Année politique Suisse 1997 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Organisations internationales
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ONU
Epaulé par 82 parlementaires de différents horizons partisans, le député Gysin (ps, BS) a déposé début juin une motion chargeant le gouvernement de préparer l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies. Acceptée par le Conseil fédéral au début du mois de septembre, la motion Gysin n'a toutefois pu être discutée au sein de la Chambre du peuple du fait de l'opposition du Démocrate suisse Keller (BL). Dans la foulée de cette première revendication destinée à désenclaver la Suisse au sein de la communauté internationale, le socialiste Andreas Gross (ZH) - fort du soutien de nombreuses personnalités des mondes politique, scientifique et économique - a par ailleurs fait part de sa volonté de lancer une initiative populaire sur l'adhésion de la Confédération à l'ONU dans le courant du premier semestre de l'année 1998, de manière à ce qu'un scrutin populaire sur cette question puisse avoir lieu d'ici 2003-2004. Cette relance du débat sur la participation pleine et entière de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies paraît intervenir à un moment particulièrement opportun pour les partisans de l'adhésion puisque, selon un sondage effectué par l'EPFZ, les Suisses n'ont jamais autant soutenu cette idée, avec 57% d'opinions favorables contre 51% en 1996 [29].
Nouvellement élu en qualité de secrétaire général de l'ONU, le Ghanéen Kofi Annan a profité de sa première conférence de presse au Palais des Nations de Genève pour passer en revue les différents problèmes auxquels l'institution doit faire face: nécessité de conduire d'importantes réformes, rôle des Etats-Unis en tant que principal contributeur financier et débiteur de l'organisation, situation en Bosnie et en Irak, poursuite des négociations en vue de l'interdiction des mines antipersonnel. Concernant les liens privilégiés qui lient l'ONU à la Confédération, le successeur de Boutros Boutros-Ghali a tenu à assurer la Suisse de son soutien en déclarant que le siège de Genève serait touché dans la même proportion que celui de New-York par les suppressions de postes liées aux réformes en cours. L'impact desdites réformes sur la Genève internationale figura d'ailleurs au centre des discussions que Flavio Cotti et Kofi Annan eurent à l'occasion de la première visite officielle de ce dernier à Berne. A ce titre, le nouveau secrétaire général a déclaré que la Cité de Calvin demeurerait le deuxième siège de l'ONU après New-York. Le Conseil fédéral a quant à lui profité de cette réunion pour annoncer sa volonté de rouvrir le dossier de l'adhésion de la Suisse à l'organisation [30].
Les mesures adoptées en 1996 à Genève dans le cadre de la révision de la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles ont été approuvées à l'unanimité par les Chambres fédérales. Les modifications apportées à cette occasion par les 57 Etats parties à la convention concernent en premier lieu les dispositions relatives à l'interdiction ou à la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs. A cet égard, les multiples dissensions entre, d'une part, les principaux Etats utilisateurs, producteurs ou exportateurs de mines antipersonnel (Chine, Pakistan, Inde, Russie) et, d'autre part, plusieurs pays occidentaux qui - à l'image de la Suisse dès janvier 1996 - exigent l'interdiction totale de l'usage, de la fabrication et du transfert de ce type d'armement ont empêché l'adoption de mesures radicales. Des améliorations appréciables ont toutefois été apportées puisque, à l'avenir, le protocole sur les mines sera également applicable aux conflits armés internes. Par ailleurs, tous les engins explosifs antipersonnel devront être détectables et la plupart d'entre eux munis de mécanismes d'autodestruction. Ces exigences de détectabilité et d'autodésactivation ont cependant été assorties d'une période transitoire de neuf ans. Quant à la seconde modification apportée à la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles, elle est née de l'adoption d'un protocole entièrement nouveau sur les armes à laser aveuglantes aux termes duquel leur utilisation sera interdite si elles sont spécifiquement conçues pour provoquer une cécité permanente [31].
A nouveau débattu sur le plan international lors d'une conférence diplomatique qui s'est tenue à Oslo (Norvège) en septembre, le dossier des mines antipersonnel a connu à cette occasion une avancée spectaculaire avec l'adoption d'une Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert de ce type d'explosifs. Signé en fin d'année à Ottawa (Canada) par 122 pays, ce traité va plus loin que le protocole révisé de la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles, puisque hormis l'interdiction complète de ces engins mutilants, le nouveau document consacre l'obligation de détruire les stocks existants ainsi que de déminer les terrains concernés. Figurant parmi les pays signataires, la Suisse a par ailleurs tenu à renforcer son rôle en la matière en annonçant la création prochaine d'un Centre international de déminage humanitaire à Genève (CIDH) [32].
