Année politique Suisse 1997 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Politique énergétique
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Loi sur l'énergie (LEn)
L'examen du projet de loi sur l'énergie par les Chambres fédérales a sans nul doute constitué le principal enjeu de la politique énergétique suisse durant l'année 1997. Destiné à prendre le relais de l'arrêté fédéral de 1990 dont la validité expire fin 1998, ce texte - qui s'articule autour des principes de coopération avec les milieux concernés et de subsidiarité - a fait l'objet d'un débat fleuve au sein du Conseil national. Les multiples prises de position et propositions de modification qui intervinrent à cette occasion révélèrent l'existence de deux camps difficilement conciliables: Le premier fut composé des socialistes, des écologistes mais également de plusieurs députés radicaux et démocrates-chrétiens qui souhaitèrent que la législation suisse en la matière prenne davantage en compte les aspects écologiques liés à la problématique énergétique. Regroupant la majorité des membres des partis bourgeois, le second camp témoigna pour sa part du souci de ne pas entraver la bonne marche de l'économie par des prescriptions étatiques jugées par trop interventionnistes. Ce clivage qui, deux jours durant, sourit dans une large mesure aux seuls intérêts des partisans d'une loi svelte tourna en faveur des défenseurs d'une législation plus incisive lors de l'examen d'une proposition émanant du député Suter (prd, BE). Epaulé en la circonstance par le démocrate-chrétien Eugen David (pdc, SG), le radical bernois se prononça pour le prélèvement d'une taxe d'incitation de 0,6 centime par kWh sur la consommation finale de toutes les énergies non renouvelables (pétrole, gaz, charbon et uranium). Selon le scénario avancé, il fut proposé que la moitié du produit de la taxe - estimé à 1 milliard de francs par an - serve à promouvoir l'énergie solaire dans les villes, l'énergie du bois et l'énergie tirée de la biomasse, tandis ce que les 500 autres millions seraient investis dans la modernisation des installations de chauffage et dans l'amélioration de l'isolation des bâtiments. Introduite progressivement dans un délai de quatre à six ans, la taxe cesserait d'être prélevée au bout de 20 ans pour autant que les énergies renouvelables puissent couvrir 50% au moins des besoins nationaux en énergie. Bien que farouchement combattue par les ténors des partis bourgeois qui virent dans ce nouvel impôt une menace pour la compétitivité de l'économie suisse et pour la création d'emplois, la proposition Suter fut néanmoins adoptée par 88 voix contre 82, grâce au soutien actif d'un groupe hétéroclite composé de socialistes, d'écologistes, de représentants agrariens et de députés des cantons de montagne.
Exception faite de cette disposition, les modifications apportées au projet du Conseil fédéral par la Chambre du peuple ont pour la plupart procédé de la volonté d'atténuer les prescriptions contenues dans l'arrêté fédéral sur l'énergie de 1990. Ainsi, les députés du National ont notamment décidé de supprimer l'obligation d'installer le décompte individuel des frais de chauffage dans les anciens bâtiments. Ils ont par ailleurs tenu à ce que ce système soit rendu facultatif pour les logements nouvellement construits, pour autant que la consommation effective d'énergie y soit inférieure de 35% aux normes SIA. Enfin, il fut décidé par 87 voix contre 81 de mettre fin au régime de l'autorisation concernant l'installation des chauffages électriques fixes, conformément au voeu exprimé par la majorité de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (Ceate). Adoptée par 76 voix contre 60 lors du vote sur l'ensemble, la LEn fut d'emblée hypothéquée par la menace d'un référendum que certains parlementaires proches des milieux économiques ne manquèrent pas de proférer à la suite de l'adoption de la proposition Suter.
Le travail de persuasion auquel se livrèrent les partisans de la taxe en tant qu'instrument incitatif intéressant non seulement sur le plan écologique, mais également économique (création à terme de dizaines de milliers d'emplois dans des secteurs de pointe) ne parvint toutefois pas à arracher l'assentiment du Conseil des Etats. Conformément à la recommandation émise par la Ceate, c'est en effet par 25 voix contre 3 que les sénateurs refusèrent de prélever pour l'heure une quelconque dîme sur la consommation finale des énergies non renouvelables. Ce refus très net ne fut toutefois pas interprété comme un rejet pur et simple du principe même d'une taxe sur l'énergie, mais davantage comme une décision destinée à temporiser le processus afin de permettre à l'administration de mener un examen approfondi sur les différentes modalités et conséquences d'un tel impôt, notamment sur l'économie. Si le Conseil des Etats s'est dès lors montré plus frileux que la Chambre du peuple en ce qui concerne la taxe, il a en revanche témoigné d'une plus grande sensibilité écologique, mais également fédéraliste, vis-à-vis du décompte individuel des frais de chauffage (DIFC) et de la procédure d'autorisation concernant l'installation de chauffages électriques fixes: Les sénateurs ont en effet décidé de déléguer aux cantons la compétence d'édicter des dispositions sur le DIFC dans les bâtiments neufs et existants ainsi que de leur laisser la possibilité de soumettre à autorisation l'installation des chauffages électriques fixes. Lors du vote sur l'ensemble, la Chambre haute a finalement avalisé la loi sur l'énergie à l'unanimité [10].
Par la suite, la Ceate du Conseil national a adopté par 15 voix contre 10 une proposition demandant que l'examen de la loi sur l'énergie ne soit pas poursuivi durant la session parlementaire de décembre, ceci afin de permettre la conduite d'une analyse approfondie sur les modalités d'une éventuelle taxe sur l'énergie, sur ses répercussions pour l'économie et pour l'environnement ainsi que sur sa constitutionnalité [11].
 
[10] BO CE, 1997, p. 940 ss. et 1010 ss.; presse des 20.8, 23.8, 9.10 et 10.10.97; NLZ, 18.9.97; NZZ, 27.9.97; TA, 4.10.97; BZ, 6.10.97; JdG, 21.10.97.10
[11] Presse du 22.10.97; NZZ, 24.10 et 5.11.97. Signalons en outre que le CE a décidé de se prononcer sur l'initiative parlementaire Steinemann, (pdl, SG) (décompte individuel des frais de chauffage) qu'une fois connu le résultat de la procédure d'élimination des divergences concernant la loi sur l'énergie: BO CE, 1997, p. 1022 et APS 1996, p. 163 s.11