Année politique Suisse 1997 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Production animale
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Lait
Le ministère public a clos son enquête sur les ristournes pratiquées par l'USF afin d'écouler de plus grandes quantités de fromage dans les pays de l'Union européenne. En plus du cadre de l'organisation fromagère arrêté l'an dernier, le procureur de la Confédération, C. del Ponte, a demandé au juge d'instruction fédéral d'ouvrir une procédure contre quatre autres prévenus. Parmi ces derniers figure le vice-directeur de l'Office fédéral de l'agriculture. Les griefs retenus sont ceux de corruption active et passive, d'abus de confiance et de faux dans les titres. Rappelons qu'au total quelque 18 000 tonnes de fromage ont été exportées grâce au système de ristournes. La fraude en termes de droits de douane s'élève à 68 millions de francs [18].
Le Conseil fédéral a décidé d'augmenter de 7 à 12 centimes le supplément sur le lait transformé en fromage. Cette mesure doit permettre d'améliorer la compétitivité du secteur fromager sur les marchés intérieur et extérieur. Dans le même souci de ménager le revenu des paysans, le gouvernement a par ailleurs renoncé à la baisse prévue pour 1998 de 10 centimes du prix du lait. Le coût de cette décision (65 millions de francs) sera financé par la suppression ou la réduction de certaines autres aides en vigueur dans l'économie laitière. Ainsi, par exemple, les contributions visant à réduire le prix du beurre baisseront généralement de 30 centimes par kilo. Le supplément versé aux centres de centrifugation locaux sera lui ramené de 85 à 40 centimes par kilo de beurre [19].
La nouvelle loi sur l'agriculture prévoyant la suppression de l'USF, le Conseil fédéral a chargé le DFEP de s'atteler à la dissolution de l'organisation semi-étatique. Afin de préparer la libéralisation de la commercialisation du fromage, il est prévu de demander aux commerçants de payer à la livraison les meules de fromages commandées. Sous le système actuel, les détaillants ne paient que les meules qu'ils ont pu écouler, l'USF devant prendre en charge les soldes invendus. Les bureaux de l'USF à l'étranger, chargés de la promotion des fromages suisses, pourraient par ailleurs être supprimés. Dans un tel cas, les quelque 40 millions de francs dépensés chaque année pour des opérations de promotion seraient versés directement aux exportateurs de fromage [20].
Les retraits successifs des plus gros groupes faisant partie de la société Fromages suisses SA ont signifié l'éclatement, puis la dissolution de cette dernière. Société privée créée en 1996 afin de remplacer à terme l'USF, Fromages suisses SA était chargée de l'exportation de fromages à pâtes dures (emmental, gruyère, sbrinz). Des conflits d'intérêts et des divergences de points de vue entre les différents producteurs de fromage au sujet de la politique à mener dans ce domaine auraient conduit à cet épilogue. Ces derniers affronteront désormais en ordre dispersé les marchés étrangers. Afin d'éviter une guerre des prix ruineuse pour tous, un accord pourrait cependant être trouvé entre les principaux groupes [21].
Selon une étude de l'Institut d'économie agricole de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, le nombre de postes de travail existant au sein de l'économie laitière devrait diminuer de 20% d'ici 2006, du fait de la libéralisation prônée par la deuxième étape de la politique agricole (cf. supra). Rappelons que ce secteur occupe pas moins de 49 000 paysans et que 4000 et 16 500 personnes travaillent respectivement en amont et aval de l'économie laitière [22].
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Viande
Décrété l'an dernier par le parlement dans le but d'éradiquer l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), le plan d'abattage a pu être achevé pendant les premiers mois de l'année 1997. Au total, ce ne sont pas moins de 2300 têtes de bétail qui ont été portées à l'abattoir. L'opération a coûté à la Confédération près de 9 millions de francs (indemnité versée à chaque éleveur: 3350 francs par bête). Certes réticents et, pour certains, tentant en vain de faire recours contre la décision d'abattage, les paysans ont, au dire de l'Office vétérinaire fédéral, dans l'ensemble pleinement participé à l'opération. Rappelons que le plan adopté par le parlement prévoyait d'éliminer les animaux faisant partie de troupeaux ayant connu un cas de vache folle. Si le cas pathogène était né avant 1990, soit avant l'interdiction de l'utilisation de la farine animale aux fins d'affouragement du bétail, seuls les animaux nés avant cette date ont été supprimés; si l'animal malade était né après cette date, c'est l'ensemble du troupeau qui a été porté à l'abattoir. Les parties à risque des cadavres (moelle épinière, cervelle, peau) ont été soit incinérées, soit envoyées dans des laboratoires pour examen. Le reste des carcasses a été transformé en farine animale destinée à l'alimentation de la volaille et des porcins [23].
