Année politique Suisse 1997 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Organisation militaire
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Réforme de l'armée
Suite à une large procédure de consultation, le Conseil fédéral a adopté les modalités d'application de la loi sur l'armée et l'administration militaire (LAAM) relatives à l'engagement des troupes dans des tâches de police. Si les ordonnances prévoyant l'envoi de soldats aux frontières en cas de vagues d'immigration massives ainsi que l'appui aux forces civiles de police lors d'événements extraordinaires (conférences internationales) ont été adoptées sans grandes modifications, il n'en est pas allé de même pour l'ordonnance prévoyant l'engagement de l'armée aux fins de maintien de l'ordre en cas de graves troubles intérieurs (manifestations violentes par exemple). Alors que le projet initial prévoyait d'engager pour cette tâche des troupes de milice (fusiliers territoriaux), le gouvernement a en effet décidé que seuls le bataillon de police et le corps des garde-fortifications - composés de soldats soit professionnels soit exerçant, au civil, dans des services de sécurité - pourraient être amenés à seconder les forces cantonales de police lors de troubles de l'ordre public. Justifiant cette modification de l'ordonnance, l'exécutif a relevé que ce changement répondait aux légitimes inquiétudes exprimées par nombre de milieux consultés (cantons romands, partis de gauche, GSsA, Société suisse des officiers): de l'avis quasi général, l'engagement de soldats de milice peu aguerris à ce genre d'opérations délicates faisait courir des risques de dérapage inacceptables [12].
Afin de remédier à la pénurie d'officiers au sein de l'armée, le DMF prévoit de prolonger le nombre de jours obligatoires de service pour quelque 6000 cadres (sur les 40 000 que l'armée compte). Les officiers concernés (du grade de capitaine à celui de colonel) pourraient passer sous les drapeaux de 30 à 50 jours supplémentaires d'ici l'an 2000. Selon les explications du DMF, si rien n'est entrepris, la pénurie de cadres pourrait être de 20%, voire même dépasser les 30% en ce qui concerne les grades de capitaine et de lieutenant-colonel. A l'origine de la situation figure la difficulté croissante pour les cadres de l'armée à concilier devoirs militaires et vie professionnelle dans une période économique peu favorable. A titre de mesure complémentaire, le plan du DMF prévoit également une réduction supplémentaire (10%) de l'effectif des troupes. Intervenant de manière progressive à partir de l'an 2000, cette baisse se traduirait par la suppression de certaines formations fédérales. L'acquisition d'armements modernes devrait compenser cette nouvelle diminution des effectifs [13].
Afin de mieux concilier monde professionnel et vie militaire, le Conseil national a pour sa part transmis un postulat Schmid (udc, BE) invitant le gouvernement à examiner les possibilités de sanctionner par un certificat les formations que reçoivent les cadres de l'armée dans certains domaines (techniques de gestion et de résolution de problèmes, conduite de réunions, etc.). Selon le postulant, il est urgent, si l'on entend maintenir l'attractivité de l'avancement, de valoriser ces compétences sur le marché du travail [14].
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Réforme du DMF
Le Conseil fédéral a publié son message concernant la privatisation des quatre entreprises d'armement et d'entretien de la Confédération. Selon le projet de l'exécutif, ces dernières, jusqu'à présent institutions dépendantes de droit public, seront transformées en sociétés anonymes de droit privé et chapeautées par un holding. Une partie du capital pourra être détenue en mains privées. Afin de pouvoir exercer un contrôle stratégique sur des entreprises indispensables à la sécurité militaire du pays, la Confédération devrait en principe rester l'actionnaire majoritaire. Une décision de l'Assemblée fédérale pourra cependant autoriser la cession de la majorité du capital à des tiers. Cette privatisation ne sera par ailleurs pas sans effet sur les rapports de service du personnel. Les employés des futures SA perdront en effet leur statut de fonctionnaire et seront engagés sur la base de contrats de droit privé, l'exécutif étant de l'avis que les entreprises privatisées doivent bénéficier d'un maximum d'autonomie sur le plan de la gestion de leurs ressources humaines. Une réglementation transitoire en matière de garantie d'emploi et de salaire devrait cependant permettre de diminuer les conséquences sociales négatives de la modification des rapports de service.
