Année politique Suisse 1997 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation
Trafic routier
Le Conseil fédéral a publié un
message proposant une modification de la loi sur la circulation routière. Alors que la longueur et la largeur maximales des poids lourds sont actuellement fixées dans la loi, le gouvernement propose que lui soit attribuée cette compétence, ce afin de pouvoir adapter plus aisément le dispositif légal à l'évolution des normes européennes. Présentant son projet, le Conseil fédéral a souligné que l'impossibilité d'harmoniser rapidement les tailles maximales admises à celles prévalant en Europe a de multiples conséquences négatives pour l'économie suisse. Ainsi, par exemple, les camions européens étant de taille plus élevée, l'importation et l'exportation de marchandises nécessitent des transbordements à la frontière qui renchérissent grandement les coûts des transports routiers. Le prix d'achat des poids lourds s'en trouve lui aussi accru, les véhicules devant être spécialement construits conformément aux normes helvétiques. L'absence d'uniformité des législations suisse et européenne entraîne enfin un trafic de contournement supérieur à celui existant du fait de la limite des 28 tonnes. Ajoutons qu'une fois la modification de la LCR adoptée par le parlement, l'exécutif devrait rehausser les limites supérieures autorisées au niveau de celles européennes. La largeur maximale passera de 2 m 50 à 2 m 55 et la longueur maximale (pour un train routier) à 18 m 75. Au dire du Conseil fédéral, cette modification ne portera préjudice ni à l'environnement ni à la sécurité routière
[20].
Lors de sa session d'hiver,
le Conseil national a adopté assez facilement le projet de l'exécutif, seuls les socialistes et les écologistes s'opposant à la modification proposée. De l'avis que la délégation à l'exécutif sur une question si sensible que la taille des camions était inacceptable, les députés roses-verts ont proposé de maintenir le statu quo en la matière tout en portant les largeur et longueur maximales prévues dans la loi à respectivement 2 m 55 et 18 m 75. Rejetant la proposition, la majorité bourgeoise de la grande chambre a estimé que l'argument démocratique était en l'occurrence quelque peu illusoire dans la mesure où la Suisse ne pouvait sur cette question que se conformer à l'évolution européenne. Arguant qu'il était de notoriété publique que les limites de poids et de grandeur n'étaient pas toujours respectées, la fraction rose-verte de la grande chambre a également proposé de prévoir dans la loi l'installation le long des routes d'appareils à même de contrôler le poids et les dimensions des véhicules. Peu convaincue de l'efficacité de ce genre de dispositif et de l'avis que la question relevait avant tout de la compétence des cantons, la chambre du peuple a largement rejeté la proposition. Elle a fait de même avec une proposition Hollenstein (pe, SG) qui, afin de fournir un argument supplémentaire aux représentants helvétiques aux négociations bilatérales, soumettait l'entrée en vigueur de la modification à la conclusion d'un accord avec l'Union. Pour de nombreux députés, ce genre de clause n'aurait que très peu d'effets sur l'UE dans la mesure où c'étaient avant tout les entreprises de transports indigènes et non celles européennes qui avaient besoin d'une harmonisation des normes. Par ailleurs, si l'on espérait une issue positive aux négociations, mieux valait ne pas faire de chantage et montrer sa volonté de s'adapter à la réglementation européenne
[21].
Transmis au
Conseil des Etats, le projet a également obtenu une
large approbation. A l'instar de leurs pairs du Conseil national, les sénateurs ont rejeté une proposition Onken (ps, TG) demandant que le parlement puisse conserver ses compétences en la matière
[22].
Lors de sa session d'été, le Conseil des Etats avait à examiner le message du gouvernement relatif à la taxe poids lourd kilométrique. Sans surprise, la question à retenir le plus l'attention des sénateurs fut celle relative au montant de la future taxe. Alors que le projet de l'exécutif comprenait une fourchette allant de 1,6 à 3 centimes par kilomètre parcouru, quatre autres propositions furent discutées. A celles avançant des montants maximaux et minimaux plus élevés que ceux chers à l'exécutif - de 2 à 4 centimes pour les socialistes Gentil (JU) et Onken (TG), voire de 2,5 à 5 centimes pour le démocrate-chrétien Küchler (OW) - s'opposaient celles émanant de la droite de l'hémicycle visant à abaisser la fourchette de perception. Après une série de votes en cascade, une courte majorité de sénateurs a finalement opté, contre l'avis du Conseil fédéral et de la commission des transports (CTT), pour la proposition du démocrate-chrétien grison Maissen prônant une fourchette allant de 0,6 à 2,5 centimes. A titre d'unique concession faite au camp socialiste ainsi qu'au Conseil fédéral, les représentants des cantons ont adopté une proposition Onken laissant au gouvernement la possibilité d'adapter, au 1er janvier 2005, les tarifs au coût de la vie.
