Année politique Suisse 1996 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung / Hautes écoles
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Coordination universitaire
Au mois de mars, les citoyens zurichois acceptaient à une majorité écrasante de 92% une révision de la loi sur l'enseignement exigeant désormais que les cantons paient la totalité des coûts effectifs engendrés par leurs résidants étudiant à l'université de Zurich. Cette décision a suscité une vive émotion au sein des cantons qui voyaient là une rupture de la solidarité confédérale. De concert avec la CUS, certains cantons ont par ailleurs souligné que cette décision unilatérale était particulièrement malvenue alors que les négociations pour reconduire l'accord intercantonal sur la participation au financement des universités entraient dans une phase cruciale. L'exécutif zurichois ayant articulé le montant annuel de 19 600 francs par étudiant (chiffre actuel: 8800 francs), les cantons de Suisse orientale et centrale, premiers touchés par la mesure, ont dénoncé la hausse à leurs yeux insupportable de leur participation financière. Les autorités de cette partie du pays ont souligné que ce montant ne tenait absolument pas compte des retombées positives dont bénéficiait le canton de Zurich du fait de la présence d'une université sur son territoire (attractivité pour les entreprises, dépenses des étudiants provenant d'autres cantons, etc.). Il fut également relevé que les cantons finançaient les études d'universitaires qui, une fois leur formation achevée, ne revenaient pas toujours dans leur lieu d'origine, mais prenaient au contraire leur résidence dans le canton de leurs études [20].
Malgré la décision zurichoise et en dépit des craintes de ceux estimant que la solidarité confédérale en matière de politique universitaire avait pris un coup fatal, la commission chargée d'élaborer le nouveau concordat - et composée paritairement de représentants de cantons universitaires et non universitaires - est parvenue en fin d'année à s'entendre sur le montant que devra débourser le canton d'origine d'un étudiant non résident. Devant être encore adopté par les exécutifs cantonaux et ensuite ratifié par les différents parlements, l'accord prévoit que les forfaits seront à l'avenir modulés selon les études suivies, eu égard aux énormes différences de coûts des différentes filières académiques: au lieu des 8800 francs actuels par étudiant valant pour toutes les licences possibles, les cantons universitaires pourront percevoir un montant annuel de 9500 francs par étudiant en sciences humaines, de 23 000 francs par étudiant en sciences naturelles et de 46 000 francs pour un candidat au diplôme de médecine. En moyenne, la participation financière des cantons devrait s'élever à 13 000 francs par étudiant. Relativement éloigné de celui exigé par les autorités zurichoises et fruit d'un laborieux compromis entre cantons universitaires et cantons sans haute école, ce montant prend en compte les multiples avantages dont bénéficient les premiers du fait de la présence d'une université sur leur territoire. Afin de ménager les finances notamment des plus petits cantons, le nouveau système devrait être introduit progressivement de 1999 à 2003. De plus, afin de tenir compte du fait que nombre d'étudiants ne retournent pas dans leur lieu d'origine à la fin de leur parcours académique, certains cantons devraient bénéficier de conditions de faveur: ceux du Valais, du Jura et d'Uri ainsi que ceux du Tessin, des Grisons et de Glaris pourront s'acquitter de participations respectivement de 10% et 5% inférieures à celles prévues.
Si l'ensemble des autorités cantonales se sont déclarées favorables à la solution proposée, l'exécutif zurichois a en revanche estimé que l'augmentation moyenne de 50% de la contribution annuelle par étudiant était insuffisante. Le Conseil d'Etat zurichois n'a par ailleurs pas exclu de demander aux étudiants eux-mêmes de combler la différence manquante. Le gouvernement jurassien a pour sa part jugé la hausse beaucoup trop importante. Il a laissé entendre qu'il envisageait d'intensifier la collaboration avec les universités françaises voisines. Enfin, il a estimé que le système de forfaits différenciés pourrait conduire certains cantons à contingenter l'accès aux études les plus chères [22].
Au début de l'été, la CUS a recommandé au Conseil fédéral de reconnaître l'Université de la Suisse italienne (USI) comme institution universitaire. Alors qu'elle avait émis des doutes précédemment quant à l'utilité et à l'opportunité de l'USI, la CUS a en effet estimé que la présence d'une structure universitaire dans le canton du Tessin était de la plus grande importance pour des raisons politiques et culturelles. Signifiant pour l'USI la possibilité de bénéficier des subventions fédérales, cette reconnaissance ne devrait pas pour autant signifier accorder au Tessin le statut de canton universitaire: permettant à ce dernier de participer de plein droit à l'ensemble des organismes de la CUS, l'octroi de ce statut ne devrait intervenir que par étapes, parallèlement au développement de la nouvelle haute école en matière de recherche notamment. La CUS a par ailleurs invité les autorités tessinoises à renforcer les structures d'ensemble de l'USI - entre autres par la mise en place d'un rectorat responsable de la gestion des trois facultés - afin non seulement de favoriser la création d'une identité universitaire, mais aussi afin d'offrir aux instances fédérales et cantonales un seul et unique interlocuteur [23].
