérité des coûts.
A l'avant-scène de la politique énergétique suisse depuis la publication du rapport Cattin en juin 1995, le débat sur la
libéralisation du marché helvétique
de l'électricité s'est poursuivi durant l'année sous revue. Virtuellement porteuse d'une diminution des tarifs pratiqués par les compagnies d'électricité, une ouverture des marchés dans ce domaine fortement cartellisé a avant tout été revendiquée par les milieux industriels suisses qui, en comparaison internationale, supportent des coûts particulièrement élevés pour le courant électrique nécessaire à leur activité, diminuant ainsi leur compétitivité. Bénéficiant du régime actuel qui leur assure des situations de monopoles locaux, les principaux fournisseurs d'électricité ont en revanche mis en doute les retombées positives d'une pareille libéralisation, notamment sur le plan de la sécurité d'approvisionnement et sur celui des investissements à long terme auxquels plus aucune société électrique n'oserait souscrire en situation de concurrence. Conscientes des problèmes de compétitivité rencontrés par les milieux industriels helvétiques, les Forces motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) et les Forces motrices bernoises (FMB) leur ont néanmoins consenti dès avril des rabais significatifs sur le prix du kilowattheure, suivies en cela par EOS au début du mois de novembre. Quant aux associations écologistes qui avaient rejeté le rapport Cattin vu son manque de prise en considération des aspects environnementaux liés à une éventuelle libéralisation (risques de dumping écologique, notamment), elles ont été associées aux discussions menées par le groupe de travail Kiener qui s'est vu chargé par le Conseil fédéral de dresser un catalogue de propositions concrètes concernant les modalités d'une éventuelle ouverture du marché suisse de l'électricité. Ce nouveau rapport était sur le point d'être remis au chef du DFTCE à la fin de l'année sous revue
[3].
Suite à la décision prise dans le courant du mois de juin par les
ministres de l'énergie de l'UE de libéraliser le marché européen de l'électricité de façon progressive et partielle, la question de l'ouverture du marché électrique helvétique à la concurrence s'est faite d'autant plus pressante, tant auprès des autorités fédérales et des milieux industriels qu'auprès des producteurs et distributeurs d'électricité. A cet égard, l'Union des centrales suisses d'électricité a fait établir une étude dont les résultats ont démontré que la Confédération connaît une des impositions fiscales sur le courant électrique parmi les plus fortes en Europe. Soucieux de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens au cas où une libéralisation du marché national viendrait à être décrétée, les producteurs d'électricité ont dès lors revendiqué un abaissement de la charge fiscale qui frappe l'ensemble du secteur électrique helvétique à hauteur de quelque deux milliards de francs par année
[4].
Dans l'optique de profiter pleinement de la future libéralisation du marché européen de l'électricité, il est à relever que l'Union de Banque Suisse (UBS) a décidé début décembre de vendre 40% du capital de
Motor Columbus - premier distributeur suisse de courant électrique - à Electricité de France (EdF) et au consortium allemand RWE. La création de ce holding helvético-européen a ainsi permis à deux groupes étrangers de pénétrer sur un marché jusqu'ici très fermé et convoité en raison du fait que la Suisse représente un lieu intéressant de transit d'électricité. Suite à ce coup d'accélérateur dans le processus d'ouverture du marché helvétique de l'électricité, le CS Holding a cédé à son tour sa participation dans
Watt AG (branche électrique d'Elektrowatt) à un consortium helvético-allemand regroupant les Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) ainsi que les Allemands Bayernwerk, Badenwerk et Energieversorgung Schwaben
[5].
Dans la droite ligne du débat suscité en 1995 par les interpellations Spoerry (prd, ZH) et Cavadini Jean (pl, NE), la motion Schmid Samuel (udc, BE) - qui charge le Conseil fédéral d'établir sans tarder et en accord avec les cantons ainsi que les milieux économiques intéressés un plan destiné à garantir l'
approvisionnement de la Suisse
en électricité qui soit conforme aux objectifs fixés par le gouvernement en matière de réduction des émissions de CO2 - a été transmise comme postulat par la Chambre basse
[6].
