Année politique Suisse 1999 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung / Défense nationale et société
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Politique de sécurité
Intitulé « la sécurité par la coopération », le rapport sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000) a été délivré par le Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale. Dressant un état des lieux des dangers potentiels actuels et futurs et définissant en conséquence les grandes options stratégiques à prendre, il doit constituer le fondement des projets de réforme de l’armée et de la protection de la population. C’est en 1990 que le dernier rapport sur ce sujet avait été publié.
Depuis cette époque, la situation de la Suisse en matière de sécurité s’est dans l’ensemble améliorée, constate-t-on dans RAPOLSEC 2000. Avant toute chose, la menace militaire conventionnelle est devenue relativement réduite avec désormais des délais de préalerte de plusieurs années. Par contre, le Conseil fédéral semble craindre l’avènement de différends nucléaires régionaux, mais écarte la thèse d’un conflit interétatique proche ou généralisé. Le rapport met aussi en évidence l’éventualité d’une importation de conflits par le biais des requérants d’asile ou de chefs de groupes politiques étrangers résidant en Suisse. D’un point de vue économique, il est cité « les restrictions à la liberté des échanges et les pressions économiques », mais également le potentiel d’instabilité et d’injustice sociale que contient la dynamique économique mondiale, ainsi que les dangers liés aux atteintes portées à l’environnement. La menace pourrait par ailleurs se concrétiser contre les infrastructures informatiques et de communication, ceci allant des perturbations de l’économie jusqu’à la paralysie des capacités politiques et militaires. Sur ce dernier point, le rapport prévoit l’influence prépondérante des développements technologiques sur la sécurité et met en avant la tendance à des engagements militaires effectués à grande distance avec des moyens humains réduits. De même, le développement et la diffusion des toxiques de combats biologiques pourraient jouer dans les conflits de l’avenir un rôle décisif. Parmi les autres dangers, le rapport mentionne encore la criminalité et le crime organisé, le terrorisme, l’espionnage, l’extrémisme violent, les violations des droits de l’homme, les frictions dues à l’évolution démographique et aux migrations et les grandes catastrophes naturelles.
La nouvelle politique de sécurité de la Suisse est basée sur une stratégie de coopération nationale et internationale, explique le Conseil fédéral. A l’intérieur du pays, la conduite stratégique est effectuée par le Conseil fédéral au niveau de la Confédération et au niveau des cantons par les gouvernements cantonaux. L’organisation de défense générale est remplacée par une coopération globale et souple en matière de sécurité. Confédération, cantons, communes et organisations privées sont intégrés dans le dispositif et un Organe de direction pour la sécurité (ODS) sera institué pour garantir une coordination optimale. Cet organe d’état-major sera chargé des travaux préparatoires du Conseil fédéral et devra détecter les dangers, élaborer des scénarios, des stratégies et suivre de façon permanente l’évolution de la situation de la sécurité. La création de l’ODS entraînera la suppression du Conseil de la défense, de l’Etat-major de la défense et du groupe de coordination de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité. A l’étranger, la politique se compose de préférence de l’engagement préventif, mais au besoin également de l’engagement réactif afin de gérer les crises par des actions multinationales collectives coordonnées, de stabiliser des régions agitées et, de manière plus générale, de renforcer réciproquement les mesures de sécurité.
En comparaison du rapport 90, trois nouvelles tâches stratégiques sont énumérées selon un ordre de probabilité: la promotion de la paix et la gestion des crises (reconstruction des régions endommagées par la guerre, gestion pacifique des crises internationales), la prévention et la maîtrise des dangers existentiels (catastrophes naturelles et anthropiques, perturbations de l’ordre intérieur) et la défense (maintien de la capacité de défendre la souveraineté, le territoire, l’espace aérien et la population). La neutralité est maintenue, « mais ne doit pas devenir un obstacle à la sécurité ». RAPOLSEC 2000 met en effet en garde contre un sentiment de sécurité trompeur offert par la neutralité, dans la mesure où les affrontements n’auront sans doute plus lieu entre les Etats, mais à l’intérieur des Etats.