Estimant que l'introduction de la nouvelle taxe entraînera vraisemblablement un renchérissement non négligeable des transports routiers, la majorité bourgeoise de la petite chambre argua qu'il était nécessaire de restreindre au maximum les conséquences négatives que ce nouvel impôt pourrait avoir pour l'ensemble de l'économie et plus particulièrement pour les régions montagneuses et périphériques, qui ne peuvent reporter leur trafic routier sur le rail faute d'infrastructure ferroviaire suffisante. De plus, contrairement à ce qu'affirmaient les défenseurs de montants plus élevés, la fourchette adoptée suffisait amplement à atteindre les buts poursuivis, une taxe de 2,5 centimes permettant, de l'avis même du gouvernement, à la fois de couvrir les coûts externes du trafic routier (1,15 milliards), de favoriser un transfert conséquent des camions de la route au rail et d'assurer le financement des NLFA. A ceux qui arguaient que le montant maximal prévu ne couvrait que certains coûts externes (accidents, dégâts au bâtiment, atteintes à la santé) sans tenir compte des dégâts à l'environnement, de nombreux sénateurs ont rétorqué qu'en l'absence d'un consensus scientifique sur l'estimation monétaire de ce second type de coûts, il fallait laisser cette question en suspens. Enfin, il fut relevé, eu égard à l'intransigeance manifestée par l'UE dans le cadre des négociations bilatérales, que toute taxe dépassant les 2,5 centimes était illusoire et empêcherait d'aboutir à un quelconque accord.
Hormis ces modifications relatives au montant de la taxe, la petite chambre a tenu à
prendre plus explicitement en compte les intérêts des régions périphériques et montagneuses. Ainsi, elle a ajouté une disposition exigeant du gouvernement qu'il se soucie plus particulièrement, lors de l'introduction et de l'adaptation de la taxe poids lourd, des conséquences pour les régions peu ou pas desservies par le rail. Sur proposition de l'Uranais Inderkum (pdc), les sénateurs ont également tenu que la répartition du produit de la redevance revenant aux cantons s'opère prioritairement en fonction des répercussions de la nouvelle taxe sur ces régions
[23].
Transmis au Conseil national, le projet de loi fut également vivement discuté. Après avoir rejeté, lors de l'entrée en matière, des propositions de renvoi Friderici (pl, VD) et de l'ex-automobiliste Scherrer (pdl, BE), les conseillers nationaux portèrent eux aussi leur attention sur le montant de la taxe. A ce sujet, pas moins de six propositions furent soumises à l'approbation des députés. Outre la fourchette décidée par la chambre des cantons et celle chère au gouvernement - soutenues respectivement par le groupe radical et une majorité de la CTT -, la grande chambre eut notamment à examiner une proposition Giezendanner (udc, AG) prévoyant de plafonner la taxe à 1,3 centime. Selon le député argovien, appuyé par son propre groupe ainsi que par les représentants des partis libéral et de la liberté, les montants prônés par le Conseil des Etats ne pouvaient que conduire à un renchérissement inacceptable pour le consommateur et pénaliser les régions périphériques et montagneuses. A l'autre extrême figuraient les propositions socialistes et écologistes préconisant des fourchettes allant jusqu'à 4, voire 6 centimes.
Renvoyant dos à dos les propositions les plus extrémistes, mais écartant également les fourchettes plus modérées, les conseillers nationaux ont finalement opté pour une solution, suggérée par le radical Bezzola (GR), prévoyant des montants différenciés selon le tonnage: si, pour un 28 tonnes, la redevance sera comprise entre 0,6 et 2,5 centimes, elle sera de 3 centimes pour un 40 tonnes. Selon la majorité de la chambre du peuple, cette solution avait l'avantage de distinguer entre trafic indigène et de transit, le premier étant constitué principalement de camions de 28 tonnes et le second de 40 tonnes. Ceci permettait en conséquence de favoriser le transfert de la route au rail du trafic de transit tout en ne pénalisant pas trop lourdement le transport routier interne, ce qui contribuerait vraisemblablement à un résultat positif en cas de votation populaire. Interpellé par certains parlementaires bourgeois estimant que la solution adoptée serait refusée par l'UE parce que discriminatoire à l'égard des camions européens, le chef du DFTCE, qui ne s'était pourtant pas opposé à la proposition Bezzola, s'est déclaré lui aussi sceptique sur l'eurocompatibilité de la solution adoptée.
Outre cette modification du projet adopté par la chambre des cantons
, les conseillers nationaux ont également tenu à exempter de la future redevance les autocars. Etant donné l'importance de ces derniers pour le secteur touristique, la majorité de la grande chambre a en effet décidé de ne soumettre ce type de trafic qu'à une taxation forfaitaire, ce malgré l'opposition des députés socialistes et écologistes pour lesquels ce traitement de faveur ne se justifiait pas. Concernant les modifications introduites par la petite chambre - relatives à une meilleure prise en compte des intérêts des cantons ainsi qu'à l'adaptation des tarifs au renchérissement - les conseillers nationaux ont en revanche facilement suivi leurs pairs sénateurs
[24].