Publiée en 1994, l'étude menée conjointement par les offices fédéraux de l'énergie, des questions conjoncturelles et des constructions fédérales sur les coûts externes de l'énergie a été réactualisée afin de tenir également compte des externalités provoquées par les transports. Les experts fédéraux sont arrivés à la conclusion que si les coûts externes induits par ces deux domaines étaient internalisés conformément au principe de la vérité des coûts, le prix réel de l'énergie et des transports devrait alors être majoré de 11 à 16 milliards de francs par année. A cet égard, Moritz Leuenberger devait réaffirmer au mois de septembre son attachement à une taxation plus forte de l'énergie, tout en soulignant qu'une hausse des prix décidée isolément n'irait pas sans nuire à la compétitivité des entreprises suisses. Il a dès lors laissé entendre que les effets néfastes sur l'économie qu'induirait une telle mesure pourraient toutefois être compensés par un allègement du poids fiscal sur le travail.
Outre le fait que le 6e rapport annuel relatif au programme Energie 2000 présente, à l'instar des rapports précédents, un survol des principales activités déployées entre juillet 1995 et juin 1996, il consacre également une part importante au contrôle du programme qui a été effectué durant l'année sous revue. Sur la base des résultats du controlling et des évaluations faites jusqu'alors, les responsables d'Energie 2000 sont arrivés à la conclusion que les objectifs, les axes principaux autour desquels s'articule le programme - à savoir l'utilisation rationnelle de l'énergie et le soutien aux énergies renouvelables - ainsi que le caractère partenarial, fédéraliste et économique d'Energie 2000 étaient justifiés. Des premiers résultats positifs liés aux mesures légales et volontaires développées depuis 1990 ont d'ailleurs pu être prouvés sur le plan des économies totales d'énergie (1,9% d'économies en 1995 par rapport à 1990), sur le plan des émissions de CO2 (réduction des émissions de gaz carbonique de 0,8 à 1,2 millions de tonnes) ainsi que sur celui de l'emploi (création de quelque 2300 places de travail en l'espace de six ans). Malgré ces résultats encourageants, les responsables du programme ont néanmoins reconnu que des adaptations aux conditions-cadres qui se sont considérablement modifiées depuis 1990 tant d'un point de vue économique que politique, de même que des bases légales plus efficaces, un engagement plus intense en faveur des mesures volontaires ainsi qu'un dialogue approfondi étaient nécessaires au renforcement de la politique énergétique à court, moyen et long termes et devraient être réalisés de façon importante durant la 2e mi-temps d'Energie 2000.
Concernant les conditions-cadre dans lesquelles s'inscrit le programme, le rapport stipule que celles-ci - caractérisées par une surcapacité énergétique, des prix réels de l'énergie inférieurs à ceux ayant cours en 1973 ainsi que par une faible conjoncture - ne sont toujours pas favorables aux investissements et aux innovations pouvant conduire à une utilisation rationelle de l'énergie et à un recours accru aux agents renouvelables. L'énergie étant disponible en quantité et à bon prix, la classe politique et la population ne se préoccupent plus guère d'économies d'énergies. C'est pourquoi les responsables d'Energie 2000 se sont fixé comme objectif de renforcer l'information relative aux avantages induits par une utilisation économe des différents agents énergétiques.
Sur le plan des bases légales, il a été relevé que la Confédération a désormais épuisé l'ensemble des attributions qui lui incombaient en vertu de l'arrêté fédéral sur l'énergie. Soumises à évaluation, les principales mesures adoptées dans le cadre de cet arrêté ont fourni des effets positifs spécialement en ce qui concerne les appareils domestiques et de bureau ainsi que l'informatique de loisirs pour lesquels des valeurs-cibles de consommation ont été établies. Le décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude ainsi que l'autorisation pour les chauffages électriques ont également conduit à des résultats satisfaisants. Compte tenu du fait que ni l'approvisionnement sûr en énergie, ni les objectifs à long terme d'Energie 2000 ne pourront être assurés sur la base des conditions-cadre légales actuelles, les responsables du programme ont une fois encore plaidé en faveur de l'introduction des lois sur l'énergie et sur la réduction des émissions de CO2. Ils ont parallèlement appelé les cantons à améliorer la mise en oeuvre de leur politique énergétique respective dont certaines contiennent encore de trop grandes lacunes.