Trois ans après sa mise sur pied, le Tribunal pénal international chargé de plancher sur le génocide perpétré au Rwanda en 1994 (TPR) a essuyé les critiques virulentes du Bureau de l'inspecteur général des Nations Unies au terme d'une enquête portant sur les graves dysfonctionnements constatés au sein de cette institution. Face à l'incurie régnant à tous les échelons du tribunal, l'auteur du rapport, Karl-Theodor Pashke, n'a pas hésité à mettre en doute la capacité de cet organe à remplir la mission qui lui a été assignée. Au sujet des affaires instruites par la Suisse dans les dossiers rwandais et bosniaque, il est à relever qu'Alfred Musema a déposé en début d'année un recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision de son transfert au TPR, demandant à pouvoir purger sa peine sur le territoire helvétique. Concernant l'ex-Yougoslavie, un ressortissant bosno-serbe, Goran Grabez, a par ailleurs fait l'objet d'un acte d'accusation pour crimes de guerre devant le Tribunal militaire de division 1 à Lausanne qui l'a finalement acquitté à l'issue d'un procès d'une semaine. En revanche, le Serbe de Bosnie Dusko Tadic a bel et bien été reconnu coupable de crimes contre l'humanité et de tortures par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) qui, à l'occasion de son premier verdict, l'a condamné à 20 ans d'emprisonnement [33].
A la suite des déclarations faites par la délégation helvétique lors du Sommet mondial de l'alimentation à Rome en 1996 - déclarations aux termes desquelles la Confédération s'est engagée à lutter activement contre la faim dans le monde - la députée Gonseth (pe, BL) a déposé un postulat priant le gouvernement d'élaborer un plan d'action qui permette à la Suisse de tenir ses engagements verbaux. Cosigné par 53 parlementaires, le postulat a été transmis par le Conseil national [34].
 
[29] BO CN, 1997, p. 2203 s.; presse des 7.6 (Gysin), 13.8 (EPFZ) et 6.9.97 (CF); TA, 11.6 et 5.9.97; NQ, 10.6, 3.12 et 11.12.97; 24 Heures, 12.6.97 (Gross); JdG, 14.6.97; Lib., 7.9.97; Bund, 20.9 et 10.12.97. Signalons en outre que le CF s'est engagé à présenter en 1998 un rapport circonstancié portant sur les relations entre la Suisse et l'ONU, satisfaisant en cela la revendication contenue dans un postulat Gross (ps, ZH). La discussion que le CN aurait dû conduire sur cet objet a toutefois été renvoyée des suites d'une nouvelle opposition formulée par le député Keller (ds, BL): BO CN, 1997, p. 2223.29
[30] Presse des 31.1 et 9.9.97; NZZ, 28.8.97; Express, 5.9.97; JdG, 27.9.97; TA, 24.10.97; Bund, 29.12.97. Il est à relever que le premier train de réformes engagées dès le mois de mars par K. Annan a principalement porté sur l'annonce de la suppression de mille postes de travail (10% de l'effectif global), dont vraisemblablement 200 à Genève. Par ailleurs, il a été décidé de réduire d'un tiers les dépenses administratives de l'organisation et de diminuer de 25% la documentation produite par le secrétariat. Quant au second volet du plan de réformes présenté en juillet, il prévoit des changements de structure en profondeur, avec notamment la suppression du Département des affaires humanitaires et la fusion du Haut-Commissariat pour les droits de l'homme et du Centre des droits de l'homme, tous deux établis à Genève: presse du 18.3.97; JdG et NQ, 5.7.97; 24 Heures, 17.7.97.30
[31] FF, 1997, IV, p. 1 ss.; BO CN, 1997, p. 2383 ss.; BO CE, 1997, p. 1122 ss.; NQ, 22.1.97. Cf. également APS 1996, p. 71 s.31
[32] NQ, 18.9 et 9.12.97; presse du 27.11.97. Voir aussi FF, 1998, p. 537 ss.32
[33] NQ, 10.1, 12.2, 19.2, 9.5 et 20.5.97; NZZ, 19.2 et 22.3.97; JdG, 11.4.97; 24 Heures, 12.4.97; Express, 14.4.97; presse des 15-19.4 (Grabez) et 15.7.97 (Tadic). Voir également APS 1994, p. 74 et 1996, p. 72 s.33
[34] BO CN, 1997, p. 543. Voir aussi APS 1996, p. 72.34