Année politique Suisse 1999 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung / Défense nationale et société
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Protection des édifices
La milice a été mobilisée dès le début d’année pour assurer la protection d’édifices pouvant faire l’objet d’attaques par des groupuscules étrangers. En effet, des membres et sympathisants du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont pris d’assaut des représentations diplomatiques, des installations étrangères ainsi que des bâtiments abritant des organisations internationales, ceci suite à l’arrestation du chef du PKK Abdullah Öcalan. Débordées par les évènements, les autorités de Berne, Zurich et Genève demandèrent le concours de l’armée afin de pouvoir assurer la protection des bâtiments placés sous la responsabilité de la Confédération. Réagissant rapidement, le Conseil fédéral décida par arrêté de mettre à disposition des troupes militaires afin de renforcer et décharger les forces de police des villes concernées. Dans un premier temps, ce sont 400 militaires qui ont été déployés pour assurer la sécurité de 30 bâtiments diplomatiques à Genève et une centaine pour 13 bâtiments à Berne. Zurich est finalement revenue sur sa décision de solliciter l’appui de l’armée, suite au veto de la conseillère d'Etat Rita Fuhrer (udc). Afin d’éviter tout débordement, il a été décidé que seule la police serait toutefois compétente pour le maintien de l’ordre, la milice se bornant à des missions de garde et d’observation. Le comité genevois de soutien au Kurdistan a critiqué l’engagement de l’armée et déploré la militarisation de la Suisse [10].
Conformément à la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire (LAAM) qui stipule qu’en cas d’engagement de la troupe pour plus de trois semaines ou de plus de 2000 militaires, l’Assemblée fédérale doit se prononcer lors de la session parlementaire suivante, les Chambres se sont penchées sur cet objet en avril. Lors du vote sur l’ensemble, le Conseil des Etats s’est exprimé à l’unanimité pour l’arrêté du Conseil fédéral, non sans avoir au préalable supprimé par 29 voix contre 4 la limite d’engagement au premier juillet contenue dans le message initial et délégué la totalité de l’exécution au gouvernement. Moins enthousiaste de par son aile gauche (entrée en matière par 101 voix contre 50), le Conseil national a fini par se rallier (87 voix contre 60) à la vision de la chambre des cantons, suivant ainsi la majorité de sa commission. Lors du vote final, il s’est déterminé par 92 voix contre 53 (notamment PS et Verts) et 3 abstentions. Malgré cet aval donné au Conseil fédéral, des voix se sont fait entendre dans les deux chambres pour s’inquiéter de la dispersion des tâches de l’armée, s’effectuant qui plus est au détriment de l’instruction [11].
Limité dans un premier temps par le Conseil fédéral à quatre mois, l’engagement de l’armée a fait l’objet à la fin du mois de mai d’un deuxième arrêté fédéral ordonnant sa prolongation jusqu’au 30 avril 2000 et pour 800 militaires au maximum. Dans son message y relatif, le gouvernement a expliqué sa décision par le fait que la sécurité intérieure pouvait encore être menacée. Il a notamment évoqué de possibles troubles consécutifs au procès d’Öcalan en Turquie, les tensions existant entre les différentes communautés d’Ex-Yougoslavie résidant en Suisse, ainsi que le risque accru d’actes hostiles aux étrangers. Appelé à se présenter une deuxième fois sur le sujet, le parlement n’a pas voulu recommencer le débat de fond mené lors de la session d’avril. La gauche (qui refuse une militarisation des tâches civiles) et la droite (qui craint une dispersion de l’armée) ont toutefois prié le Conseil fédéral de se pencher sur la mise sur pied d’un dispositif qui remplacerait l’armée à moyen et long terme pour ce type de tâches. Finalement, le Conseil des Etats a approuvé la poursuite de l’engagement de l’armée à l’unanimité, alors que le Conseil national a vu la gauche s’opposer sans succès à la fois à l’entrée en matière (75 voix contre 43) et au vote sur l’ensemble (76 voix contre 43) [12].
Suite à cette mobilisation de la milice dictée par l’urgence et le manque de moyens de la police, le rôle de l’armée dans ce type de tâches a été largement discuté dans les médias comme au parlement. Au Conseil national, une motion de Christiane Jaquet (pdt, VD) a traduit une certaine inquiétude de la gauche à voir l’armée relayer la police alors que les mesures d’économie tendent simultanément à réduire les effectifs de cette même police. La popiste vaudoise a donc demandé au Conseil fédéral de financer plutôt un certain nombre de postes de policiers dans les cantons et les grandes villes, seule solution selon elle pour éviter les pièges d’une police fédérale et le recours à l’armée. Dans sa réponse, le gouvernement a répondu qu’il fallait analyser globalement ce sujet de la sécurité intérieure avec également l’option du recours aux gardes-frontière et aux gardes-fortifications. Le Conseil national a finalement transmis ce texte comme postulat. Toujours à gauche, une interpellation Grobet (pdt, GE) a interprété l’utilisation de l’armée à Genève comme une tentative de justification d’un budget militaire totalement exagéré. Combattu, un postulat Freund (udc, AR) demandant au Conseil fédéral d’examiner la possibilité de créer dans le cadre d’ « Armée XXI » un corps d’intervention chargé d’assurer la sécurité aux frontières et de protéger des bâtiments contre les actes terroristes a été renvoyé. Après la fin de la guerre au Kosovo, l’armée a cessé de protéger les ambassades de six pays de l’OTAN (France, Belgique, Grande-Bretagne, Hollande, Canada et Espagne), seul un service de patrouille étant maintenu. En décembre, les militaires ont quitté la ville de Genève [13].
 
[10] FF, 1999, p. 2743 ss.; presse du 25 au 27.2 99, du 2.3 et du 6.3.99; NZZ, 3.3 (Zurich) et 5.3.99 (Comité). Par ailleurs, le Grand Conseil genevois a voté une motion par 42 voix contre 40 demandant à la Confédération de retirer ses troupes du canton.10
[11] FF, 1999, p. 2752 et 2861; BO CE, 1999, p. 292 ss.; BO CN, 1999, p. 703 ss.11
[12] FF, 1999, p. 6485 ss. et 7010; BO CE, 1999, p. 603 ss.; BO CN, 1999, p.1549 ss.12
[13] BO CN, 1999, p. 1307 s. (Jaquet), 1379 ss. (Grobet) et 1325 (Freund); NZZ, 26.6.99 (patrouille); LT, 12.11.99 (Genève).13