Au titre des mesures volontaires, le rapport souligne que de nombreux projets importants ont été réalisés, quand bien même l'effet de masse se fait encore attendre en raison notamment de l'engagement mitigé de beaucoup de participants au programme. Si dans le domaine propre de la Confédération les objectifs du programme pour l'an 2000 ont déjà ou seront prochainement atteints, des lacunes ont en revanche été observées à l'échelon cantonal; celles-ci devraient pouvoir être comblées grâce au programme des cantons pour la 2e mi-temps d'Energie 2000, adopté en avril par la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie. Par ailleurs, toute une série de bons produits sont désormais mis à disposition par les huit secteurs d'Energie 2000. Un effet positif à large échelle des mesures volontaires n'ayant toutefois pu encore être prouvé, les organisations participantes ont été appelées à renforcer leur engagement.
En matière de
dialogue entre les différents acteurs impliqués dans le programme, il a en outre été stipulé que si celui-ci avait pu être approfondi, il était néanmoins nécessaire de le recentrer dès l'automne 1996 et de l'axer - conformément à ce qui avait été annoncé par le nouveau chef du DFTCE devant le Forum suisse de l'énergie - sur le thème de l'approvisionnement énergétique à long terme et sur celui des buts de la politique énergétique après l'an 2000
[8].
En fin d'année, le Conseil national a décidé de transmettre certaines revendications contenues dans le postulat Rudolf Rechsteiner (ps, BS) concernant l'adaptation du
label octroyé dans le cadre du programme Energie 2000 aux produits présentant une grande efficacité énergétique. Ainsi, le Conseil fédéral a été prié d'analyser l'opportunité de modifier le label des appareils électro-ménagers afin que le consommateur soit informé de leur consommation d'énergie en termes absolus et en termes relatifs. En outre, l'exécutif a été invité à se pencher sur la création d'un label E2000 pour les produits pour lesquels pareille distinction n'existe pas encore
[9].
Le projet de loi sur l'énergie qu'Adolf Ogi avait projeté de soumettre au parlement avant la fin de l'année 1995 a été une fois encore remanié sous l'égide de son successeur Moritz Leuenberger. Etablie après que plusieurs entretiens avec les milieux intéressés eurent été organisés durant le printemps, cette nouvelle version a fait l'objet d'un message transmis aux Chambres dans le courant du mois d'août. Celui-ci stipule d'entrée que le dispositif légal soumis au parlement a pour principes fondamentaux la coopération et la subsidiarité, ce qui fait de ce projet une véritable loi-cadre définissant des lignes directrices en matière d'approvisionnement énergétique économique et peu polluant et dans laquelle les mesures volontaires sont largement privilégiées par rapport aux prescriptions étatiques. Dans cette perspective, le Conseil fédéral sera notamment habilité à transférer certaines tâches d'exécution de la loi à l'économie et à d'autres organisations privées. Ainsi, l'idée initiale du Vorort de créer une agence de l'énergie privée et unique au sein de laquelle ses intérêts auraient été majoritairement représentés n'a été que partiellement retenue, puisque cette instance ne pourra s'occuper que des tâches concernant directement l'économie (production d'énergie, par exemple). Soucieux de ne pas offrir une position par trop dominante au secteur économique par rapport aux autres acteurs de la scène énergétique, le nouveau chef du DFTCE a en effet tenu à ce que d'autres organismes privés telles que les associations de protection de l'environnement et des consommateurs puissent se voir également confier, dans leurs domaines propres d'activités, des prérogatives en matière de politique de l'énergie.