Au mois de décembre, le Conseil fédéral a décidé, conformément aux recommandations faites par la CUS, de reconnaître l'USI comme institution universitaire. A ce titre, le gouvernement a décidé d'octroyer à l'athénée tessinoise des subventions de l'ordre de 1 à 2 millions de francs. En ce qui concerne la reconnaissance du Tessin comme canton universitaire, le gouvernement a précisé que celle-ci pourrait intervenir après une période de rodage de quatre ans. Entre-temps, il était impérieux que l'USI se dote d'une structure commune de direction et de gestion et qu'elle développe des collaborations avec les universités des autres cantons [24].
Les recteurs des universités de Genève et de Lausanne ont adressé à l'attention de leurs gouvernements cantonaux respectifs une déclaration d'intention faisant part de leur projet de réunir les deux universités sous un seul toit. Selon les deux rectorats, la période de rigueur budgétaire imposant aux académies de mettre en commun tant les ressources humaines que celles matérielles, le stade de la collaboration sous forme de réseau devait être dépassé au profit de la création d'un seul établissement doté de sa propre personnalité juridique. La mise sur pied de cette nouvelle entité - qui pourrait prendre la forme d'une holding - permettrait de mettre en oeuvre une véritable politique commune en matière de plans d'études, d'engagement de professeurs ou encore d'acquisition de matériel coûteux. Les recteurs ont cependant tenu à préciser que leur projet, pour ambitieux qu'il fût, ne signifiait nullement la fusion des deux universités. Celles-ci garderont une certaine spécificité et dispenseront, en ce qui concerne les cours de premier cycle, le même nombre de cours qu'actuellement. Les réactions à ce projet n'ont pas manqué d'être vives au sein de la communauté universitaire des deux académies. Le corps professoral a notamment dénoncé la perte d'identité qu'un tel rapprochement pourrait signifier pour chacune des deux institutions ainsi que le risque d'aboutir à une vaste structure extrêmement hiérarchisée et bureaucratisée. Les professeurs ont également critiqué le fait de ne pas avoir été associés aux discussions entre les deux rectorats [25].
Les conseillers d'Etat genevois et vaudois responsables de la santé et de l'instruction publique ont pour leur part présenté le projet de rapprochement des hôpitaux universitaires et des facultés de médecine des deux cantons lémaniques. Alors que le projet mis en consultation prévoyait une intégration extrêmement poussée tant des établissements hospitaliers que des deux facultés, la mouture finalement présentée est beaucoup plus proche d'une structure en réseau traditionnelle. Devant l'opposition très importante des milieux académiques, les responsables politiques ont en effet notamment dû abandonner l'idée de créer une seule et même faculté de médecine totalement séparée des deux universités cantonales: les deux facultés continueront d'exister, chacune gardant ses liens avec son université respective. Elles seront cependant chapeautées par un conseil décanal commun qui aura un pouvoir d'orientation et de décision en ce qui concerne principalement la nomination des professeurs, la réforme du plan d'études ou encore les spécialisations des domaines de recherche. L'idée de regrouper sous un même toit à la fois l'ensemble hospitalier transcantonal et les facultés de médecine fusionnées a par ailleurs également été écartée devant la crainte du corps professoral de ne voir la recherche diminuer comme peau de chagrin dans un immense ensemble hospitalier avant tout dédié aux soins médicaux. En lieu et place de cet établissement unique, le projet prévoit qu'un conseil d'administration veillera à la conduite stratégique des différentes entités [26].
Dans le cadre de la convention BENEFRI, les universités de Berne, Fribourg et Neuchâtel ont annoncé leur intention d'offrir un diplôme commun aux trois hautes écoles dans le domaine des sciences de la terre. Durant les deux premières années, les étudiants pourront suivre les cours de base au sein de leur propre haute école; au cours du second cycle, suivant la filière choisie, ils seront appelés à se déplacer dans l'une ou l'autre des universités partenaires. Rappelons qu'à la suite d'un rapport d'experts sur la situation des sciences de la terre en Suisse, la CUS avait fait part en 1995 de son souhait de voir la collaboration entre les trois établissements se développer dans ce domaine scientifique [27].
 
[20] Presse du 11.3.96; NQ, 12.3.96. Voir également APS 1995, p. 282. Dans le cadre de la révision de la loi sur l'université, le parlement bernois a également décidé d'exiger des contributions couvrant l'intégralité des frais de formation des étudiants confédérés: presse du 8.5.96.20
[22] TA, 21.11.96; NQ, 23.12.96.22
[23] CdT, 1.7.96; JdG, 2.7.96. Voir également APS 1995, p. 282 s. Ayant à examiner la qualité plus strictement scientifique de l'USI, le Conseil suisse de la science (CSS) avait également recommandé, peu avant la décision de la CUS, de reconnaître l'USI comme institution universitaire. Le CSS a jugé le contenu des diplômes proposés ainsi que le niveau du corps enseignant de bonne qualité: CdT, JdG et NZZ, 25.6.96.23
[24] Bund, CdT et NZZ, 10.12.96. Il est à relever que le Tessin n'a pas attendu la reconnaissance fédérale pour ouvrir les portes de son université. Avec quelque 300 inscrits, les cours ont en effet débuté au début de l'automne au sein des trois facultés de l'USI (architecture, économie et sciences de la communication): presse du 22.10.96.24
[25] 24 Heures, JdG et NQ, 2.2.96; JdG, 22.6.96.25
[26] NQ, 20.6 et 9.10.96. Voir également APS 1995, p. 281 s.26
[27] BZ, 28.5.96. Voir également APS 1995, p. 281.27