Malgré ces mesures, la situation sur le plan des exportations de viande et de bovins helvétiques n'a pas connu d'amélioration, le nombre de pays boycottant le boeuf suisse passant même de 25 à 32 [24]. Afin de faire lever ces embargos, les autorités suisses ont mené en vain de vastes campagnes d'information - notamment dans le cadre de l'OMC - auprès des principaux clients de l'agriculture indigène (Allemagne, France, Italie et Autriche). Les émissaires de la Confédération ont souligné, d'une part, que les mesures sanitaires prises par la Suisse étaient sous bien des aspects plus draconiennes que celles adoptées par les pays étrangers et que, d'autre part, elles portaient leurs fruits dans la mesure où le nombre de cas de vaches victimes de la maladie ne cessait de diminuer (1995: 68; 1996: 45; 1997: 35). Les autorités suisses ont également rappelé que tant la Commission européenne l'an dernier qu'un rapport d'experts mandatés cette année par l'UE avaient conclu au caractère infondé des mesures prises contre la Suisse. Au vu du peu d'effets de ces démarches, de nombreux commentateurs ont relevé que la Suisse payait là, vraisemblablement, le prix de son isolement européen: la Confédération ne faisant pas partie de l'UE, cette dernière ne pouvait traiter plus favorablement les agriculteurs helvétiques que ceux britanniques, quand bien même l'ESB était sans commune mesure plus répandue au sein du cheptel d'Outre-Manche [25].
En fin d'année, le DFEP a mis en consultation un projet de révision de l'ordonnance sur les épizooties. La mouture proposée prévoit de compléter les mesures sanitaires existant en la matière en reprenant les normes édictées cette année par l'UE. Parmi les nouvelles prescriptions figure notamment l'obligation de soumettre, avant abattage, le bétail bovin, ovin et caprin de plus de six mois à un examen vétérinaire. A l'image de ce qui est déjà valable pour la viande bovine, les organes de caprins et ovins au sujet desquels le moindre doute existe ne pourront par ailleurs plus être destinés à l'alimentation humaine [26]. Enfin, les os ainsi que la graisse destinée à l'alimentation des animaux devront préalablement être stérilisés à 133 degrés, à l'instar de ce qui se fait pour les autres abats. Réitérant que les mesures prises jusqu'alors étaient pleinement suffisantes, le DFEP a toutefois relevé, lors de la présentation de son projet, que les négociations avec les Etats européens avaient clairement démontré que la Suisse ne saurait espérer une levée, voire uniquement un assouplissement du boycott, sans une telle harmonisation avec les normes communautaires. Réagissant aux propositions de l'exécutif, les différents milieux consultés ont dans l'ensemble approuvé la modification de l'ordonnance. Les cantons ainsi que l'USAM ont cependant dénoncé les coûts supplémentaires engendrés notamment par l'obligation de soumettre tous les animaux de plus de 6 mois à un contrôle avant l'abattage. Concédant que la Confédération n'avait vraisemblablement pas d'autre choix, l'Association des fabricants d'aliments fourragers a relevé que les nouvelles normes exigées de la Suisse n'étaient pas toujours appliquées par certains pays de l'UE [27].
Afin d'écouler les énormes excédents de boeuf stockés (12 000 tonnes depuis le début de la crise) résultant du boycott de la viande suisse et de la chute de la demande intérieure (1996: -10%; 1997: -5%), les autorités ont débloqué en faveur des personnes démunies quelque 5 millions de francs sous forme de bons d'achats de 10 francs. Les associations d'entraide ont été chargées de la distribution des bons aux personnes nécessiteuses. 4500 tonnes de viande ont également été acheminées en Corée du Nord à titre d'aide humanitaire et 500 tonnes ont été vendues à très bas prix (2 francs le kilo) au Congo. Dans ce dernier cas, les organisations d'aide au développement ont dénoncé les effets catastrophiques d'une telle action pour les éleveurs locaux. L'OFV a pour sa part déclaré que la viande écoulée avait été dûment contrôlée et ne présentait aucun risque pour la santé des consommateurs [28].