La priorité étant accordée aux
mesures volontaires plutôt qu'à l'interventionnisme de l'Etat, les autorités fédérales se sont attachées à réduire à son minimum la densité normative des dispositions légales énoncées dans le projet de loi au titre de l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie. Ainsi, sur la base de l'évaluation des mesures prises en vertu de l'arrêté sur l'énergie de 1990, les prescriptions détaillées ont été revues à la baisse, notamment dans le
domaine du bâtiment (isolation thermique et décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude) pour lequel la loi ne comporte que des mandats législatifs à l'adresse des cantons. Concernant les mesures visant à faire diminuer la consommation des
installations, véhicules et appareils produits en série, il est prévu que le Conseil fédéral ne pourra agir de façon contraignante en la matière que dans l'hypothèse où les actions volontaires développées à ce titre par les organisations privées ne parviendraient pas à atteindre les objectifs. Si tel devait être le cas, le gouvernement pourrait alors avoir recours à des prescriptions sur la consommation (valeurs-cibles ou exigences relatives à la commercialisation) ou - ce qui est une nouveauté - à des instruments économiques tels que des certificats de consommation d'énergie. Quant aux dispositions légales consacrées jusqu'alors par l'arrêté sur l'énergie dans les domaines du chauffage de plein air, des rideaux à air chaud ainsi que des appareils d'éclairage, elles ont été simplement abandonnées, tout comme le projet qui visait à introduire dans le nouveau dispositif légal une
gestion intégrée des ressources. Par contre, le projet de loi reprend pour ainsi dire sans modification les
mesures promotionnelles (information, conseils, formation et perfectionnement, recherche, développement et démonstration, promotion des agents renouvelables et de la récupération de chaleur) inscrites dans l'arrêté de 1990, hormis le fait qu'il sera désormais possible à la Confédération de subventionner également des mesures visant à encourager l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie
[10].
Bien qu'établi dans l'optique de rassembler un large consensus et d'éviter ainsi que ne soit lancé un référendum à son encontre, le
projet de loi sur l'énergie a néanmoins été
critiqué tant par les milieux économiques que par les organisations de protection de l'environnement et le parti socialiste: le Vorort a regretté notamment la dilution de son projet concernant la création d'une agence de l'énergie. A cet égard, l'association faîtière du commerce et de l'industrie a expressément demandé que le mandat et la fonction de cette agence soient définis dans la LEn-même; elle a en revanche souhaité que le choix des moyens auxquels cette instance pourra avoir recours soit laissé à l'économie. De leur côté, les écologistes et les socialistes - déçus par le faible degré de contrainte impliqué par la future loi sur l'énergie - ont reproché au Conseil fédéral d'avoir fait de trop fortes concessions aux revendications émises par les milieux économiques. La Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie s'est en revanche déclarée satisfaite par les mesures législatives proposées par le gouvernement
[11].
L'
initiative parlementaire
Steinemann (pdl, SG) - à laquelle le Conseil national avait décidé de donner suite en décembre 1995 et qui vise à supprimer l'obligation d'installer d'ici à avril 1998 le
décompte individuel des frais de chauffage dans les bâtiments existants en raison de coûts jugés disproportionnés comparativement aux économies d'énergie réalisées par ce système - a fait l'objet d'un rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE). Ce document stipule que dans l'examen qu'elle a fait de cette disposition consacrée par l'arrêté sur l'énergie de 1990, la commission a entendu une délégation de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie qui, bien que s'étant prononcée en faveur du maintien du principe du décompte individuel dans la future LEn, a néanmoins souhaité que son application soit laissée aux cantons, conformément à l'esprit de l'article 24octies de la Constitution. Reprenant à son compte cette réflexion, la majorité de la CEATE a proposé une modification de l'arrêté sur l'énergie sous la forme d'un contre-projet à l'initiative Steinemann aux termes duquel il incombe aux cantons d'adopter des prescriptions sur le décompte individuel des frais de chauffage dans les bâtiments existants et de fixer des délais transitoires appropriés. Appelé à donner son avis sur ce rapport, le Conseil fédéral a fait sienne la contre-proposition de la CEATE qui anticipe en la matière l'essentiel de la réglementation que le gouvernement a lui-même proposée dans son projet de future loi sur l'énergie
[12].
A l'issue du second examen de cet objet par le
Conseil national, la majorité de ses membres s'est à son tour prononcée contre la levée pure et simple de l'obligation d'installer le décompte individuel des frais de chauffage dans les bâtiments existants: sur l'ensemble des votants, seuls 80 députés ont en effet apporté leur soutien à l'initiative Steinemann, alors que 93 autres ont opté pour le compromis élaboré par la commission
[13].
