Année politique Suisse 2000 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe: UE
print
Accords bilatéraux avec l’UE
En début d’année, les paris étaient encore ouverts au sujet de l’aboutissement de la procédure référendaire initiée par les Démocrates suisses et la Lega. Sans grande surprise cependant, les deux partis ont déposés à Berne les 50 000 signatures requises au référendum – 66 733 signatures reconnues valables, dont 23 000 déposées par les Démocrates et 9800 par la Lega –, soutenus dans leur tâche par diverses formations et organisations politiques proches des milieux de droite ainsi que quelques mouvements écologistes ou d’extrême gauche opposés aux perspectives économiques des accords. Absents de la campagne de récolte de signatures, l’UDC et l’ASIN ont fait montre d’un attentisme qui présageaient des débats internes énergiques que la campagne en vue des votations allait motiver [8]. La campagne a été rapidement relayée par le Conseil fédéral qui a tenu à afficher une position homogène en faveur des accords. En sa qualité de président, Adolf Ogi fut le premier à monter au front et cerner les grandes lignes d’argumentation du gouvernement, principalement pour fustiger les risques d’amalgame entre une ratification des bilatérales et une adhésion à l’UE [9]. Cette prise de position a été suivie d’une offensive massive du Conseil fédéral, dont quatre de ses membres – Moritz Leuenberger, Ruth Dreifuss, Joseph Deiss et Pascal Couchepin – ont exposé au coude à coude les vues gouvernementales. Le nombre exceptionnel de ministres fut légitimé par l’importance de l’enjeu aux yeux du Conseil fédéral et par le fait que les accords touchaient quatre départements fédéraux [10].
Parmi les acteurs engagés pour un «oui» aux votations, le Vorort a joué son rôle de porte-parole d’une économie helvétique très majoritairement favorable aux bilatérales, dont l’investissement vis-à-vis de la votation fut évalué à plus de 10 millions de francs [11]. Autres organisations favorables: l’Union suisse des arts et métiers (USAM), l’Union patronale suisse, l’Union suisse des paysans, l’USS, la FTMH, la Confédération des syndicats chrétiens, les associations de banquiers et des assureurs, l’Association transports et environnement. Soutien inhabituel qui démontre l’amplitude des débats, l’Université de Neuchâtel s’est officiellement engagée pour les bilatérales en raison du système d’échange qui les accompagne. Dans le rang des partis politiques: le PDC, le PS, le PRD, le Parti libéral, le Parti chrétien-social et l’UDC sont allés dans le sens du Conseil fédéral. Le débat au sein de cette dernière fut particulièrement houleux et a vu Christoph Blocher légèrement vaciller à la tribune du congrès réuni sur la question des bilatérales. Par 297 voix contre 201, les délégués UDC ont donné un mot d’ordre favorable aux accords, alors que leur leader médiatique n’avait pu afficher une position claire et cohérente sur la question (à relever que, le même jour, les délégués du Parti de la liberté eurent moins d’atermoiements pour recommander un «non» massif) [12]. Ainsi, plus de la moitié des sections cantonales de l’UDC se sont opposées à la décision du parti national. Second camouflet pour Christoph Blocher, la position de l’ASIN dont il est le président a été largement débattue par ses propres adhérents réunis en congrès, furieux qu’une recommandation de vote vis-à-vis de la votation ne fut même pas à l’ordre du jour. Au final, l’ASIN a, contre l’avis de Blocher, décidé de voter un mot d’ordre. Ce dernier a débouché sur un «non» très majoritaire [13].
Le 21 mai, la votation s’est soldé par un net plébiscite des bilatérales, par 67,2% de «oui» contre 32,8% de «non». Fait nouveau depuis le refus de l’adhésion à l’EEE en 1992, le fossé entre les deux principales régions linguistiques s’est notablement rétréci: les bilatérales ont été acceptées aussi bien en Suisse alémanique qu’en Romandie. Seul avec Schwytz, le Tessin a refusé les accords avec 57% de «non». Vaud a été le canton où l’on a le plus massivement voté en faveur des accords (80,3%). Avec une participation de 48,3% – en dessus de la moyenne, mais très loin des 79% de la votation de l’EEE –, le vote s’est cristallisé autour du «sentiment européen» des électeurs: l’analyse VOX fait apparaître que, si 93% des partisans de l’ouverture vers l’UE ont plébiscité les bilatérales, seulement 13% des isolationnistes ont introduit un «oui» dans les urnes. Les jeunes se sont moins mobilisés que les personnes âgées entre 50 et 69 ans, avec un petit 28% de participation chez les 18-29 ans. Au niveau partisan enfin, 93% des sympathisants du PS ont accepté les bilatérales, 83% des radicaux, 69% des démocrates-chrétiens. Par contre, les partisans UDC ont rejeté par 76% les accords [14].
«Accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union Européenne»
Votation du 21 mai 2000

