Année politique Suisse 1996 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Energie hydro-électrique
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Redevances hydrauliques
La révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques a sans conteste constitué l'enjeu majeur de la politique énergétique suisse durant l'année 1996. Au centre des discussions particulièrement enflammées qui ont animé les Chambres fédérales durant plusieurs jours a bien évidemment figuré le problème de l'augmentation des redevances hydrauliques que les exploitants des centrales hydroélectriques se voient contraints de verser annuellement aux cantons de montagne pour l'utilisation de leurs ressources publiques en eau. Le débat sur cette question a principalement opposé deux coalitions regroupant, pour l'une, les représentants des milieux industriels et de l'économie électrique, et pour l'autre, les représentants des cantons alpins - toutes tendances partisanes confondues - ainsi que des partis de la gauche en général qui, en contrepartie de leur soutien aux revendications des cantons de montagne, ont obtenu de ceux-ci la reprise des discussions devant conduire à terme à la ratification de la Convention des Alpes.
Première des deux Chambres à se prononcer sur cet objet, c'est à l'issue d'un débat fleuve que le Conseil des Etats a décidé - conformément à une proposition issue de la majorité de sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie - de porter le montant de la redevance annuelle à 80 francs par kilowatt de puissance brute, soit une augmentation de 10 francs par rapport aux 70 francs retenus initialement par le Conseil fédéral. Les deux propositions des minorités Iten (prd, ZG)/Forster (prd, SG) et Leumann (prd, LU)/Cavadini (pl, NE) - l'une demandant que les sénateurs s'en tiennent au projet du gouvernement, l'autre prévoyant d'arrêter le montant de la redevance à 60 francs jusqu'à la fin de l'an 2000, puis à 70 francs dès 2001 - devaient ainsi être rejetées plus ou moins nettement. Parmi les partisans de la plus forte hausse ont bien évidemment figuré les députés des cantons alpins qui ont mis l'accent sur le fait que les 80 francs retenus permettront d'améliorer la capacité financière endogène des cantons de montagne, puisque cette augmentation devrait leur permettre de se partager annuellement quelque 130 millions de francs de recettes supplémentaires. Leurs arguments se sont heurtés à ceux des défenseurs des intérêts des milieux industriels et énergétiques en particulier qui ont fait valoir qu'un pareil accroissement du montant de la redevance nuirait à la compétitivité de la place économique helvétique et menacerait par là-même le maintien de places de travail dans le pays.
Si par sa décision relative à la redevance hydraulique la Chambre haute a ainsi fait une importante concession aux revendications des cantons de montagne, les sénateurs ont en revanche refusé à une faible majorité de permettre à ces derniers de prélever un supplément de 40 francs au plus par kWh pour les bassins d'accumulation. La proposition du député socialiste Onken (TG) - aux termes de laquelle la Confédération est habilitée à percevoir un franc au plus par kilowatt pour dédommager les collectivités publiques qui renoncent à l'utilisation de la force hydraulique pour des motifs de protection de la nature et du paysage - a été par contre acceptée assez largement. Lors du vote sur l'ensemble, la petite Chambre a finalement adopté par 29 voix contre 10 la révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques qui, hormis les dispositions relatives à la redevance, introduit également de nouvelles prescriptions en matière de compensation pour pertes d'impôts, de transformation des aménagements hydro-électriques ainsi que de navigation et de protection du tracé des voies navigables [38].
C'est à l'issue d'un débat tout aussi animé, au cours duquel les arguments déjà invoqués au sein du Conseil des Etats devaient être repris par de nombreux députés, que le Conseil national a à son tour décidé d'augmenter la redevance hydraulique de 54 à 80 francs par année, et ce malgré les menaces de référendum proférées peu auparavant par les milieux industriels et électriques. L'ensemble des propositions visant à consentir des hausses plus modérées - telle que celle de la majorité de la Commission de l'énergie (70 francs, puis progressivement 80 francs au cas où la situation économique l'aurait permis) ou encore celle défendue par la majorité du groupe de l'UDC (60 francs au plus jusqu'à la fin de l'an 2000, puis 70 francs dès 2001) - a ainsi été balayé par le front uni composé des représentants des cantons alpins et des partis de la gauche en général. Le même sort devait être réservé à la position défendue par la majorité des groupes radical et libéral, favorables aux 70 francs retenus dans le projet du gouvernement.
Concernant le supplément pour les ouvrages de retenue, la Chambre du peuple s'est ralliée de justesse à la décision du Conseil des Etats, puisqu'il a fallu que ce soit le président de l'Assemblée fédérale, le libéral vaudois Jean-François Leuba, qui départage les partisans et opposants à ce prélèvement supplémentaire. C'est en revanche à une assez large majorité que les députés du Conseil national ont à leur tour accepté d'autoriser la Confédération à percevoir un franc par kilowatt pour assurer les montants compensatoires attribués aux cantons ou communes qui renoncent à exploiter un cours d'eau à des fins énergétiques [39].
La Chambre du peuple ayant introduit certaines modifications d'importance mineure par rapport à la version adoptée par le Conseil des Etats, une procédure d'élimination des divergences a dès lors été instituée. Principal objet de dissension entre les deux Chambres, l'éventuelle exemption totale ou partielle de la redevance pour les petits aménagements hydro-électriques à laquelle tenaient les sénateurs devait finalement trouver également un écho favorable auprès du National [40].
 
[38] BO CE, 1996, p. 71 ss.; presse des 13.3 et 14.3.96.38
[39] BO CN, 1996, p. 1058 ss.; presse des 30.1, 17.4, 31.5, 19.6 et 20.6.96; BüZ, 19.4.96; NF, 7.6.96; TW, 13.6.96. Relevons que la hausse de la redevance décrétée par les Chambres devrait avoir pour conséquence une augmentation du prix du kWh d'environ 0,4 centime, hausse que l'Union des centrales suisses d'électricité a envisagé de reporter uniquement sur les ménages afin de ne pas affaiblir la compétitivité des milieux industriels helvétiques: Express, 16.7.96; BüZ, 10.8.96.39
[40] BO CE, 1996, p. 661 ss., 863 s. et 1194; BO CN, 1996, p. 1726 ss., 2141 s. et 2492 s.; presse des 20.9 et 4.12.96. Concernant les petites centrales hydro-électriques, le TF a par ailleurs rappelé que les entreprises assurant l'approvisionnement public en énergie se devaient - conformément à l'arrêté fédéral sur l'énergie - de rétribuer convenablement les petits producteurs d'électricité hydraulique, soit à raison de 16 centimes par kWh: presse du 24.7.96. Voir aussi APS 1993, p. 148, 1994, p. 144 et 1995, p. 165.40