Selon le rapport, l’adhésion de la Suisse à l’OTAN n’est actuellement pas nécessaire et celle à l’UE ne poserait pas de problèmes par rapport à la politique de sécurité et au concept de neutralité. Dans cette hypothèse, la Suisse serait, sauf exception, tenue d’appliquer les politiques communes, mais en tant que non-membre de l’OTAN, elle pourrait bénéficier d’un statut de simple observateur à l’UEO (Union de l’Europe occidentale). Quant à l’adhésion à l’ONU, elle est jugée favorablement du point de vue de la politique de sécurité. La Suisse ne serait d’ailleurs pas tenue de mettre à disposition des troupes armées.
Pour les militaires, les principales modifications proposées par RAPOLSEC 2000 concernent l’envoi de personnel et de contingents de troupes à l’étranger. L’armée passe aussi d’une stratégie de la dissuasion à une stratégie de la coopération. Le principe d’une armée de milice est maintenu et une nouvelle réduction des effectifs est programmée. Par contre, certaines unités seront placées dans un degré de disponibilité plus élevé en fonction des nouvelles missions. Le mot-clef de cette réorganisation se nomme interopérabilité. A savoir que l’armée doit devenir apte à une coopération multinationale, notamment dans le cadre du Partenariat pour la paix (PPP).
La protection de la population (PP) est également touchée par cette réforme. Le Conseil fédéral propose notamment l’intégration de la Protection Civile actuelle dans le nouveau dispositif, l’octroi aux cantons de la compétence d’engagement (la Confédération réglant les questions de base), la possibilité de participer à la gestion des crises dans le cadre du Partenariat pour la Paix, la représentation au sein de l’ODS et le maintien de l’infrastructure de protection (abris). En outre, les sapeurs-pompiers, les services techniques, la voirie, la santé publique et les organisations de sauvetage feront également partie de cette organisation. Concernant l’approvisionnement économique du pays, le rapport relève que le sabotage, le terrorisme et les catastrophes naturelles relèguent au second plan l’éventualité d’une guerre ou d’un encerclement. Par conséquent, seules des réserves minimales sont conservées dans le commerce, l’industrie et l’agriculture.
Selon le Conseil fédéral, l’obligation de servir (armée ou PP) doit être maintenue. En outre, des possibilités d’effectuer le service militaire en une seule période et d’introduire la notion de soldats contractuels doivent être créées, tout comme la mise en place de composantes professionnelles pour certaines tâches spécifiques. Quant à la répartition des citoyens entre la PP et l’armée, le rapport présente trois variantes qui toutes entraîneraient une révision de la Constitution fédérale. La première maintiendrait une école de recrues pour tous avec par la suite une affectation à la PP ou au service militaire. La deuxième diviserait dès le recrutement les troupes destinées à la PP et celles destinées à l’armée, ceci sans liberté de choix et avec une instruction séparée. La troisième serait similaire à la deuxième, mais avec la liberté du choix pour les individus, sous réserve de la couverture des effectifs dans les deux entités. Pour les deux dernières variantes, l’instruction relative à la PP serait principalement du ressort des cantons. Les femmes ne seront pas touchées par l’obligation de servir, si ce n’est de façon partielle dans le cadre des sapeurs-pompiers, mais leur participation doit être encouragée préconise le rapport. Concernant le service civil, le Conseil fédéral pose qu’à l’avenir, sa disponibilité opérationnelle sera faible, sa mise sur pied s’effectuant dans un délai de plusieurs semaines [7].
Par 114 voix (prendre acte du rapport en l’approuvant) contre 44 (prendre acte du rapport) et 25 abstentions, la chambre du peuple a accepté ce rapport sur la politique de sécurité. Une proposition Zisyadis (pdt, VD) de prendre acte du rapport en le désapprouvant avait auparavant été écartée par 103 voix contre 31. Ce dernier a fait savoir que son parti combattrait par voie de référendum la révision de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire qui découle de ce rapport [8].
Dans l’esprit de RAPOLSEC 2000, le Conseil fédéral a édicté plusieurs directives sur l’organisation de la conduite de la politique de sécurité. A partir du 1er janvier 2000, cette dernière sera confiée à la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité (constituée des chefs du DFAE, du DDPS et du DFJP), à l’Organe de direction pour la sécurité (ODS) (voir supra), à l’Organe de coordination du renseignement de la Confédération et au Bureau d’appréciation de la situation et de détection précoce. Ces directives précisent notamment les rapports entre ces entités ainsi que leurs tâches respectives [9].
 
[7] FF, 1999, p. 6903 ss.; presse du 11.6.99.7
[8] BO CN, 1999, p. 2647 ss.8
[9] FF, 2000, p. 201 ss.9