Année politique Suisse 1996 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / PTT
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Libéralisation du marché des télécommunications
Troisième volet de la réforme, le message relatif à la révision de la loi sur les télécommunications prévoit une libéralisation beaucoup plus ambitieuse que celle envisagée dans le secteur postal. En effet, à la différence de ce dernier, l'ensemble des prestations sera ouvert à la concurrence: tout opérateur pourra offrir librement ses services, à condition uniquement de se conformer à certaines exigences techniques - notamment en matière de protection des données - et de garantir la compatibilité de son infrastructure avec celle de ses concurrents (interconnexion des installations).
Seule exception provisoire à cette libéralisation, le secteur de la téléphonie connaîtra un régime transitoire: pendant une période de 5 ans suite à l'entrée en vigueur de la loi, les Télécom continueront à jouir du monopole dans ce domaine et devront assurer, sans garantie financière de la part de la Confédération, un service sur l'ensemble du territoire. Cependant, une fois ce délai échu, la concurrence pourra s'étendre à ce secteur également. Les candidats devront alors faire leur offre pour une région donnée auprès d'une commission indépendante. Cette dernière accordera pour chaque zone des concessions aux entreprises présentant les meilleures capacités financières. Afin de garantir une offre de services de base indispensables (service universel), les entreprises concessionnaires devront assurer un certain nombre de prestations: outre des transmissions téléphoniques de qualité, ce service minimal comprendra notamment des lignes au débit de données suffisant pour la télécopie, un accès aux principaux numéros d'urgence, une desserte satisfaisante de cabines publiques ainsi qu'un service de transcription pour malentendants. Le cas échéant, le Conseil fédéral pourra ajouter d'autres prestations au service universel - telles que l'accès pour tous les ménages aux "autoroutes de l'information" - pour autant que ces services soient largement répandus et qu'ils contribuent sensiblement à l'intégration sociale et économique des individus. Au cas où, pour une zone donnée, aucune offre de couverture n'aura été faite faute d'attractivité pour les opérateurs privés, il est prévu que la commission contraigne une entreprise à fournir les prestations du service universel dans la région concernée, ce afin de garantir une desserte de l'ensemble du territoire. L'opérateur désigné recevra évidemment des subventions à même de couvrir les coûts encourus. Celles-ci proviendront d'un fonds alimenté par les redevances des concessions [61].
Au Conseil national, le projet du gouvernement fut globalement très bien accueilli: lors du vote sur l'ensemble, seuls les quelques députés de l'extrême gauche se sont opposés à la libéralisation, une partie des socialistes préférant par ailleurs s'abstenir. Au cours de la discussion des différents articles, certaines modifications reflétant des préoccupations principalement sociales furent cependant adoptées. Ainsi, sur proposition de la CTT, la majorité de la grande chambre a tenu à ajouter, au titre des conditions prévalant lors de l'octroi d'une concession, une disposition obligeant les employeurs à respecter les pratiques usuelles de la branche en matière de salaire. Conçue afin d'éviter tout risque de dumping salarial de la part de nouveaux entrants sur le marché, cette exigence signifiera principalement que les différents opérateurs devront calquer leur politique de salaires sur celle des Télécom. Dans un souci de protéger les régions périphériques, les conseillers nationaux ont également accepté, sur proposition de la CTT, de stipuler que le Conseil fédéral devait veiller à ce que les prix des prestations de base ne dépassent pas un plafond convenu et qu'ils soient dans la mesure du possible fixés indépendamment de la distance parcourue. La proposition de la CTT de lier la concession relative au service universel à l'obligation de fournir des prestations sur l'ensemble du pays fut en revanche rejetée par le plénum. A l'exception des conseillers nationaux socialistes, écologistes et de nombreux démocrates-chrétiens, les députés ont en effet estimé que soumettre l'octroi de la concession à une telle condition signifierait aboutir de facto au maintien du monopole pour les Télécom, ces derniers possédant déjà l'infrastructure pour offrir des prestations sur l'ensemble du territoire. Selon la majorité de la grande chambre, le système proposé par l'exécutif qui découpait le pays en plusieurs zones était plus susceptible d'attirer des nouveaux opérateurs et ainsi d'instaurer un régime de concurrence [62].
Anticipant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, les Télécom ont par ailleurs développé une vaste plate-forme d'accès au réseau Internet. L'arrivée du géant jaune sur le prometteur marché des fournisseurs d'accès aux "autoroutes de l'information" n'a pas manqué de susciter la colère des autres exploitants déjà présents dans ce secteur. Les Télécom offrant - à la différence des opérateurs privés - des tarifs identiques pour les résidents des zones urbaines et périphériques, les petits exploitants ont crié à la concurrence déloyale: selon eux, l'entreprise publique finançait de telles offres grâce aux recettes des services (téléphonie) dont elle avait le monopole et visait ainsi à s'assurer une position dominante peu avant la libéralisation des marchés. Ayant été saisi par certains fournisseurs d'accès, le Tribunal fédéral a cependant refusé d'ordonner l'arrêt immédiat de l'exploitation de la nouvelle plate-forme. Les juges lausannois ont en effet estimé qu'il était de pratique courante qu'une entreprise nouvelle sur un marché fasse, dans un premier temps, de telles offres promotionnelles [63].
 
[61] FF, 1996, III, p. 1361 ss.; presse du 15.6.96. Voir également APS 1995, p. 188 s.61
[62] BO CN, 1996, p. 2275 ss.; presse du 12.12.96. Dans le souci de garantir que la situation de départ soit conforme aux impératifs de la libre concurrence lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le CN a transmis un postulat Bührer (prd, SH) invitant le CF à prendre les mesures afin que les Télécom ne puissent s'assurer des participations auprès d'entreprises concurrentes: BO CN, 1996, p. 1211.62
[63] Presse des 10.9. et 31.12.96; QJ, 8.10.96. Si le TF n'a pas jugé répréhensible l'offre des Télécom, la Commission de la concurrence a en revanche ordonné une enquête pour déterminer si l'entreprise avait respecté la nouvelle loi sur les cartels: JdG, 19.12.96.63