Au dire du Conseil fédéral, la réforme présentée est indispensable si l'on entend garantir une industrie d'armement performante et à même de contribuer à la sécurité militaire du pays. La baisse des commandes induite tant par les restrictions budgétaires que par la réduction de la taille de l'armée (Armée 95) a en effet placé ces entreprises dans une situation peu favorable au maintien de la capacité technologique et du savoir-faire indispensable à la politique d'armement du pays. La privatisation envisagée devrait apporter une solution. Jouissant désormais d'une autonomie opérationnelle importante, les entreprises pourront déceler de nouveaux débouchés dans le domaine civil, compensant ainsi la baisse des commandes de l'armée. La possibilité pour d'autres entreprises de participer au capital des futures SA devrait également permettre de bénéficier de synergies intéressantes. Ce développement d'activités civiles et de coopération avec des tiers ne devra cependant pas contrevenir aux intérêts de la Confédération en matière de défense nationale [15].
Examinant le projet lors de sa session d'été, le Conseil national a adopté assez facilement le texte proposé malgré l'opposition des représentants socialistes et l'abstention de quelques députés indépendants, évangéliques et démocrates-chrétiens. La majorité bourgeoise de la chambre a salué la réforme proposée, relevant que la privatisation permettra aux entreprises de se gérer de manière plus efficace et plus proche des marchés.
Lors de l'examen détaillé des articles, la seule modification apportée au projet gouvernemental eut trait à la disposition qui stipulait que le développement d'activités non strictement militaires ne devait pas contrevenir aux intérêts de la Confédération en matière de sécurité. Décidant de biffer cet article sur proposition de la commission pour la sécurité, la majorité de la chambre du peuple a en effet estimé qu'une telle disposition pourrait dissuader les investisseurs de participer au capital des futures sociétés anonymes. Certains parlementaires ont par ailleurs ajouté que la Confédération pourrait toujours faire entendre suffisamment sa voix au sein des conseils d'administration en tant qu'actionnaire majoritaire.
Les autres propositions de modification, qui visaient principalement à mieux prendre en compte certaines conséquences socio-économiques de la privatisation, furent en revanche rejetées. Il en est allé ainsi par exemple d'une proposition démocrate-chrétienne d'obliger les futures sociétés à tenir compte des intérêts des régions les plus défavorisées, les conseillers nationaux estimant une telle disposition contraire à la libéralisation par ailleurs souhaitée. La grande chambre a également rejeté les multiples propositions socialistes (appuyées par les verts et les indépendants) visant à offrir le maximum de protection au personnel. De l'avis que des dispositions transitoires permettront d'atténuer l'impact social négatif de la privatisation, les députés ont notamment refusé de garantir à long terme les salaires actuels, relevant que s'interdire de baisser des revenus en moyenne 15%, voire 30% plus élevés que ceux usuels dans la branche ne pourrait que nuire à la compétitivité des futures sociétés. Une proposition d'accorder au personnel une représentation équitable au sein du conseil d'administration fut elle aussi repoussée, la majorité bourgeoise du Conseil national arguant qu'il fallait laisser le maximum de marge de manoeuvre aux dirigeants. Enfin, la majorité de la grande chambre a accordé le même sort à une proposition Chiffelle (ps, VD) qui demandait de faire figurer dans la loi une disposition enjoignant les entreprises à accroître leurs activités civiles. Nombreux furent les conseillers nationaux bourgeois à souligner que derrière les intentions déclarées de cette proposition - favoriser la viabilité économique des entreprises concernées et maintenir de nombreux emplois - se cachait la volonté de priver l'armée suisse d'une industrie d'armement indigène [16].
