Année politique Suisse 1996 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / PTT
Premier élément du triptyque, le message relatif à la loi sur l'organisation de la Poste et à la loi sur l'entreprise des télécommunications consacre la séparation définitive des deux secteurs de la poste et des télécommunications, qui constitueront à l'avenir des entreprises distinctes soumises à des régimes juridiques très différents. Contre l'avis des syndicats de la branche qui ont défendu la nécessité de chapeauter les deux entreprises par une holding, le gouvernement a fait valoir qu'une telle séparation était nécessaire afin que les deux secteurs bénéficient du maximum d'autonomie lors de la libéralisation prévue parallèlement. De plus, dans la mesure où l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché des télécommunications signifierait vraisemblablement une baisse importante des marges bénéficiaires des Télécom, il était indispensable que ces derniers n'aient plus à éponger les déficits de la Poste, à moins d'accepter de mettre en péril la survie de l'entreprise de télécommunications.
En ce qui concerne plus particulièrement la loi sur l'organisation de la Poste, le projet du gouvernement prévoit que l'entreprise du géant jaune devienne un établissement de droit public doté de la personnalité juridique. Cette transformation du statut de l'entreprise devrait permettre à cette dernière de gagner en autonomie: elle pourra passer des alliances avec des tiers, prendre des participations au sein d'autres entreprises ou encore créer de nouveaux produits sans qu'il soit nécessaire - situation prévalant avec le régime actuel - de se doter de bases légales. La Confédération, qui restera le propriétaire de l'entreprise, se contentera de fixer tous les quatre ans les objectifs stratégiques, la Poste ayant toute l'autonomie pour les réaliser. Le personnel postal devrait également voir son statut modifié: lors de la refonte de la loi sur le personnel de la Confédération, il est prévu de créer pour les employés de la Poste un statut spécial de droit public reprenant la plupart des garanties du statut fonctionnarial avec toutefois plus de souplesse pour la direction.
Si les modifications concernant l'organisation de la Poste sont somme toute d'importance relative, celles prévues dans la
loi sur l'organisation des Télécom sont en revanche beaucoup plus importantes, conformément par ailleurs à la libéralisation beaucoup plus poussée prévue dans le secteur des télécommunications. En ce qui concerne le statut de l'entreprise, le projet du gouvernement prévoit de transformer cette dernière en
société anonyme de droit public. Les Télécom pourront ainsi jouir d'une autonomie équivalente à celle d'une société anonyme de droit privé, les seules différences avec une SA de ce dernier type étant d'importance très relative. Le capital de la future société, détenu dans un premier temps par la seule Confédération, pourra être par la suite cédé à des tiers, seul le 51% des actions devant rester en mains publiques
[55]. Conformément à des pratiques courantes sur le marché international des télécommunications, ces prises de participation de la part de privés pourraient sceller des alliances avec des entreprise étrangères de la branche. Au sujet du personnel de la future société et en réponse à une revendication faite par les milieux économiques et les partis bourgeois lors de la procédure de consultation, la loi proposée prévoit que
les employés perdront leur statut de fonctionnaire dès l'an 2000 et seront engagés sur la base d'un contrat de droit privé. Alors que l'avant-projet soumis en consultation en 1995 prévoyait pour les employés des Télécom un statut identique à celui arrêté pour le personnel postal, le gouvernement a justifié son changement d'opinion en faisant valoir qu'une analyse approfondie du marché des télécommunications montrait clairement la nécessité pour la direction de pouvoir réagir rapidement du point de vue de la gestion de ses ressources humaines. L'exécutif a par ailleurs ajouté que le projet comprenait certaines garanties pour le personnel: d'une part, la direction de l'entreprise aura l'obligation de négocier une convention collective de travail avec ses employés; d'autre part, ces derniers auront un représentant au sein du conseil d'administration
[56].
