Année politique Suisse 1998 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Energie nucléaire
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Transports de déchets nucléaires
La Chambre du peuple a décidé de transformer en postulat une motion Teuscher (pe, BE) invitant le Conseil fédéral à réviser la législation en vigueur sur l'énergie atomique de façon à empêcher l'exportation d'éléments combustibles nucléaires usés à l'étranger. La question sera développée dans le cadre de la révision totale de la loi sur l'énergie atomique, ainsi que dans le dialogue engagé au niveau national sur l'énergie, a assuré le conseiller fédéral Leuenberger [23].
Début mai, la Direction française de la sécurité des installations nucléaires (DSIN) admettait publiquement avoir mesuré un taux de radioactivité anormal sur des wagons suisses. Ceux-ci transportaient des déchets provenant de centrales nucléaires suisses, destinés au retraitement à l'usine de La Hague. Par la suite, la Société nationale de chemins de fer française a révélé des taux de contamination radioactive de 300 à 400 fois supérieurs aux normes de sécurité dans des wagons provenant de Suisse et d'Allemagne. Elle a décidé de stopper tout transport de déchets nucléaires. Suite à ces révélations, l'Office fédéral de l'énergie a décidé de suspendre toute autorisation pour le transport d'éléments combustibles irradiés tant que l'on ne connaîtrait pas les causes exactes de contamination. Bien que ces taux élevés n'aient à aucun moment mis en danger la santé physique de personnes, l'affaire a fortement secoué l'opinion publique et eu de nombreux échos auprès des médias. Le directeur de la DSN (Division de sécurité des installations nucléaires) suisse a assuré que les wagons étaient tous contrôlés avant leur départ et qu'ils n'étaient pas contaminés, il a supposé que la contamination s'était produite en cours de transport. Les centrales suisses ont supposé que l'eau qui recouvre les déchets lors de leur chargement avait pu contaminer les conteneurs. Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger a ordonné une enquête interne à la DSN sur le fait, relaté par les médias, que des collaborateurs n'auraient pas informé le directeur des taux de contamination trop élevés. Il a également ordonné une enquête sur le rôle de la DSIN lors du transport de déchets nucléaires en France. Le chef du DETEC a annoncé un renforcement de l'indépendance de la DSN. L'organisme sera détaché du contrôle direct de l'administration et intégré dans une future «Agence nationale de sécurité». Les producteurs suisses d'énergie nucléaire ont reconnu les dysfonctionnements et ont assuré pour l'avenir leur coopération avec les autorités dans la refonte du système de surveillance des transports. Les organisations antinucléaires ont réaffirmé leurs positions qui ont trouvé dans cette affaire un appui certain. Les choses se sont encore envenimées suite au dépôt d'une plainte d'antinucléaires français et anglais auprès du Ministère public de la Confédération contre les autorités nucléaires suisses dans leur ensemble. La plainte visait les dirigeants des quatre centrales nucléaires en cause, la DSN et les fonctionnaires de l'Office fédéral de l'énergie. L'enquête menée par les centrales nucléaires a révélé que, ces dernières années, 26 cas de conteneurs destinés à l'étranger avaient atteint des taux de radiation trop élevés, cinq cas avaient dépassé les valeurs limites, selon l'Association suisse pour l'énergie atomique [24].
Le Conseil national a transformé en postulat une motion Stump (ps, AG) ayant trait au scandale des fuites radioactives. Le motionnaire a demandé une interdiction de tout transport de déchets nucléaires à retraiter, l'arrêt immédiat de tout retraitement, la suspension des contrats en cours, la réorganisation totale des autorités de surveillance et la création d'une autorité de contrôle et de vérification indépendante des autorités délivrant les autorisations. Le Conseil fédéral a répété qu'aucune autorisation ne serait délivrée avant une clarification des causes de la contamination et avant la mise en place de mesures adéquates afin de supprimer tout risque. L'exécutif a rappelé que la question du retraitement des déchets radioactifs sera abordée prioritairement lors de la révision de la loi sur l'énergie atomique, un abandon du retraitement est envisagé ainsi qu'un stockage définitif des déchets. Il a rappelé que le DETEC avait déjà entrepris la mise en place d'une agence nationale de sécurité avant les événements en question. Cette agence regroupera les organes fédéraux de surveillance et sera indépendante des autorités délivrant les autorisations. Une interpellation urgente Plattner (ps, BS) a également été formulée à ce sujet au Conseil des Etats [25].
L'affaire a continué à faire des vagues au Conseil National avec une initiative parlementaire des Verts réclamant la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire indépendante chargée d'examiner les transports de déchets nucléaires en Suisse et les procédures de concession, ainsi que de surveiller les centrales nucléaires suisses. L'initiative a été rejetée par les parlementaires qui ont estimé que les éclaircissements de la commission de gestion, ainsi que les mesures du chef du DETEC, seraient aptes à éclaircir la situation [26].
En fin d'année, les autorités suisses ont rédigé, avec les autorités allemandes, françaises et britanniques, un rapport international afin d'éviter toute contamination lors de transports de déchets nucléaires. Dorénavant, les centrales devront contrôler plus sévèrement leurs transports. La communication réciproque entre les différents pays devra être améliorée et une banque de données internationale sur les transports de déchets nucléaires sera mise en place. Le représentant de la DSN a déclaré que les centrales nucléaires suisses n'étaient toujours pas en mesure d'assurer le respect des limites autorisées. Ainsi, les centrales ne pouvant pas déterminer précisément les causes de contamination, tout transport est resté interdit. Les CFF ont déclaré pour leur part qu'ils étaient prêts à reprendre les transports dès que la DSN le leur autoriserait. La DSN et les CFF ont décidé qu'un expert en protection des radiations accompagnerait désormais chaque transport et que des contrôles médicaux seraient effectués deux fois par année pour le personnel des CFF en contact avec les wagons [27].
 
[23] BO CN, 1998, p. 739 s.23
[24] Presse des 7.5, 8.5, 15.5, 19.5, 30.5 et 4.6.98; 24 Heures, 9.6.98; LT, 24.6.98; NZZ, 2.9.98.24
[25] BO CN, 1998, p. 2191 s.; BO CE, 1998, p. 713 ss.25
[26] BO CN, 1998, p. 2769 ss.26
[27] WoZ, 3.12.98; NZZ, 4.12.98.27