Transmis au Conseil des Etats, le projet de loi a également très largement reçu l'approbation des sénateurs, ces derniers adoptant sans aucune modification le texte qui leur était soumis. La suppression de la disposition soumettant le développement des activités civiles des entreprises au respect des intérêts de la Confédération a notamment été acceptée tacitement. Les deux seuls points à faire l'objet de discussions eurent trait au statut de l'entreprise ainsi qu'à la question du personnel. En ce qui concerne le premier point, les sénateurs eurent à débattre d'une proposition Danioth (pdc, UR) demandant que les entreprises d'armement soient transformées en sociétés anonymes non pas de droit privé mais de droit public. Selon les partisans de cette solution - les représentants socialistes et certains démocrates-chrétiens - le statut qu'ils préconisaient permettait notamment de mieux protéger les intérêts de la Confédération en matière de défense nationale dans la mesure où il autorisait un contrôle plus direct sur l'entreprise et qu'il excluait toute cession de la majorité du capital à des tiers. La majorité du Conseil des Etats a rejeté assez largement cette proposition arguant principalement que seul le statut de droit privé permettrait aux entreprises d'être viables au sein d'un marché de l'armement passablement contracté. Au sujet du deuxième objet de discussions, les sénateurs ont débattu d'une proposition Brunner (ps, GE) demandant de mentionner dans la loi l'obligation pour les employeurs de négocier une convention collective de travail. Rejetant la proposition, la majorité de la chambre des cantons a souligné que ce complément à la loi était absolument inutile dans la mesure où la négociation de conventions collectives était une pratique quasiment institutionnalisée en Suisse.
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Nominations
Le Conseil fédéral a nommé le divisionnaire Hans-Ulrich Scherrer, d'origine saint-galloise et âgé de 55 ans, à la tête de l'état-major général de l'armée. Il succédera à ce poste, en janvier 1998, à Arthur Liener. Ce dernier avait annoncé sa démission en 1996, suite aux critiques dont il avait fait l'objet dans le cadre de l'affaire Nyffenegger [18].
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Système de promotion des officiers
Donnant suite à différentes affaires concernant des promotions contestées d'officiers (affaire Nyffenegger, promotions d'officiers sous le coup d'une enquête pénale), la commission de gestion du Conseil national a publié un rapport sur le système d'avancement des cadres de l'armée. Ne remettant pas fondamentalement en cause le système actuel et saluant notamment la récente modification du texte d'application rendant plus restrictives les conditions de promotion, la commission a néanmoins relevé, lors de son enquête, de multiples dysfonctionnements. De nombreux cas d'officiers promus, malgré des qualifications insuffisantes, grâce à l'influence de particuliers ou de groupements d'intérêts furent entre autres constatés. Faute d'informations suffisantes sur les éventuels antécédents judiciaires des prétendants, nombreux furent également les officiers à monter en grade alors qu'ils étaient soit sous le coup d'une procédure pénale, soit qu'ils avaient fait l'objet d'une condamnation. Afin de remédier à ce dernier problème, la commission propose d'introduire une obligation pour les candidats de produire un extrait de leur casier judiciaire. Dans le but d'améliorer plus généralement l'efficacité de l'évaluation des candidats, la commission suggère que les subordonnés puissent également participer à l'élaboration des qualifications. Enfin, le DMF est encouragé à annuler les promotions des officiers dont il s'est avéré par la suite qu'ils ne remplissaient pas les conditions d'avancement [19].
 
[12] TA, 8.2 et 22.5.97; NQ, 24.3 et 22.5.97; presse du 4.9.97. Voir également APS 1996, p. 97.12
[13] NQ, 14.1.97; presse du 16.1.97. Voir également APS 1996, p. 97.13
[14] BO CN, 1997, p. 2231 s.14
[15] FF, 1997, III, p. 708 ss.; presse du 17.4.97. Voir également APS 1996, p. 97.15
[16] BO CN, 1997, p. 1409 ss.16
[18] Presse du 18.3.97. Voir également APS 1996, p. 98.18
[19] FF, 1998, p. 988 ss.19