Estimant que les agriculteurs ne pouvaient nullement être tenus pour responsables de la crise de la vache folle, l'Union des producteurs suisses (UPS) et l'Association des groupements et organisations romands de l'agriculture (Agora) ont déposé, au nom de 2165 paysans qui leur avaient donné procuration pour agir, une plainte en dommages et intérêts contre la Confédération. Selon les deux associations, les autorités fédérales auraient attendu jusqu'en 1990 pour interdire les farines animales alors que dès 1988 - c'est-à-dire dès les premiers soupçons d'une possible transmission à l'homme - les autres pays européens prenaient eux les mesures nécessaires. Les autorités sanitaires n'auraient en outre rien fait, une fois l'interdiction décidée, pour retirer les stocks encore en circulation. Le dédommagement réclamé à la Confédération est de l'ordre de 175 millions de francs. Celui-ci comprend les pertes subies en 1996 ainsi que celles prévues pour les trois prochaines années. Sans vouloir s'associer formellement à la démarche, l'USP a cependant déclaré la soutenir pleinement [29].
L'OFAG a décidé d'interdire l'utilisation d'un antibiotique - l'Avoparcine - dans l'alimentation des animaux à engrais. Visant à accélérer la croissance des animaux, la substance est soupçonnée de développer des germes résistant à d'autres antibiotiques et pouvant être transmis à l'homme. L'interdiction décrétée par les autorités fédérales fait suite à une décision similaire de l'UE prise quelque temps auparavant. Les milieux paysans ont salué la mesure, relevant qu'une différence de législation aurait encore plus marginalisé l'agriculture helvétique. Le fabricant du produit incriminé, le groupe bâlois Roche, a en revanche protesté contre l'interdiction, estimant qu'il n'était pas prouvé que l'Avoparcine rende l'homme résistant à certains antibiotiques [30].
 
[18] 24 Heures, 11.1 et 29.5.97. Voir également APS 1996, p. 131 s. Il est à relever que la Confédération devra s'acquitter, outre des droits de douane impayés, d'amendes importantes auprès des pays lésés. Le montant à régler aux autorités françaises s'élève à 500 000 francs. Le montant total réclamé par les autorités italiennes (droits de douane non payés + amende) pourrait atteindre 20 millions de francs: NQ, 13.1.97.18
[19] Presse des 11.4, 29.5 et 16.12.97.19
[20] BZ, 29.1.97; Lib., 4.3 et 19.6.97; 24 Heures, 4.3 et 28.7.97. 20
[21] Presse des 28.8 et 7.10.97. Voir également APS 1995, p. 131 s.21
[22] TA, 8.10.97.22
[23] NQ, 8.1.97; presse du 6.2.97; 24 Heures, 15.7.97; TA, 22.11.97. Voir également APS 1996, p. 132 ss.23
[24] Parmi les pays imposant un embargo à la Suisse, l'Allemagne s'est particulièrement distinguée par son intransigeance. Outre l'interdiction d'importation, elle a notamment ordonné l'abattage de quelque 2600 bovins d'origine helvétique en possession d'éleveurs allemands. Ces animaux n'avaient pourtant jamais fait partie de troupeaux connaissant des cas de vaches folles. Sur pression des milieux agricoles indigènes, la Confédération a de son côté interdit l'importation des porcs provenant de cinq Länder allemands qui connaissent une épidémie de peste: NQ, 2.2 et 6.2.97.24
[25] NQ, 13.1 et 31.7.97; TA, 6.2.97; NZZ, 8.2.97; SGT, 19.3.97; NLZ, 29.3.97; 24 Heures, 8.4.97; SZ, 31.7.97; JdG, 2.8.97. Malgré le maintien des mesures d'embargo contre le boeuf helvétique, le CF n'a pas jugé bon de représenter au parlement le plan d'abattage qu'il avait concocté l'année précédente et qui prévoyait l'élimination de quelque 230 000 têtes de bétail. Notons encore que le parlement a pris acte d'une pétition contre ce plan déposée par l'Union suisse des maîtres bouchers et munie de 145 000 signatures. Considérant les objectifs de la pétition atteints - le plan du CF n'ayant pas été exécuté - les deux chambres ont décidé de la classer: BO CE, 1997, p. 338; BO CN, 1997, p. 1449 s. Voir APS 1996, p. 134.25
[26] L'extension des mesures sanitaires aux ovins et caprins est due à la découverte que ces animaux peuvent également être porteurs de l'ESB.26
[27] Bund et NZZ, 8.10.97; JdG et SZ, 14.11.97.27
[28] Lib., 30.1 et 25.9.97; TA, 21.2.97; 24 Heures, 22.2.97; NZZ, 5.3.97; JdG, 16.4.97.28
[29] NQ, 16.1.97; Lib., 30.1.97; 24 Heures, 1.3 et 19.3.97; presse du 20.3.97; SGT, 6.10.97.29
[30] TA, 8.1.97; 24 Heures, 1.2.97; NQ, 4.2.97; SZ, 24.10.97.30