Déposée en décembre 1995, l'
initiative parlementaire
Thanei (ps, ZH) - aux termes de laquelle la moitié au moins des dépenses d'investissement liées à l'installation du décompte individuel des frais de chauffage dans les bâtiments existants aurait dû être supportée par les bailleurs - n'a pas trouvé grâce auprès du Conseil national. Celui-ci a en effet décidé par 81 voix contre 53 de ne pas y donner suite, préférant ainsi maintenir le système en vigueur qui répercute l'intégralité des coûts en rapport avec le décompte individuel sur les seuls locataires
[14].
Conformément à ce qu'il avait annoncé en 1995, le Conseil fédéral a mis en consultation un nouvel avant-projet de loi sur la réduction des émissions de CO2 dont l'objectif est de parvenir, d'ici à l'an 2010, à une diminution de 10% des rejets de dioxyde de carbone dans l'atmosphère par rapport à 1990. Pour ce faire, le gouvernement table sur les
efforts volontaires des entreprises et des particuliers ainsi que sur certaines mesures déjà en vigueur ou prévues dans le cadre de la politique de l'énergie (programme Energie 2000 et loi sur l'énergie), de la politique des transports (redevance poids lourds liée aux prestations) et de la politique des finances (augmentation de 10 centimes du litre d'essence pour le financement des NLFA). La
taxe sur le CO2 qui avait été vivement combattue en 1994 n'y figure qu'à titre subsidiaire, puisque son prélèvement effectif n'interviendra qu'en 2004 et ce seulement si les mesures décrites ci-dessus ne suffisaient pas à atteindre les objectifs fixés. Pour des raisons de transparence, les montants maximum de la taxe ont néanmoins déjà été inscrits dans le projet du gouvernement: ceux-ci devraient s'élever à 201 francs par tonne de CO2 pour les carburants et à 30 francs par tonne de gaz carbonique pour les combustibles. D'un montant global de quelque 3 milliards de francs par année dès 2010, le produit de la taxe sera intégralement redistribué à la population et aux milieux économiques, soit par le biais de chèques aux particuliers, soit sous la forme d'une réduction des cotisations AVS payées par les entreprises à leurs employés
[15].
Cette nouvelle version de loi sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone a été, dans l'ensemble,
favorablement accueillie par les organismes consultés: ainsi, le Vorort et les partis bourgeois - qui avaient exprimé les plus fortes réticences à l'encontre du projet de taxe sur le CO2 de 1994 - ont salué la volonté du gouvernement de n'introduire plus qu'à titre subsidiaire cet instrument incitatif; l'association faîtière de l'économie a néanmoins réitéré son opposition à l'adoption d'un tel impôt en solitaire, alors que le PRD et l'UDC ont pour leur part souhaité que la compétence de lever la taxe soit transférée du Conseil fédéral au parlement. L'accueil réservé au projet par le parti socialiste et les milieux écologistes a été davantage mitigé: qualifiant les propositions du gouvernement de premier pas dans la bonne direction, le PS a regretté que le Conseil fédéral ait renoncé à l'instauration obligatoire de la taxe et s'est par ailleurs prononcé en faveur d'une réduction des émissions de CO2 de 20% par rapport à 1990. De leur côté, les verts ont souhaité que le seuil de 10% retenu par le gouvernement soit porté à 15%, mesure complétée par l'introduction d'une taxe sur l'énergie et d'une réforme fiscale écologique. Quant aux cantons, ils ont globalement apporté leur soutien au nouveau projet qui n'a été véritablement rejeté que par les organisations de transport routier
[16].