Participation: 48,3%
Oui: 1 497 093 (67,2%) / 24 cantons
Non: 730 980 (32,8%) / 2 cantons

Mots d'ordre:
Oui: PRD, PDC, UDC (14*), PS, PL, PEP, PES (1*), PdT; economiesuisse, USAM, USP, USS, FSE.
Non: PdL (ex-PA), Lega, DS, UDF, KVP; ASIN.

* Recommandations différentes des partis cantonaux
Fort de l’appui important du peuple suisse, Pascal Couchepin a rencontré à Bruxelles cinq commissaires européens, dont le président Romano Prodi. Le chef du Département de l’économie a bataillé pour une ratification rapide des accords bilatéraux – bien que le Parlement européen ait voté son avis favorable, chaque parlement national doit encore les ratifier. A la fin de l’année sous revue, seule l’Autriche avait signé les accords (le vote avait aussi eu lieu aux parlements italiens et portugais, mais les décisions n’avaient pas encore été transmises à Bruxelles). Pascal Couchepin, outre le souci de l’adhésion à l’UE à long terme, a aussi discuté les possibilités d’un nouveau cycle de relations bilatérales, principalement dans les domaines laissés en suspens lors des dernières discussions en date. Dossiers concernés en priorité: l’information, les médias, la fraude douanière et fiscale, la coopération en matière de justice et de sécurité intérieure. Pour cette dernière, le Conseil fédéral a d’ores et déjà réaffirmé le caractère non négociable du secret bancaire [15]. Le gouvernement s’est par contre montré très intéressé par le dossier concernant la collaboration policière défini dans l’accord de Schengen. Les nouveaux instruments de contrôle mis sur pied par l’UE afin de pallier au déficit de contrôle aux frontières obligent la Suisse à s’adapter, a rappelé le gouvernement au sortir d’une séance spéciale. Le chapitre des fraudes douanières avait déjà, plus tôt dans l’année, motivé les foudres de l’UE à l’encontre des autorités helvétiques, sermonnées pour le peu d’efficacité de leur lutte contre la contrebande. La Commission de Bruxelles a stigmatisé la prétendue impunité dont jouissent les fraudeurs en Suisse et a placé l’adoption des standards de l’UE à ce sujet au cœur des futures négociations [16].
 
[8] 24h, 25.1 et 4.4.00; LT, 17.2.00 (signatures); voir APS 1999, p. 85 ss.8
[9] NZZ, 17.2.00.9
[10] TA, 18.3.00.10
[11] TG, 16.5.00.11
[12] Bund, 1.4 (Vorort) et 17.4.00 (UDC); 24h, 7.4.00 (liste des partisans); LT, 3.5.00 (Uni Neuchâtel); Lib., 17.4.00 (PdL).12
[13] BaZ et 24h, 15.5.00.13
[14] FF, 2000, p. 3538 s.; presse du 22.5.00; H. Hirter / W. Linder, VOX no 70, Analyses des votations fédérales du 21 mai 2000, Berne 2001.14
[15] 24h, 29.6.00.15
[16] 24h, 22.5.00 (Couchepin à Bruxelles); LT, 22.3 et 31.8 (fraude et contrebande), 17.11.00 (nouvelles négociations).16