Au Conseil national, les deux projets furent dans l'ensemble très largement acceptés. Lors de l'entrée en matière, seuls les députés du parti du travail - et dans une moindre mesure, certains socialistes qui se sont abstenus - ont voulu renvoyer les deux textes au gouvernement, craignant que la séparation des deux entités ne signifie une déroute financière pour la Poste ainsi que rejetant toute éventualité de privatisation des Télécom. Au sujet de la loi sur la poste, les modifications furent de peu d'importance. Seule la disposition relative à la présence du personnel postal au sein du conseil d'administration fit l'objet de véritables discussions, certains représentants des partis bourgeois estimant que cette question ne devait pas être réglée dans la loi. Considérant que la suppression de cette mesure froisserait inutilement le personnel et les syndicats, la majorité de la chambre du peuple a cependant préféré s'en tenir à la copie du gouvernement. Le Conseil national a par ailleurs également rejeté une proposition Vollmer (ps, BE) d'instituer des services de médiation responsables de recevoir les doléances de la clientèle et d'émettre subséquemment des recommandations aux services concernés. Selon le socialiste bernois, face à la perte de contrôle que la nouvelle loi signifiait pour le parlement, il était indispensable de se doter d'un nouveau mécanisme de surveillance de la qualité des services. Doutant de l'utilité d'une telle structure et soulignant que la création d'un ombudsman devait se faire, le cas échéant, sur une base volontaire, les conseillers nationaux n'ont pas suivi l'argumentation du représentant bernois.
En ce qui concerne la
loi sur l'organisation des Télécom, la question de la transformation du statut de l'entreprise n'a pas fait l'objet de discussions. En revanche, les points de la loi relatifs au personnel des Télécom ont été à l'origine de débats beaucoup plus nourris. En effet, outre la question de la présence du personnel au sein du conseil d'administration - tranchée à nouveau conformément aux voeux du gouvernement - la disposition concernant le
statut du personnel a été la cible de feux croisés provenant de la gauche et de la droite de l'échiquier politique. Estimant que l'engagement du personnel sur la base d'un contrat de droit privé inciterait les syndicats à lancer un référendum contre la nouvelle loi, le député Vollmer (ps, BE) a proposé que le rapport de travail du personnel des Télécom soit soumis à un régime de droit public permettant aux autorités politiques d'influencer la politique sociale de l'entreprise. Pour une minorité de droite de la commission des transports et des télécommunications (CTT) emmenée par le député bernois Seiler (udc), il fallait en revanche modifier l'article relatif à l'obligation pour la direction des Télécom de signer une convention collective. Selon les députés opposés à cette disposition, il était nécessaire de donner un maximum de liberté à l'entreprise, conformément à son futur statut de société anonyme. Renvoyant dos-à-dos ces deux propositions, la majorité de la chambre du peuple a préféré s'en tenir à la version du Conseil fédéral. Concernant la proposition Vollmer, les députés ont souligné que soumettre le personnel à un régime de droit public pourrait notamment décourager les personnes ou sociétés désireuses d'investir dans l'entreprise lors de la privatisation du capital. Au sujet de la proposition de la minorité de la CTT, les conseillers nationaux ont relevé que l'obligation pour la direction de négocier une convention collective constituait une garantie pour le personnel facilitant l'adhésion de ce dernier à l'ensemble du projet
[57].
[55] Mentionnons encore à ce sujet que le CN a transmis comme postulat une motion Borel (ps, NE) enjoignant le CF d'intégrer dans le projet de loi la possibilité pour le personnel de participer au capital-actions de la future société anonyme:
BO CN, 1996, p. 1197.55
[56]
FF, III, 1996, p. 1260 ss.; presse du 15.6.96. Voir également
APS 1995, p. 186 s. Il est en outre à relever que parallèlement à leur changement de statut, tant la Poste que les Télécom envisagent de réformer leur structure interne de fonctionnement. Pour les deux entreprises, le but poursuivi est d'accroître la flexibilité ainsi que de se rapprocher de la clientèle. Si des suppressions d'emplois seront inévitables (2000 pour les seuls Télécom d'ici l'an 2000), les licenciements devraient être évités. Le personnel concerné devra cependant faire preuve de mobilité professionnelle et géographique: presse des 22.7 (Télécom) et 30.8.96 (Poste).56
[57]
BO CN, 1996, p. 2346 ss.; presse du 13.12.96. Le CN a par ailleurs transmis une motion Chiffelle (ps, VD) demandant au CF d'abaisser les tarifs en vigueur pour le transport des journaux publiés par les associations culturelles et sportives, qui voient le financement de leur publication menacé suite à la hausse très importante du prix résultant de la modification de la loi sur le service des postes adoptée en 1995:
BO CN, 1996, p. 2364 ss. Voir également
APS 1995, p. 186 s.57
Copyright 2014 by Année politique suisse