Saisi à nouveau du projet, le
Conseil des Etats a opté, au sujet de la fourchette de perception de la taxe, pour une solution de compromis. Concédant à la grande chambre qu'un montant de 2,5 centimes ne serait peut-être pas à même d'assurer le transfert des 40 tonnes de la route au rail, les conseillers aux Etats ont cependant tenu, sur proposition de la radicale Beerli (BE), à ce que
le montant de 3 centimes ne figure pas de manière contraignante dans la loi, mais qu'il constitue uniquement une limite supérieure à ne pas dépasser. Concernant la différenciation entre les 40 tonnes et les 28 tonnes, la chambre des cantons a également souhaité que la loi attribue plus de marge de manoeuvre aux autorités, les sénateurs laissant au gouvernement la liberté de diminuer ou non la taxe frappant le trafic de 28 tonnes de 20%. Selon la majorité de la petite chambre, cette double flexibilisation de la solution adoptée par le Conseil national était indispensable si l'on entendait que les négociations bilatérales avec l'Union en matière de transports aboutissent. L'UE ayant clairement fait savoir que la discrimination des camions européens posait problème, rendre uniquement optionnelle la différenciation des tarifs était sans doute judicieux. De même, ne pas fixer de façon impérative dans la loi le montant exact auquel seront taxés les 40 tonnes évitait de donner à l'Union européenne l'impression que le parlement helvétique voulait imposer unilatéralement, sans possibilité de négociations, ses vues sur la question. Saluant l'originalité de la proposition Beerli, le conseiller fédéral Leuenberger a largement repris cette argumentation, concédant que l'intransigeance européenne avait été jusque-là sous-estimée
[25].
De retour au Conseil national, la proposition des sénateurs fut adoptée par une large majorité des députés. Opposés à la solution finalement choisie, les socialistes et les écologistes ont proposé en vain que le montant de trois centimes soit fixé de manière impérative dans la loi
[26].
Peu après la décision du parlement,
l'ASTAG a annoncé qu'elle lançait un référendum contre la loi. Selon l'association des transporteurs routiers, la version approuvée de la taxe renchérira les coûts des transports par route de non moins de 30%. Cette charge supplémentaire pour l'économie suisse signifiera une suppression massive d'emplois. Le comité référendaire pourra compter sur l'appui de l'UDC, du PL et du PdL. Les partisans du projet adopté (notamment PS, PRD et PDC) ont pour leur part mis en garde que sans la nouvelle redevance, il deviendrait impossible, pour des raisons financières, de construire les NLFA, ce qui rendrait à son tour impossible tout accord avec l'UE en matière de transports. Le seul aboutissement du référendum pourrait renvoyer la conclusion d'un accord à 1999. Argumentant de manière similaire, le Vorort s'est déclaré opposé au lancement du référendum
[27].
Contrairement à ce qu'avait décidé la grande chambre en 1996, le Conseil des Etats a rejeté une motion Bortoluzzi (udc, ZH) demandant au gouvernement de créer les bases juridiques nécessaires afin de subordonner l'obtention du permis de conduire à la présentation d'un certificat écartant toute
toxicomanie de la part du candidat. Partageant le souci qu'il ne fallait pas permettre de conduire à des personnes susceptibles de mettre à mal la sécurité sur les routes, la majorité des sénateurs a cependant estimé que l'exigence de présenter un tel document était une solution totalement disproportionnée, la très grande partie des candidats au permis de conduire ne consommant pas de drogues illégales
[28].
[20]
FF, 1997, IV, p. 1095 ss.;
NZZ, 30.9.97.20
[21]
BO CN, 1997, p. 2460 ss., 2650 s. et 2914.21
[22]
BO CE, 1997, p. 1173 ss. et 1376;
FF, 1997, IV, p. 1412 s.22
[23]
BO CE, 1997, p. 533 ss.; presse des 11.6 et 12.6.97. Voir également
APS 1996, p. 180 s. Il est à relever que lors de l'entrée en matière, les sénateurs ont rejeté un proposition de renvoi du libéral Cavadini (NE). Alors que ce dernier estimait impossible d'examiner cet objet sans attendre le résultat des négociations bilatérales avec l'UE, une assez large majorité des sénateurs a jugé au contraire que l'importance du projet par rapport notamment à la question du financement des NLFA nécessitait un traitement immédiat.23
[24]
BO CN, 1997, p. 2104 ss. et 2152 ss.; presse du 10.10.97.24
[25]
BO CE, 1997, p. 1127 ss.; presse du 9.12.97. Les sénateurs ont par ailleurs suivi le CN en ce qui concerne la taxation à appliquer aux cars. Ils sont même allés plus loin dans la prise en compte des intérêts du secteur touristique puisqu'ils ont décidé de plafonner le forfait à 5000 francs. Appliqué aux plus gros cars (18 tonnes), ce plafond correspond, pour 47 000 kilomètres parcourus par année, à une taxe de 0,6 centime.25
[26]
BO CN, 1997, p. 2565 ss. et 2915;
BO CE, 1997, p. 1376;
FF, 1997, IV, p. 1414 ss.26
[27] Presse du 20.12.97.27
[28]
BO CE, 1997, p. 225 s. Voir également
APS 1996, p. 182.28
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