En 1996, la
consommation finale d'énergie en Suisse a augmenté de 2,5% par rapport à l'année précédente. La principale raison de cet accroissement est à mettre en relation avec la rudesse du climat, puisque dans une bonne partie de la Suisse, l'année 1996 fut la plus froide enregistrée depuis longtemps; ce qui a eu pour conséquence directe une progression de 3,6% des ventes d'huile de chauffage. Alors qu'elle avait reculé de 0,4% en 1995, la demande de carburant a quant à elle crû de 1,1%: la hausse de 2,6% des ventes d'essence - liée à la recrudescence du tourisme à la pompe venant d'Italie et de France et à l'accroissement du parc des véhicules à moteur - ainsi que l'augmentation des achats de kérosène (+3,3%) expliquent ce résultat. Poursuivant sa conquête du marché énergétique, le gaz naturel a cette année encore connu une forte progression qui a atteint 7,3%. Si elle a crû de 4,0% dans les ménages, la demande d'électricité (+1,7% au total) a en revanche reculé de 0,6% dans l'industrie, témoignant de la mauvaise conjoncture dans laquelle se trouve l'économie suisse
[17].
La valeur limite de sécurité retenue par l'OFEFP dans le projet d'ordonnance concernant le rayonnement électromagnétique provoqué par les lignes à haute tension a été vivement critiquée par la Fondation suisse de l'énergie (FSE). Jugée nettement insuffisante compte tenu de la nécessité de protéger la population contre le
smog électrique, la FSE a dès lors revendiqué l'établissement d'un seuil de tolérance mille fois moins élevé que celui envisagé par l'administration fédérale
[18].
[1]
FF, 1996, II, p. 289 ss.1
[3]
NZZ, 1.3 et 4.10.96; presse des 16.1 (NOK), 28.3 (FMB), 1.6 et 5.11.96 (EOS);
SoZ, 21.1.96;
TA et
Bund, 25.1.96;
NQ, 18.1, 5.2.96 et 13.1.97;
BaZ, 21.2.96;
BüZ, 20.3.96;
SHZ, 24.10.96;
JdG, 25.10.96;
TW, 20.12.96;
Lib., 27.12.96. Voir également
APS 1995, p. 156.3
[4]
TA, 11.5, 20.6, 22.6 (UE) et 29.8.96;
NQ, 8.5, 31.5, 21.6 et 24.6.96;
SHZ, 27.6, 11.7 et 5.9.96;
NZZ, 5.8, 4.9, 6.9 et 20.9.96;
24 Heures, 14.8.96; presse du 23.8.96;
Bund et
TW, 19.9.96;
BaZ, 9.10.96.4
[5] Presse des 2.12, 3.12 et 21.12.96;
SHZ, 5.12.96;
TW, 20.12.96;
TA, 23.12.96;
NQ, 23.12.96.5
[6]
BO CN, 1996, p. 1198. Voir aussi
APS 1995, p. 155 s.6
[8]
Lit. DFTCE; presse du 10.9.96. Voir également
APS 1991, p. 150 ss.,
1992, p. 147 s.,
1993, p. 142 s.,
1994, p. 136 ss. et
1995, p. 156 s.8
[9]
BO CN, 1996, p. 2412 ss.9
[10]
FF, 1996, IV, p. 1012 ss.10
[11]
NLZ, 23.7.96;
24 Heures et
TA, 14.8.96;
Bund, 21.8.96; presse des 22.8, 31.8 et 4.10.96;
NQ, 10.9.96;
NZZ, 24.10.96;
SN, 28.10.96;
Lib., 2.11.96. Voir également
APS 1994, p. 138 s. et
1995, p. 158 s.11
[12]
FF, 1996, IV, p. 1259 ss. (rapport CEATE) et 1270 ss. (avis du CF);
NZZ, 22.5 et 12.9.96. Voir aussi
APS 1995, p. 158.1
[13]
BO CN, 1996, p. 1756 ss.; presse du 4.10.96.13
[14]
BO CN, 1996, p. 1768 ss.14
[15]
FF, 1996, IV, p. 1328;
Blick, 20.4.96;
Bund, 17.7.96;
NQ, 22.7.96; presse du 24.10.96.15
[16] Presse du 30.12.96. Cf. également
APS 1994, p. 138 et
1995, p. 158.16
[17]
Communiqué de presse de l'OFEN, 23.5.97. Voir également
APS 1995, p. 160.17
[18]
Bund et
BaZ, 19.9.96;
NZZ, 24.9.96.18
Copyright 2014 by Année politique suisse